La propension à dénier la réalité, sinon la vérité chez les hommes politiques africains est phénoménale ; et l'aveuglement dans ce déni devient parfois suicidaire pour eux-mêmes sinon pour leur pays. Arrivé au pouvoir après un coup de force sanglant qui a coûté la vie à son frère d'arme et ami, le président Sankara dont il était le second, Blaise Compaoré n'a eu de cesse de dénier symboliquement l'évidence de sa responsabilité. Le spectre de la culpabilité qui le hantait depuis lors est mis à distance par la tour d'ivoire de sa fonction présidentielle dans laquelle il s'est enfermé. Sortir de cette tour sacrée c’est redevenir un homme ordinaire, et au-delà de la justice des hommes à laquelle il pourrait avoir à répondre, il y a surtout cette justice immanente, interne du tribunal de la conscience qui, une fois débarrassé de ses oripeaux présidentiels, ne manquerait pas de l’appeler à sa barre. Raison pour laquelle, de mandature en mandature, de bricolage de la constitution en bricolage du paysage politique, il a multiplié au fil des ans une stratégie de rebonds qui lui a assuré une longévité politique aussi confortable que lénifiante. Pendant des années, Blaise Compaoré n'a cessé de renvoyer aux calendes grecques l'heure ultime du jugement intime. Cette psychologie explique en partie mais en partie seulement pourquoi le sombre personnage a préféré prendre les risques inouïs pour lui-même et pour son pays plutôt que de faire ce qu'il aurait été normal de faire. |
Mais l'aveuglement sur leurs propres limites et le déni de la réalité, en ce qu'ils sont les travers les mieux partagés parmi la faune des dirigeants africains, ne s'épuisent pas dans des cas spécifiques ni dans la seule manifestation des idiosyncrasies. Ils sont une donnée générale de la condition, de la culture et des mœurs politiques africaines. Mais se faire réélire pourquoi faire ? Se faire réélire pour quel changement significatif dans la situation du pays et la condition de ses habitants ? Que peut-il faire en quatre ans qu'il n'a pu faire en six ans ? Mystère… Adenifuja Bolaji |
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