Dans deux de ses trois discours d’hommage à Nelson Mandela, Barak Obama est revenu inlassablement sur le thème du refus de déification du Père de la nation sud-africaine. Insistant à l'envi, et rappelant que Nelson Mandela est d’abord un homme de chair et de sang avec ses imperfections et ses défauts. À cet effet, il s'est plu à citer par deux fois dans ses discours Nelson Mandela sur le thème de la sainteté, où celui-ci disait : « je ne suis pas un saint, à moins qu'un saint soit un pécheur qui essaye de se racheter. » À première vue, ce bémol mis à l'image radieuse de Nelson Mandela et à la considération de sa vie et de son œuvre peut paraître viser son humanisation ; on peut y voir une volonté pertinente de donner crédit aux éloges qui l’illuminent de partout ; une volonté d'éviter de faire de Nelson Mandela ou plus précisément de son image quelque chose d'irréel et par cela même d'illusoire. Mais en réalité, à tout bien analyser, le bémol mis par Barak Obama à l’image de Nelson Mandela n’est pas seulement une précaution rhétorique et une mise en garde contre le risque de la déification. Ce rééquilibrage a aussi une fonction politique ; celle de protection de l'image des États-Unis dont Barak Obama est le premier garant et défenseur. En effet si Nelson Mandela était un saint, une icône, un homme totalement irréprochable, les États-Unis seraient un peu mal en point avec les critiques que le saint homme leur a adressées à diverses reprises au sujet de leur attitude léonine lors des nombreuses intervention des Etats-Unis dans divers endroits du monde. Nelson Mandela, on s'en souvient, a critiqué l'intervention américaine en Irak. Il a critiqué l'assassinat de Bin Laden en estimant que quelque crime qu'il ait commis, il serait conforme aux règles d'un État de droit qu’on lui accordât le droit d'être jugé, au lieu de l’éliminer de façon extrajudiciaire. Selon la position de Nelson Mandela, un État de droit a le devoir d'exemplarité et ne doit pas utiliser les mêmes méthodes barbares que celles qu'il reproche à ses ennemis.
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De même, Nelson Mandela réprouve la loi du talion qui est l'un des principes d'action militaire et politique en vigueur dans l'État d'Israël, et que ne renient pas les États-Unis. Enfin, plus près de nous, Nelson Mandela ne voyait pas d'un bon œil l'intervention en Libye qui a conduit à l'assassinat du colonel Kadhafi, même si les États-Unis se sont cachés derrière le zèle manipulé de certains états européens et des résolutions de l'ONU plus ou moins trafiquées. Les États-Unis ne sauraient digérer ces critiques et les tenir pour crédibles ou acceptables. C'est pourquoi, il sied que leur président laisse entendre, y compris à destination du monde mais aussi à effet de rassurer le citoyen américain, que celui qui a formulé ces critiques n’était pas un saint avec toute l'infaillibilité que cette nature suppose. En revanche, si Nelson Mandela était cet « être de chair et de sang » qu'à plusieurs reprises Barak Obama dans ses hommages a tenu à ramener sur la terre des hommes, cet être humain avec « ses défauts et ses imperfections », alors la question de la critique des États-Unis sur ses violences géopolitiques reste ouverte ; et la position de Nelson Mandela ne peut être tenue pour une vérité révélée, dans la mesure où en tant que position d’un être humain, elle en vaut bien une autre
Prof. Cossi Bio Ossè
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