La conférence nationale du Nigéria termine sa première semaine effective, qui a été marquée par un blocage inaugural. Il s'agit du blocage lié à la détermination du seuil du vote par consensus censé sanctionner les décisions des délégués. Cette question a divisé les délégués en deux camps rivaux. D'un côté, il y a ceux qui souhaitaient que le seuil de décision soit fixé à deux tiers soit 66 % des délégués et ceux qui préconisaient qu'il soit fixé à trois quarts, soit 75 % des délégués. Cette bataille des chiffres n'est pas anodine car la division qu'elle traduit correspond au clivage Nord-Sud qui marque la vie sociopolitique du Nigéria. Cette division révèle une donnée de fond qui est la grande réserve du Nord par rapport à toute évolution du statu quo actuel, notamment sur les grands sujets à l'ordre du jour de la conférence. En fixant la barre de décision à 75 %, les Nordiques voudraient s'assurer qu'aucune décision préjudiciable à leurs intérêts ne soit prise par la conférence. La constitution actuelle du Nigéria étant le fait des militaires originaires du Nord, sa forme laisse à désirer quant au droit des états membres, notamment en ce qui touche à la dévolution du pouvoir et à la clé de répartition des revenus du pétrole. Alors que le Nord--et c'est l'une des raisons de fond du terrorisme de Boko Haram qui a plus de sympathisants non déclarés dans la classe politique du Nord qu'on ne peut l’imaginer--estime au nom du Nigéria, qu’il a droit à une meilleure part des revenus pétroliers, le sud, notamment les états pétroliers estiment que leur part devrait tenir compte du privilège d'état pétrolier mais aussi et surtout des conséquences écologiques et environnementales que cela entraîne. Pour toutes ces raisons, et pour des raisons d'une organisation fédérative plus souple, donnant plus de liberté aux états, le sud souhaiterait faire évoluer l'architecture de la fédération dans sa forme actuelle. D'où son inclination à fixer le seuil du consensus à son plus bas niveau, histoire de rendre plus souple la prise de décision. Ce point d'achoppement entre les partisans du deux tiers et ceux du trois quarts a bloqué les travaux de la conférence dans la mesure où la question touche à un point de procédure et devrait être réglée avant toute discussion des points inscrits à l'ordre du jour de la conférence. Après une semaine de tractations, la poire a été coupée en deux par un comité de 50 membres désignés en début de semaine et qui s'est réuni sur le sujet. Ce comité a donc pris la décision de fixer le seuil du vote par consensus à 70 % : 4 % au-dessus du deux tiers des minimalistes originaires du sud pour la plupart, et 5 % en deçà du trois-quarts que voulaient les gens du Nord. Cette décision mi-figue mi-raisin donne une idée de la qualité moyenne des décisions qui pourront être prises par cette conférence nationale non souveraine dont on augure mal sa capacité à prendre des décisions allant dans le sens d'une évolution de la situation actuelle du Nigéria, en dépit des questions ambitieuses inscrites à son ordre du jour. En tout état de cause, cette conférence nationale, à défaut de bouleverser la face du Nigéria, aura au moins le mérite d'amener ses citoyens à se parler.
Binason Avèkes
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