Par Douglas Anele Je crois fermement que lorsque le président, les gouverneurs et autres titulaires principaux de charges publiques en appellent régulièrement à la prière et participent à des programmes religieux hors norme, les émotions superstitieuses sont substituées à la réflexion stratégique comme meilleure approche pour relever les défis de la gouvernance. En d'autres termes, le penchant de nos dirigeants à demander l'intervention divine dans les domaines essentiels qui nécessitent un calme examen rigoureux et scientifique de données pertinentes dans la prise de décisions dans l'intérêt des Nigérians, ce penchant est disons-nous dangereux. Il mène à la confusion intellectuelle et irréaliste selon laquelle « Dieu nous aiderait à nous en sortir » Pour ne citer qu'un exemple, en raison de ses prétentions d’être un chrétien born again, l'ancien président Olusegun Obasanjo n'a pas réussi à gérer prudemment nos ressources nationales en vue d’une véritable transformation économique. Les modestes résultats dans la lutte contre la corruption sont insignifiants au regard de ses stratégies chaotiques de mise en œuvre de l’action politique et de la quantité éléphantesque d’argent gaspillé au cours de la même période. Maintenant, le président Goodluck Jonathan répète les mêmes erreurs commises par Obasanjo. Il est à la poursuite d'un mirage, se livrant aux mêmes appels futiles aux Nigérians à la prière, à encore plus de prière, convaincu que les prières vont aider à résoudre nos multiples problèmes. Il se lie d'amitié aussi avec des pasteurs et religieux bien connus, et se montre très désireux de prouver sa piété chrétienne. Mais la photo de lui à genoux devant le pasteur Enoch Adeboye sollicitant l'aide divine est une image étrange ; elle crée la fausse impression que la présidence est subordonnée à la religion, ce qui est contraire à la laïcité de notre Constitution. En dépit de cette religiosité tonitruante, sa performance en tant que président est médiocre. La religiosité ostentatoire des hauts fonctionnaires dans le pays n'a pas eu un impact positif dans l'exercice de leurs fonctions. Sinon comment expliquer les cas fréquents de fourberie financière et les modes de vie ostentatoires et obscènes des cadres de l’État à tous les niveaux ? Les Nigérians devraient se réveiller de leur sommeil intellectuels et dogmatiques pour se rendre compte que la religion est un écran de fumée utilisé par l'élite dirigeante pour les tromper, et souvent les diviser.
Mais quelle est la probabilité que nos concitoyens confrontent leurs méninges à la réalité, quand ils sont plus catholiques que le pape, plus musulmans que l'imam en chef d’Arabie Saoudite ? Que les Nigérians soient les plus croyants du monde est incontestable, ce qui indique aussi qu'ils sont opposés à la pensée critique et au scepticisme méthodique. Les Nigérians ordinaires mangent, boivent, dorment et cajolent la religion. Habituellement, ils attribuent les expériences négatives et les malheurs au diable, alors que quand les choses tournent comme il le souhaite ou dépassent ses espérances, le Nigérian moyen s'écriera : «Dieu merci ! » La question est, si Dieu ou Diable est responsable de tout ce qui arrive à l'homme, quelle est notre part de responsabilité en tant que créatures rationnelles et morales ? Encore une fois, en supposant qu'un être surnaturel répond à nos prières, dans quelle mesure faut-il compléter cette réponse avec nos propres efforts ? En supposant que nos efforts humains, si imparfaits et parfois inefficaces soient-ils, nous permettent toutefois de réaliser nos désirs réalistes et raisonnables, quel sens y a-t-il de prier Dieu ou Allah ? Le problème est que la plupart des Nigérians , indépendamment de leur origine, de leur éducation et leur statut socioéconomique, entrent en hibernation intellectuelle en raison de la religion. Ils croient naïvement, à tort, que personne ne peut remettre en question Dieu, tout simplement parce que la religion est une question de foi, pas de raison. Rien ne peut être plus anti-intellectualiste que cela. Contempler le niveau de crédulité religieuse et de bêtise au Nigeria est une expérience inquiétante, compte tenu de l'absurdité des croyances et des comportements autorisés sur la base religieuse. N'est-ce pas le comble de la bêtise de penser que « l'eau bénite » ou « l’huile d'onction » ou les charabias prononcés par les pasteurs prétendant parler de source peuvent guérir des maladies, qu'un mouchoir blanc spécial d'un « homme de Dieu » confère au croyant tout ce qu'il désire désespérément ? Qu'en est-il des chômeurs et des travailleurs à très faible revenu qui « sèment les graines » chaque dimanche dans des églises dont les pasteurs se déplacent en jets privés ? Des placébos psychologiques sont maintenant emballés et vendus régulièrement dans les églises comme des «miracles », et les Nigérians les achètent sans hésiter ! Mais pourquoi, malgré l'augmentation continue du nombre de personnes souffrant de handicaps mentaux et physiques, nos églises et nos mosquées sont pleines à craquer de gens attendant sincèrement leurs propres miracles ? Peut-être les Nigérians sont si intellectuellement obnubilés qu'ils ne peuvent pas voir qu'être un Pasteur Visionnaire ou un Imam Charismatique est le moyen le plus rapide de devenir multimillionnaire et la stratégie la plus efficace pour coucher avec les plus jolies femmes qui se bousculent autour d’eux.
Dans nos universités, l’inclination anti-intellectuelle se répand, et le grand coupable est la religion. Nombre de dirigeants principaux de ces institutions, y compris les vice-chanceliers, sont membres du clergé, des chrétiens et des musulmans engagés qui promeuvent et participent activement aux programmes religieux sur les campus. Pour la plupart des gens, la domination de l'esprit de l’élite gestionnaire des universités par les religieux fervents est une bonne chose. Pour moi, c’est déplorable , compte tenu de la forte probabilité de partialité religieuse, qui engendre des décisions et des choix inappropriés. Un vice-chancelier dominé par la conscience religieuse gaspillerait du temps, de l'énergie et de l'argent sur les activités religieuses dans l'espoir d'une intervention divine, des ressources limitées qui auraient pu être canalisées vers des activités plus productives pour renforcer l'enseignement et l'apprentissage. La religion embrouille les questions en déplaçant l'attention des scientifiques d’une approche rationnelle de résolution de problèmes à l'attente naïve que Dieu ou Allah viendra à notre aide quand nos efforts échoueront. Ceux qui pensent de cette façon réalisent à peine que, finalement, les problèmes humains sont résolus par l'homme à travers le déploiement et la création de leurs forces productives. La dépendance dogmatique par rapport à Dieu inhibe notre potentiel créatif, désoriente notre attention, et substitue la pensée dogmatique pieuse à la pensée critique stratégique. Il est décevant que les gens très instruits, certains d'entre eux des professeurs en sciences et en ingénierie, avec une meilleure connaissance des lois de la nature que le Nigérian ordinaire, s'accrochent avec ténacité aux déclarations d’une littérature archaïque prononcées par d’antiques populations pastorales ignorantes. L'accent mis par Karl Popper sur la critique comme fondement de la rationalité doit être accepté par toute personne qui choisit de vivre de façon rationnelle et veut que les autres vivent de la même manière. La meilleure façon de réduire la propension humaine à substituer l'illusion à la réalité, l'ignorance à la connaissance, et le mensonge à la vérité et à la pensée critique c'est l'engagement de soumettre nos croyances et nos actions à un contrôle rationnel permanent. De ce qui précède, on peut déduire que l'acceptation non critique ou dogmatique de la religion est la principale source de l'attitude anti-intellectuelle générale des Nigérians. D'autres sources sont la paresse intellectuelle et le défaut d’une éducation, qui met l'accent sur la passation des examens et des certificats de formation plutôt que sur l'acquisition de compétences de la pensée critique et le développement de l' esprit scientifique. À cet égard, la meilleure façon de lutter contre l'anti-intellectualisme est d’exposer les dangers de l'acceptation généralisée et dogmatique de la superstition religieuse et de veiller à ce que les programmes de l'école primaire et secondaire soient conçus pour promouvoir l'attitude de l'enquête critique libre ou rationnelle chez les enfants. L’exposition à la philosophie réduit le dogmatisme. Par conséquent, les professeurs de philosophie dans les universités nigérianes doivent développer des cours de philosophie appropriés pour les écoles primaires et secondaires, comme c'est le cas dans plusieurs pays. Certes, il est beaucoup plus facile de vivre avec un état d'esprit anti- intellectuel que de lutter pour des exigences de rationalité scientifique. C'est pourquoi, la plupart des Nigérians embrassent avec empressement l'irrationalisme dans toutes ses ramifications. Pourtant, une vie dominée par l'attitude scientifique est préférable, parce que, comme le fait remarquer à juste titre Bertrand Russell, la bonne vie est un vie inspirée par l'amour et guidée par la connaissance.
Douglas Anele : in The anti-intellectual character of Nigerians (3) publié par Vanguard
Trad. Binason Avèkes
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