Le chargé de la sécurité du président Jonathan M. Sambo Dasuki qui a annoncé depuis Londres et finalement obtenu le report des élections, annonce aujourd'hui que l'Armée va vaincre Boko haram en six semaines ! Tel est donc la stratégie médiatique choisie par le pouvoir nigérian. Faire en six semaines ce qu'il n'a pas pu ou voulu faire en six ans. Et Jonathan et les siens espèrent que les citoyens nigérians sont suffisamment des demeurés pour leur en savoir gré dans les urnes ? En vérité, même si Jonathan amenait Boko haram sur ses genoux et exhibait au monde entier la tête de Shekau, il reste que les Nigérians ont suffisamment de bon sens pour lui poser une question : « Pourquoi avez-vous laissé mourir des milliers de gens, laissé détruire des milliards de dollars de biens, laissé semer la désolation, laissé kidnapper des jeunes filles, etc. alors que vous nous prouvez qu'en six semaines vous étiez en mesure de nous délivrer de ce fléau ? » Malgré le scepticisme général sur la promesse de l’armée, cette question hante les lèvres et les têtes des gens sensés, et Dieu seul sait si les Nigérians ne sont pas les derniers dans cette catégorie. À la vérité, sur son objet et sur son bien-fondé, le pouvoir PDP et Jonathan ont fait l'impasse. Pour eux, apporter sur un plateau la tête de Shekau suffit pour lancer la machinerie de la fraude sur fond d'agitation médiatique d'un héroïsme victorieux inédit. Et le peuple enthousiaste devrait tomber dans le panneau, jouer le jeu, oublier le cruel passé de violence, de mort et de souffrance pour embrasser un avenir qui paraît radieux et prometteur. S'il n'en était pas ainsi, du moins dans l’esprit de Jonathan et des siens, comment peut-on douter un seul instant que le peuple nigérian troquerait le soulagement d'une victoire miraculeuse sur Boko haram contre la nécessité morale de questionner le gouvernement sur les raisons de sa coupable négligence, son manque de zèle criminel qui a coûté la vie à des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants, et pourquoi ce qui n'avait pas été possible pendant six ans le devient brutalement en six semaines. À la vérité, le gouvernement nigérian qui promet la victoire sur Boko haram en six semaines parie sur le fait qu’en Afrique, les peuples ne vivent que dans l'instant et dans l'instinct, c'est-à-dire dans les besoins immédiats, et sont très peu regardants sur les considérations éthiques. Mais la vraie question qui se pose et que le peuple nigérian devra poser dans ce contexte électoral porté à la manipulation est : « si Boko haram était vaincu en six semaines faut-il en rire ou en pleurer ?
Éloi Goutchili
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