Cent ans pour saliver (English )
Cent ans, ce n’est peut-être pas grand chose pour la Chine, vieille nation ayant derrière elle un passé d'organisation plusieurs fois millénaire. Mais pour nous autres Africains qui languissons dans l'ombre, et peinons à prendre notre destin en mains et nous libérer d’une certaine fatalité, nous avons hâte de faire nôtre le proverbe chinois qui dit : « Mieux vaut apprendre à pêcher un poisson que de se le faire offrir » et j’ajouterai volontiers : "ou de saliver en le voyant cuire dans notre propre cuisine, à la sauce chinoise…"
Binason Avèkès.
© Copyright, Blaise APLOGAN, 2007
Li Zhaoxing le chef de la diplomatie chinoise a du métier. Qu'il soit au Japon pour dénouer la crise des manuels d’histoire ou en Corée pour sceller une alliance contre l’ivresse japonaise de commémoration obscène du passé, Li Zhaoxing a toujours le sourire lumineux et la poignée de main franche. Sincérité chaleureuse diront certains, tic diplomatique répondront d'autres. Quoi qu'il en soit le naturel chaleureux de Li Zhaoxing ne connaît pas de frontière : en Amérique, en Asie ou en Afrique, l’homme donne le sentiment de privilégier une diplomatie de proximité où tout peut se régler par franche poignée de mains et tape dans le dos. Entre grands pays, cette fougue est bridée par les convenances subtiles des codes politiques ; mais en Afrique, continent par excellence où chaleur rime avec valeur, la Chine sait jouer à fond des vieilles nostalgies tiers-mondistes, et la bonne volonté diplomatique de Li Zhaoxing emporte la conviction.
Tel est le cas lors de la visite du chef de la diplomatie chinoise au Bénin la semaine dernière. A la télé, on pouvait voir le Ministre, à la tête d’une délégation alerte, débarquer tout sourire, arpenter les lieux, aborder ses hôtes et serrer les mains avec une chaleur à faire oublier l'obséquieuse retenue des Asiatiques, leur légendaire instinct de réserve. Mme Boni Aladji, la gazelle de la diplomatie béninoise était aux anges. Le sourire charmant de la Ministre, marié à la bonhomie énergique du tigre de la diplomatie chinoise faisait des germes d'étincelle. Début d’un accord parfait ? Tout semblait le laisser subodorer.
Pour quelqu’un comme moi qui n’avais plus été au Bénin depuis un certain temps, la présence des Chinois dans nos villes, surtout à Cotonou, saute aux yeux ; elle paraît banale, économiquement et sociologiquement. Et la Chine, dans le feu de son offensive tous azimuts sur notre continent, semble faire les yeux doux au vieil allié idéologique que fut le Bénin. Mais à l’heure actuelle, le business se substitue volontiers au monstre du Loch Ness idéologique. Hier, c’était le Livre rouge de Mao, aujourd'hui, place aux chiffres. Entre autres fruits concrets de cette diplomatie chaleureuse, on peut citer : un accord portant sur la remise d'une partie de la dette du Bénin envers la Chine, un prêt de 30 millions de yuan (2,9 millions d'euros) et un troisième accord d'aide financière au développement de l'administration au Bénin et à la construction d'infrastructures routières. De même, au pas de charge, M. Zhaoxing, qui était attendu en Afrique équatoriale, a procédé au lancement des travaux de la construction du centre commercial et économique de la Chine au Bénin ; un centre destiné à accueillir à Cotonou une exposition permanente des offres commerciales de la Chine.
Les sourires, les franches poignées de main, la communauté d’expérience tiers-mondiste, tout cela est bien beau. Mais ce qui m’inquiète moi est ce que m’a dit un ami du Ministère des Affaires étrangères. A en croire ce fontionnaire bien informé, les accords avec les Chinois sont intéressants, mais ils sont souvent assortis d’un long délai de transfert de technologie ou de cession de propriété. Certains délais atteignent, paraît-il, cent ans !
Jen, je désespère de te donner la réplique cinglante ; comme un député de droite à un député de gauche ; tes analyses me vont comme un gant : merci de s'en donner la peine...
Rédigé par : Blaise | 28 février 2007 à 09:21
Je suis absolument d'accord avec Bill que le Japon, le Koree du Sud, etc. sont beaucoup plus avances technologiquement mais s'il pense que la Chine n'a vraiment rien a offrir aux Africains dans les domaines de fabrication, etc. c'est parce que, a mon avis, il ne connait pas tres bien la Chine. J'ai parle avec plusieurs africains qui sont venus ici precisement pour etudier ce qu'il peuvent des chinois. La plupart des entreprises et entrepreneurs africains n'ont pas besoin des technologies avances du Japon, mais des technologies de base (+ investissement, bien sur). Procédé de fabrication est un exemple.
Le point n'est pas que la Chine est la meilleure partenaire. En fait, le plus que je vois comment les chinois se developpe leur propre pays, le plus effrayant deviennent mes cauchemars. C'est que la Chine a l'ampleur, les fonds, l'interet (personnel), en bref, la capacite de faire ce que les autres pays ne peuvenet pas ou ne sont pas dispose a faire. Mais c'est aux africains de proteger leurs propres interets.
Rédigé par : Jen Brea | 28 février 2007 à 01:01
Cher Bill, merci pour tes remarques ;
A propos du commentaire, je reviens sur la question soulevée, à savoir si les Chinois sont les mieux placés pour nous transférer de la technologie. En Asie, vous opposez les Chinois à des gens plus avancés. Mais ce qu’il y a peut-être d’intéressant dans la situation chinoise c’est qu’elle est plus proche de nous que les plus avancés ne le sont. De ce point de vue, la Chine mérite bien son nom d'Empire du Milieu ; c’est dire que leur transfert éventuel de technologie sera plus adapté et aura un rythme plus conforme à nos besoins ; pédagogiquement cela peut nous aider mieux à nous passer des tous les transferts quels qu’ils soient, puisque nous pourrions mieux apprendre les choses par le bas.
Mais quelques arguments utilisés dans votre question méritent qu’on s’y arrête un peu. Vous avez dit que les gens formés ce n’est pas ce qui manque côté africain, et vous avez dit qu’il y aurait 18 Millions de ressortissants africains en Europe seule. Mais sont-il tous des ingénieurs, des docteurs, des hauts cadres du secteur des affaires, du droit et de l’administration ? J’en doute. Selon ce que je peux voir en France qui est quand même un des pays européens où il y a beaucoup d’Africains, on ne peut pas dire que tous les ressortissants africains soient des cadres, il y a aussi des balayeurs, des veilleurs de nuit, des chômeurs, de petites gens qui sont contents de gagner mieux leur vie ainsi. Je ne nie pas qu’il y ait aussi de hauts cadres, des gens qui ont fait de longues études : il y en a beaucoup et même trop, d’une manière presque indécente ; la question d’ailleurs de l’adaptabilité des formations à la situation africaine se pose sérieusement dès lors qu’il s’agit de considérer de quel apport ces gens peuvent être pour leur continent d’origine.
L’autre question que je pose c’est : est-ce que 1000 hauts cadres mis en semble ça fait un esprit de création capable de, mettons créer un industrie automobile ? J’en doute ; c’est là qu’on s’apercevra que le tout est différent de la somme des parties. Une somation abstraite des cadres Africains ne produit pas automatiquement un ensemble doué de volonté, doté de savoir-faire collectif, de créativité ; un esprit d’action, etc.
D’autre part, qui vous dit que ces milliers de hauts cadres soi-disant d’origine africaine raisonnent en terme d’attachement à un continent d’origine qu’il faut sauver, aider à renaître ? Peut-être que bien des gens qui ont quitté l’Afrique n’y voient plus qu’une terre de nostalgie où l’on va retrouver des racines d’autant rêvées que les pays d’exil, le monde occidental, restent hostiles, mais une terre dont est définitivement séparé. Après tout, parmi ces 18 millions de Noirs d’Europe, il faut ajouter je ne sais combien de millions en Amérique, et pourquoi pas au passage considérer les descendants d’esclaves qui sont après tout aussi d’origine africaine, même lointaine.
En fait je crois que la vraie assiette sur laquelle l’Afrique peut compter c’est celle des Africains qui sont présent sur le terrain ; et aussi ceux qui peuvent de loin contribuer à son développement en tant qu’expatriés. Mais on ne peut pas fantasmer sur un nombre abstrait d’Africains qu’il suffit de mobiliser d’un coup de sifflet comme l’arbitre rassemble les joueurs sur le terrain de jeu.
Enfin, pour en revenir à la question de savoir si la Chine est bien placée ou non en ce qui concerne le transfert des technologies, le point est double ; il est d’abord éthique par rapport à la question soulevée ; tout le monde sait que venu d’Occident on entend une critique qui met en doute la sincérité de l’intérêt chinois pour l’Afrique, basé sur le slogan partenariat gagnant gagnant ; donc le propos de mon article c’était effectivement de questionner cette sincérité. Quelle est l’originalité de faire affaire avec la Chine aujourd’hui ? Est-ce dans le financement qu’ils proposent ? Est-ce dans le commerce ? Toutes ces voies existent déjà. La différence ne peur résider que dans la manière, dans le principe, dans l’égalité. Le problème étant que l’occident se contentait de nous exploiter et lorsque les choses devenaient difficiles, au lieu de nous aider, il s’en va en disant que : Ah, ben, ils ne sommes pas aptes au développement ; tout ce qui arrive est de leur faute, etc.. Si la Chine fait des affaires avec nous de manière classique, je ne vois pas comment on n’en arriverait pas au même point. En revanche si sa démarche est dans un esprit de transfert, oui. « Nous avons de l’expérience, nous avons du savoir-faire mieux que ces gens, nous avons des mode d’organisation de l’économie, etc., eh bien, nous n’allons pas seulement faire commerce avec eux, acheter leur pétrole et leur uranium mais, nous acceptons qu’ils soient présents dans les parts de marché, et qu’ils acquièrent des parts mais aussi des savoir-faire etc.. »
Je suis d’accord avec vous sur le fait que les Chinois en la matière sont moins avancés que les Japonais, mais pendant encore combien de temps ?
Enfin, l’autre aspect éthique c’est que la somme des Africains formés seule ne suffit pas à créer quelque chose. Et ce qu’une nation, quelle qu’elle soit, peut transférer c’est un esprit, des moyens, et surtout l’idée que dans les affaires, le gagnant gagnant est une réalité ; c’est la seule façon d’espérer que le jour où bientôt l’Afrique n’aura ni Pétrole ni uranium ni diamant, elle pourra toujours avoir des partenaires.
Rédigé par : BLAISE | 04 février 2007 à 21:59
Le commentaire de Bill
(Jewels in the Jungle)
Blaise Aplogan wrote an excellent piece about the PRC's investment and business policies in Benin under the wise and wiley guidance of the PRC's Foreign Minister. Trés bon Blaise! Great follow up comments as well.
This argument about skills and technology transfer from China to Africa:
Does Africa really need a skills and technology transfer from China??? After all, there are literally 100's of thousands (or more) Africans with university and technical college educations and loads of African people with valuable work and management experience living and working in countries all across the globe. This is especially true for the African diaspora, 18 million+ of which live in Europe alone.
These highly qualified African people DO NOT NEED a technology and skills transfer from China! These people simply need a fair chance to show what they can really accomplish in their home countries when given transparent and sustainable support from foreign investors and businesspeople and yes, even foreign governments. Perhaps most important of all they need good governance and strong leadership from politicians and businesspeople in African countries where they want to work and live.
The PR of China has very little to offer in cutting-edge advanced modern technology and business management skills. The Asian powerhouses of Singapore, Taiwan, Japan, and Korea have much more to offer Africa in that department than China. If that is what African countries seek from their foreign business partners, then they are "barking up the wrong tree" in their present Win-Win courtship with the PRC
Dans le commentaire de Bill ci-dessus reviennent 2 points qui sont les suivants :
1) Il y a suffisamment de cerveaux et de cadres Africains dans le monde et ceux-ci ont le savoir certain ; du coup, point besoin d’attendre du transfert de technologie de quiconque, surtout pas de la Chine.
2) La Chine n’est pas la mieux placée des pays asiatiques dont l’Afrique, le cas échéant, peut attendre du transfert de technologie de pointe ou significative.
A ces deux points je répondrai dans un autre commentaire
Rédigé par : Bill | 04 février 2007 à 21:54