Malgré la guerre fratricide entre Jonathan et Obasanjo, ce dernier continue d’avoir des échanges avec son successeur dans le but sinon de parvenir à un cessez le feu du moins de réduire les causes de casus belli. L’une de ces causes est la personne de Buruji Kashamu, membre influent du PDP dans sa session de l’Etat d’Ogun, dont est originaire M Obasanjo. Après sa foudroyante lettre du 2 décembre à Jonathan, M Obasanjo, qui a la plume alerte ces temps-ci, a écrit une brève lettre au Président du PDP, le parti au pouvoir pour lui signifier sa mise en réserve du parti si rien n’était fait pour arrêter la mise en orbite et la considération accordée à M Kashamu qu’il accuse d’être un trafiquant de drogue recherché par la justice américaine. Ces accusations graves ne doivent pas laisser indifférents au Bénin dans la mesure où leur protagoniste, l'homme que met en cause M. Obasanjo, a été décrit par la justice américaine comme un multimillionnaire Béninois... La lettre de Obasanjo au Président du PDP Dans sa lettre au ton moralisateur, et un tantinet menaçant, Obasanjo disait en substance : « M Kashamu a été vanté par le PDP dans la zone géopolitique du Sud-ouest d’une manière pour le moins écœurante. Les actes posés par un parti politique national digne de ce nom doivent être inspirés par la moralité, la décence, la discipline, des principes et des exemples de leadership qui sont les pratiques cardinales du parti. J'ai joint ici des documents récents qui indiquent clairement que votre chef régional PDP vanté dans la zone Sud-ouest du Nigeria et un indigène de l'Etat d'Ogun est, pour le moins indigne d’être un membre du parti, sans parler de leader régional. Dans sa réponse à Obasanjo, le destinataire principal de la lettre, le Président du PDP a reconnu sans ambages la considération et le rôle de premier plan accordés à M Buruji Kashama, qu’il justifie par l’engagement financier de ce dernier au bénéfice du parti. Après un échange téléphonique avec M Jonathan, M Obasanjo lui a envoyé ainsi qu’aux dirigeants du PDP les preuves de ses affirmations sur les accusations pesant sur le sieur Kashamu. Il s’agit d’un lot de documents numérotés, comportant des décisions de justice et des articles de presse. Où l’on voit les nombreuses parties de cache-cache entre le sieur Buruji Kashamu et la justice internationale, notamment anglaise et américaine, qui l’accuse d’être, dans les années 1990 au cœur d’un trafic de drogue de l’Asie à l’Amérique via l’Europe, et portant sur des millions de dollars. Où il est question de Passeport Béninois Un des documents envoyés par M. Obasanjo provient d’un article du journal nigérian, Vanguard, dans son édition du 27 Novembre 2009. Dans l’extrait, on peut lire qu’ : « à un moment où l'Office des Nations Unies contre la drogue et la corruption a été vivement préoccupé par le trafic de drogue en Afrique de l'Ouest, le gouvernement des États-Unis et une Cour de Chicago ont fait le lien et retrouvé les traces d’un baron présumé de la drogue au Nigeria et l’ont déclaré fugitif, bien que le pivot présumé ait été considéré comme un citoyen de la République du Bénin. » Le document intitulé “US Government traces wanted drug kingpin, Kashamu to Nigeria,” dit dans son paragraphe 2 « Selon "Empowered Newswire Nigeria", dans une récente décision de justice du juge Charles Norgie de la Cour de district des États-Unis à Chicago, un nom est venu qui confirme l'acte d'accusation d'un multimillionnaire béninois, M. Buruji Kashamu, par le gouvernement des États-Unis pour trafic de drogue et importation d'héroïne, conspiration pour laquelle certains de ses co-accusés ont été emprisonnés et ont déjà purgé des peines de prison. » Comme on le voit, volontairement ou non, directement ou indirectement, le Bénin est impliqué dans les turpitudes de la vie politique du Nigéria. La déchéance de M Buruji Kashamu et son extradition par le Nigeria qui sont quelques unes des conditions exigées par Obasanjo pour enterrer sa hache de guerre contre le PDP et Jonathan passent aussi par la mise en cause de la responsabilité de l’Etat béninois dans les trafics de passeports, qui permettent à des repris de justice Nigérians de déguiser leur citoyenneté, et de passer entre les mailles des filets de la justice internationale. Dans l’absolu ce n’est pas que l’octroi de la citoyenneté béninoise à un frère nigérian soit une mauvaise chose. Il peut dans certains cas être un acte de haute portée éthique et politique. On se souvient que jadis le prix Nobel de littérature Wole Soyinka, dans ses démêlées avec le dictateur Abacha, assassin de Ken Saro Wiwa, a bénéficié d’un passeport béninois octroyé à l’époque par le gouvernement de Nicéphore Soglo. Ce geste de Soglo et son refus de complaire à la Françafrique lui coûteront plus tard sa réélection. Mais de cet usage noble de l’octroi de la citoyenneté béninoise au trafic de passeports en faveur des malfaiteurs, il y a un fossé qui visiblement a été franchi. Et les autorités béninoises doivent être mises face à leurs responsabilités. Le moment venu, la justice américaine doit demander des comptes aux auteurs de ces trafics, et mettre le pied dans la fourmilière du trafic de passeport qui permet aux gros bonnets de la drogue de se payer une virginité et un masque commode. Et il s’en faudrait de beaucoup que le limogeage opportuniste et tardif d’un bouc-émissaire suffise à faire patte blanche. Bertin Adandejan & Adepeju Bosede |
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