Au lendemain de sa déclaration de candidature à l’élection présidentielle qui s’annonce début 2015, Goodluck Jonathan participe ici, comme le montre l’image, à l’une de ces nombreuses cérémonies plus ou moins importantes, qui émaillent le quotidien chargé d’un chef d’Etat. Ici, avec le Gouverneur de la Banque centrale du Nigéria, il présente aux photographes un spécimen du nouveau billet de 100 nairas, qui va bientôt être mis en circulation. Trêve de cérémonies rikiki se dit-on. Quelle est l’importance de ce nouveau billet de banque pour que le chef de l’Etat y dédie les précieuses minutes de son agenda chargé ? Et regardez comment l’objet est tenu sérieusement par le Président comme si c’était une pépite d’or. Qu’y a-t-il de si héroïque dans la sortie d’un nouveau billet de banque pour mobiliser l’attention du chef de l’Etat, dans un pays en lutte contre le terrorisme qui, à cet instant, aurait dû être sur pied de guerre pour assurer protection et sécurité aux citoyens ? Enfin, Goodluck Jonathan n'a-t-il rien de plus important à faire que de présenter aux citoyens – du moins aux caméramans – un billet de banque qui, dans quelques semaines, deviendra monnaie courante ? Pour répondre à ces questions, il faut tenir compte de quelques détails non négligeables, malgré leur insignifiance apparente. D’une part, comme le font les présidents et hommes politiques nigérians, sur l’image, Jonathan joue les caméléons vestimentaires. Si les hommes politiques locaux ( Etats ou régions) portent naturellement les vêtements de leur région, le chef de l’Etat qui dirige un état multiethnique fédéral composé de plus de 30 états doit faire moult contorsions vestimentaires pour plaire ou ressembler à ses concitoyens. Pour se faire, selon la région, l’Etat, ou la zone où il se trouve, à l’instar d’Obasanjo qui en avait rodé l’usage, Jonathan joue les caméléons en s’habillant aux couleurs de l’ethnie avec laquelle il a affaire. Cette technique vestimentaire du caméléon est fastidieuse mais électoralement payante en raison de sa charge spéculaire. Ainsi quand Jonathan est à Kano ou a Yobe dans le Nord, il s’habille en Haoussa ou en Peulh. Quand il va à la rencontre d’un dignitaire religieux du Nord, il ajoute à la tenue classique des Nordiques, la couleur ou la coiffe qui accentue l’aspect spirituel de sa tenue. L’habit ne fait pas le moine, mais en l’occurrence, il le fait plus accueilli, plus accepté, plus proche. Il fait de même dans le sud. En dehors de sa propre région dont il porte plus souvent le vêtement, que ce soit en direction des Ibo ou des Yoruba, Jonathan s’habille en fonction de ses hôtes. Ici la tenue que porte Jonathan est une tenue Yoruba, dans son versant religieux connoté par la couleur blanche. Il y a dans ce blanc et la forme de la coiffe globalement yoruba musulman, un petit clin d’œil à la même religiosité islamique au sens large, qui peut parler aussi à l’entendement d’un Nordique. Mais la tenue est explicitement yoruba au degré 1, yoruba musulman au degré 2, et musulman au degré 3, c’est-à-dire nordique de manière subliminale. Alors pourquoi nippé dans une tenue qui s’adresse aux Yoruba, Jonathan procède à une cérémonie apparemment dérisoire et accorde tant d’importance au geste de présentation d’un billet de banque à la caméra au lendemain même de sa déclaration de candidature à l’élection présidentielle qui s’annonce ? Eh bien parce que, comme on peut le voir avec la photo ci-dessous, le billet de banque est dédié à la figure emblématique de l’homme politique yoruba universel : OBAFEMI AWOLOWO. |
Donc en se livrant à cette cérémonie apparemment dérisoire, Jonathan s’adresse aux Yoruba, et montre comment il les met à l’honneur, à travers la figure de l’illustre homme politique qu’est AWOLOWO, fils de leur terroir et Père fondateur de la société politique yoruba moderne, ainsi que du Nigeria. En un mot, cette image, apparemment idiote et dérisoire est un concentré de message subliminal, à caractère préélectoral. Comme quoi en Afrique, la publicité électorale, comme le diable, est souvent dans les détails Bola Adebisi |
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