Le Nigeria doit son nom au fleuve Niger et à l'ingéniosité poétique d'une épouse de gouverneur. À l'appui de l'amalgamation de peuples et de territoires les plus divers, le colonisateur a cherché à donner une cohérence à son acte, et ce fut le fleuve ; comme si sa seule existence légitimait l'union des peuples traversés. Imaginez un peu des Africains colonisant l'Europe et, au gré de leurs conquêtes, pour former un État, enfilent le long du Rhin une noria de nations. Ainsi, nos colonisateurs africains créeraient un gigantesque État qu'ils nommeraient le Rhineria, et qui compterait la France, l'Autriche, le Liechtenstein, les Pays-Bas, l'Allemagne, la Suisse ! Tous pays traversés par le Rhin.
On voit d’ici l'aberration humaine et politique que cette entreprise représenterait. Rien que d’imaginer un seul État comprenant la France et l'Allemagne donne le tournis quand on considère que les guerres ethniques entre ces deux nations ont été érigées en guerres mondiales avec toutes les conséquences que l'on connaît. Et pourtant, comparés au Nigeria qui est un pays multiconfessionnel où vivent côte à côte des peuples avec des religions et des langues diverses, les peuples de cet imaginaire Rhineria ne sont pas piégés dans des conflits religieux et culturels stupides : ils sont chrétiens, et ont le latin comme base plus ou moins prononcée de leurs langues. Au contraire, aujourd'hui, le Nigeria existe comme une vaste compilation de peuples où s'affrontent les deux religions les plus traditionnellement opposées au monde que sont l'islam et le christianisme. Il doit vivre avec une diversité de conflits autrement plus explosifs que ceux du Rhineria aujourd'hui abrité sous le parapluie européen.
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En vérité dans leur dessein d'exploitation matérielle et humaine de l'Afrique, les Européens, en formant nos États, n'avaient comme critère d’unité que la seule couleur de notre peau. C'est pour cela qu'ils ont taillé nos nations à la serpe, un partage basé sur l'échange de bons procédés, de renvoi d'ascenseur sur le mode du « tu me passes la rhubarbe, je te passe la moutarde ». Comme on le voit, le problème posé par cette légèreté géopolitique sur le dos des peuples africains, dans le cas du Nigeria, sont immenses et incommensurables aux éventuelles difficultés de coexistence nationale des peuples de ce Rhineria imaginaire. Et pendant que les Africains errent comme un chien dans un jeu de quilles, ceux qui les ont mis dans cet absurde traquenard, les regardent, impassibles, sans remords ni regrets, ayant même l'air de se gausser de leurs malheurs.
Aklasu Basile
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