La corruption est une telle gangrène culturelle et économique au Nigéria--manne pétrolière oblige--que même le sexe faible n'hésite pas à faire fort, ou en tout cas n'est pas en reste. Tout le monde sait que, outre l’exigence d’égalité sexuelle, l’intérêt spécifique de la femme en politique, notamment en démocratie, est d'apporter un plus lié à la différence sexuelle. Tout le bon côté du tempérament féminin peut être mis à profit en politique. La femme est ainsi utilisée comme figure arbitrale, qui détend les rapports portés au conflit social, politique, sinon militaire. C'est pour cela que les femmes assument de plus en plus des rôles de premier plan dans le domaine de la justice, dans les gouvernements ou dans les partis politiques. Parce qu'en raison de leur sens concret, de leur expérience intime de la vie dont elles sont porteuses et donneuses, elles savent mieux que les hommes aller à l'essentiel, sauvegarder les rapports humains dans ce qu'ils ont de positif, et apporter une touche concrète dans les affaires de la cité. Du moins c'est le raisonnement qui sous-tend la bonne volonté politique masculine à l'égard des femmes, et qui rend raison de leur intégration progressive dans les affaires de la cité, a des postes jusque-là détenus par des hommes : Présidente de tribunal pénal, Premier ministre, Ministre, Présidente de la république, etc. On espère exploiter chez la femme sont mieux-disant humain et social, ou du moins le préjugé favorable qu'on lui accorde dans ce domaine par opposition à l'homme dont le sexe est tenu pour responsable de la violence dans l'histoire et la société.
Dès lors, dans un domaine éminemment éthique comme la lutte contre la corruption et l'administration d'une preuve de probité en la matière, on s'attend que la femme, forte de son sens de responsabilité, s’écarte du chemin scabreux du sexe masculin. Or, malheureusement l'expérience montre qu'une telle attente pêche par optimisme béat et par naïveté. Surtout au Nigéria où, comme nous le disions plus haut, en raison de la cupidité généralisée que génère une économie basée sur la rente pétrolière, la corruption est une culture, une seconde nature, un fléau endémique, culturellement stabilisée. Deux ministres femmes du gouvernement de M. Jonathan sont la preuve que la corruption n'est pas un mal mâle, et que les hommes n'en ont pas le monopole. Mme Diezani Alison Madueke, la ministre du pétrole est empêtrée dans une série d'affaires de corruption dont la gravité morale et matérielle est à peine excusée par sa proximité des sources de l'argent du pétrole. Il y a l'affaire de la disparition mystérieuse d'une somme colossale dérivant des revenus du pétrole et dont le montant varie entre 10 milliards et 50 milliards de dollars. Il y a le scandale d'un avion à usage privé dont le coût de maintenance, payé par l'argent public, s'élève à plus de 10 milliards de nairas ; et plus récemment encore on apprend l'existence d'un deuxième avion pour ses voyages internationaux qui coûtent 600 000 € par voyage !. Quand on voit l'intéressée, une femme relativement jeune, au visage serein et respirant un brin d'honnêteté, on est loin de penser à ce genre de frasques, où la cupidité et le bon plaisir, le disputent à l'hédonisme et à la frénésie bestiale du pillage. Une autre ministre femme du gouvernement de Jonathan dont les affaires ont défrayé la chronique plusieurs mois durant avant de connaître un épilogue de débarquement contraint et forcé, est la ministre de l'aviation, Mme Oduah. Cette ministre tristement célèbre a été d'abord au centre d'un scandale de surfacturation de deux voitures blindées de marque BMW d'une valeur déclarée de 1,6 millions de dollars, soit 255 millions de nairas ce qui représente à peu près 750 millions de francs CFA, alors que le prix réel de chacune des voitures sur le marché n'excède pas 50 millions de nairas. La même Mme Oduah que Jonathan n'était pas pressé de limoger a été également empêtrée dans une affaire de faux diplôme, prétendument décerné par une université américaine qui se révéla fictive. C'est seulement après ce deuxième scandale que, contraint et forcé, M. Jonathan a du lâcher du lest et se séparer de sa ministre. Il faut signaler à la décharge du Président que, originaire du même sud-sud ou sud-est, Mme Oduah était tenue pour intouchable dans la mesure où le contexte politique nigérian est marqué par une sensibilité très grande à l'adhésion régionale dans la perspective d'un nouveau mandat en 2015. D'ailleurs, dans cet ordre d'idées où la corruption rime avec impunité, L’ex-ministre de l'aviation, paraît-il, aurait été déjà recasée par le même Jonathan en bonne place dans son état-major pour les prochaines élections. Dans d'autres sociétés, d'autres contextes et sur d'autres sujets, des femmes de par le monde ont su montrer leur mieux-disant féminin, leur capacité à apporter aux problèmes sociaux et politiques une touche humaine, concrète, marquée par la volonté de promouvoir la paix, l'action sociale, la résolution concrète des problèmes et une certaine idée de justice. Mais au Nigéria, en raison de l'immensité, de l'ubiquité et de la surdétermination de la corruption, en raison des énormes sommes sur lesquelles cette corruption porte, le recours au mieux-disant féminin n'a aucune prise concrète sur la lutte contre la corruption. Comme le montre le cas de ces deux ministres de M. Jonathan, les femmes, en matière de corruption ne font pas moins que les hommes ; elles sont capables d'abuser de la discrétion que leur confère leur sexe pour faire pire et parfois plus cynique que la gente masculine.
Adenifuja Bolaji
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