La question du racisme agite l'opinion française. Elle se retrouve à toutes les sauces médiatiques, depuis quelques mois. Son étiologie politique, voire politicienne est indéniable, puisque la droite et l’extrême droite ont trouvé un bouc-émissaire idéologique idéal en la personne de Mme Taubira. M. Kofi Yamgnane, ancien ministre sous François Mitterrand a dit que le racisme a toujours existé en France et que c'est seulement maintenant que les langues se délient ; il n’exprime là qu'une lapalissade. Au-delà de cette libération conjoncturelle de la parole, le racisme dépend aussi de l'instrument de sa mesure et de la manière dont la question du racisme est posée car selon cette manière, la réponse en devient écœurante par la nature endémique, diffuse et fractale du fléau. Mais, en dépit des conditions héritées de l'histoire, en matière de racisme, on dira que les Noirs ont ce qu'ils méritent. C'est la manière dont les Noirs eux-mêmes consentent à participer au jeu du racisme ou assument leur intégrité qui fait la différence. D'abord dans le genre du racisme, il convient de faire des distinctions, de nommer les espèces, ce qui fait la une de nos jours en France n'est pas du simple racisme, mais ce qu'on devrait appeler antinégrisme. Ne pas nommer le mal dans son espèce et accepter de le noyer dans un genre à fonction dénégatrice, c'est la meilleure façon d'encourager sa pérennité. L'antinégrisme en France est à la fois structurel, historique et endémique à la société. L'antinégrisme est souvent la conséquence de la complaisance sinon de la coopération de ceux qui se disent les représentants des Noirs eux-mêmes. Lorsque Sarkozy va dire à Dakar que les Noirs ne sont pas entrés dans l'histoire, c'est cet antinégrisme qu’il trahit à son corps défendant. Mais dans le même temps il ne faisait que répéter une idée-force qui a été promue à la fortune par l'un des plus grands intellectuels du pays qu'il visitait alors, à savoir M. Senghor. Les propos de M. Sarkozy, selon quoi les Noirs ne seraient pas entrés dans l'histoire, se voulaient un lointain écho et une reformulation de la fameuse idée de M. Senghor qui, du haut de son Ariès poético-intellectuel, avait décrété en son temps que l'émotion était nègre et la raison hellène. La plupart des représentants des Noirs en Afrique, que ce soit en politique, ou ceux qui tiennent leurs honneurs ou reconnaissance (Arts, Lettres et sciences) de l'Occident sont souvent heureux de fricoter avec les blancs qui les font paraître à leurs yeux et aux yeux de leur société comme l'exception d'une règle générale de l'Afrique noire portée à la bestialité et à l'infériorité. Un Noir qui réussit est blanchi. Dans les moments fastes, ils sont fiers heureux de jouer les exceptions en lesquelles les élisent les blancs, jusqu'au moment où le charme se rompt, la digue hypocrite se brise et laisse déferler le flot puant de la réalité antinégrite des sociétés occidentales. À l'instar de M. Senghor qui se faisait fort d'être le Noir qui cause français plus que les blancs et dont ceux-ci utilisèrent la caution pour aliéner notre liberté, le cas de Mme Taubira est assez révélateur de la complaisance, sinon de la coopération active des représentants éminents des Noirs dans la société occidentale. Dans l'acception ordinaire du singe comme celui qui, au lieu d'être lui-même joue à être comme les autres, imite les autres et ne cherche en aucune manière à s'assumer, à vivre par lui-même, à faire référence à ses propres valeurs (langue, religion, pouvoir etc. ). De ce point de vue, M. Senghor a beau parler le français, et mieux il le parle plus il reste aux yeux des occidentaux comme quelqu’un qui imite ; et celui qui imite est celui qui singe. De même, celui qui se laisse utiliser--comme un ours que l'on fait danser au bout d'une corde--celui qui se laisse allègrement instrumentaliser est perçu comme un singe, un piètre imitateur tenu en laisse par les hommes supérieurs qui lui en imposent par leur pouvoir et leur intelligence.
S’il existe une mesure phare de la gauche sous François Hollande c’aura été sans doute celle du « mariage pour tous », dénomination passablement débonnaire et politique du mariage gay. Or pour faire passer la pilule mentale de cet acte politico-moral majeur, le gouvernement de François Hollande, non sans malice, a cru bon confier le sale boulot à Mme Taubira ; elle qui avait le double avantage d'être à la fois une femme, une noire et enfin une descendante d'esclaves. Comme cela, pense-t-on, les assauts des opposants, au demeurant très majoritaire à la loi, se heurteront à l'icône intouchable, héritière d'une histoire d'oppression suffisamment honteuse et cruelle pour qu'on n’ait pas à trop si frotter. Mme Taubira aussi, incontinent, a pris ce rôle à cœur et avec l'alacrité de ces animaux de cirque bien dressés qui savent leur place dans un numéro, s'est coltinée la tâche, et a déployé avec astuce et cynisme le drapeau noir de la victimité historique pour contrer les assauts de ses opposants. En étant la mère farouche de la loi sur le « mariage pour tous », Mme Taubira a joué volontairement de son image de femme et descendante d'une histoire d'oppression raciale pour contrer la hargne légitime des opposants à la loi, comme si cette loi jouissait de facto d'une légitimité logique et naturelle du fait qu'elle était couvée par une descendante d'esclaves. C'est ainsi que dans sa ferveur idéologique, elle a cautionné une conception fourre-tout de l'oppression dans l'histoire qui identifie et met sur le même pied d'égalité toutes les victimes d'oppression comme participant d'une même ontologie : juifs, Noirs, femmes, homosexuel, etc. Cette ontologie n'est pas seulement une vue de l'esprit, elle n'est pas seulement une référence polémique mais elle est revendiquée par l'intéressée elle-même à maintes reprises. Par exemple dans sa réaction aux insultes antinégrites dont elle a été la victime de la part d'une militante du Front National, Mme Taubira saisit l'occasion de stigmatiser l'idéologie de ce parti d'extrême droite considéré par elle comme négatrice d'une substance ontologique placée sous le signe politique de l'oppression et qui se déclinait dans le temps et l'espace sous les identités de Juifs, Noirs, et homosexuels. L'intolérance qu'elle soit sexuelle ou raciale n'est pas nouvelle dans les mœurs sociopolitiques de la France. Tout le monde se souvient par exemple du quolibet de « jupette » dont étaient gratifiées certaines ministres du gouvernement de Juppé. Aussi bon enfant fût-il, ce quolibet ne recélait pas moins une certaine teneur sexiste. Il y a l'évidence du racisme, et plus précisément de l'antinégrisme dans les attaques dont Mme Taubira fait l'objet actuellement en France. Cela est normal dans ce pays où, en dépit de la proportion non-négligeable de citoyens d'origine immigrée (Noir et ou maghrébine) une certaine pusillanimité raciste pousse les états-majors des grands partis politiques a édulcorer ou rendre plus acceptable l'image de la représentation d'origine immigrée en préférant les représentants de sexe féminin plus douce, plus sexy, au sexe masculin qui concentre toute la charge du rejet ethnocentriste à l'œuvre dans la société française. Mais lorsque, comme c'est toujours le cas en matière de violence symbolique, ce sont les victimes elles-mêmes ou leurs représentants éminents qui portent les chaînes de leur oppression par leur complaisance ou leur collaboration active avec leurs oppresseurs, alors l'assimilation aux singes ou des insultes y faisant allusion tombent sous le sens. En effet, dans le cas de Mme Taubira, aucune passion idéologique, aucun engagement humaniste n'autorise à l'assimilation ontologique des Noirs et des homosexuels au motif de leur sort respectif d'opprimés. La raison simple en est que si l'homosexuel est un accident de l'identité sexuelle--car Dieu merci la grande majorité des êtres humains n'en sont pas--le Noir n'est ni un accident humain ni un accident racial. Un homosexuel n'a pas pour ascendant un homosexuel. Donc qu'une personne d'origine africaine au nom de son ascendance opprimée, en raison de sa race, en vienne à faire sienne l'idée d'un amalgame des opprimés est une façon intolérable de rabaisser la tragédie pluriséculaire de la traite négrière. Si l'homosexuel est né homosexuel--à en croire les revendications des intéressés--aucun Noir n'est né esclave. C'est l'homme Blanc qui en a décidé ainsi. Donc on ne peut pas s'être fait l'instrument médiatique et politique d'un tel amalgame sans passer aux yeux mêmes de ceux qui sont bien intentionnés comme une espèce de ludion, d'ours qui danse au bout de la corde des blancs et donc en fin de compte, un singe. La comparaison au singe est un lieu commun de l'ethnocentrisme des peuples à peau claire, qui rejette dans le simiesque tout ce qui, non-Blanc, est condamné à n'être que la copie grotesque de l'homme paradigmatique en lequel l'occidental s'est autoproclamé. L'un des pièges de cette condamnation est la course à corps perdu des représentants éminents des peuples colonisés à vouloir prouver leur humanité aux blancs. Cette frénésie dans le désir conscient ou inconscient d'administrer la preuve de son humanité--entendre par là, la capacité d'être ou de faire comme le Blanc--pousse le représentant éminent des peuples colonisés à ce que Frantz Fanon à caractérisé comme le syndrome de « peau noire masque blanc ». Bien que l'esclavage sous sa forme transatlantique et négrière directe a cessé, bien que la colonisation aussi a cessé, ces oppressions historiques subies par les peuples noirs d'Afrique ont laissé dans leur âme les séquelles de ce complexe du mimétisme probatoire dont parle Frantz Fanon. Sur le plan du langage ce mimétisme probatoire prend une forme de violence symbolique retournée, au travers de laquelle, le Noir intellectuel, le lettré--l'écrivain, l'orateur, journaliste--s'approprient le langage, le parler du Blanc qu'il retourne comme une arme contre celui-ci. Dans sa forme sublime, les héros de la négritude se sont exercés à cet art du retournement de la violence symbolique du langage du Blanc. Mais dans un registre plus profane, et comme un travers indécrottable, nombre de Noirs ont tendance à, consciemment ou inconsciemment, trahir dans leur manière de parler la langue du Blanc, la recherche d'une certaine preuve de leur intelligence, c'est-à-dire de leur humanité. Faisant ainsi à leur insu le jeu du racisme dans la mesure où ils tendent à faire croire que bien parler la langue du Blanc est synonyme d'égalité avec lui. Ce qui sous-entend que la condition de l'humanité du Noir passe par une égalité avec le Blanc, tenu pour une référence absolue. Dans la rhétorique de Mme Taubira affleure le sentiment d'un parler à visée probatoire. En ce que son style, servi par une facilité langagière prodigieuse échoue souvent à garder la norme des convenances de niveaux de langage et des genres de parlers ; et, porté par une violence volcanique non maîtrisée, bascule dans une jactance où la beauté poétique et le bien dire le disputent au délire spéculatif. Ce type de rupture rhétorique pour un personnage politique renvoie aussi à une rupture de lien. Beaucoup de Français, hormis ceux des DOM-TOM où une certaine gymnastique verbale fait partie de l'ethos intellectuel, ne se retrouvent pas dans ce langage et sont souvent désarçonnés à entendre parler Mme Taubira. Ce décalage rhétorique, surtout pour la grande majorité des Français, fâchée avec la grammaire ou le vocabulaire soutenu, induit un complexe intellectuel qui suscite en retour une réaction à caractère raciste. Traiter Mme Taubira de guenon ou de singe c'est pour les Français à la fois faire barrage à l’altérité, et une manière cathartique de ne pas accepter une violence du bien parler qui les dépasse et qu’ils préfèrent tenir pour des acrobaties d’un singe savant.
Adenifuja Bolaji
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Eh oui! Que diable allait-elle chercher dans cette "gayère" !
Rédigé par : Thomas Coffi | 18 novembre 2013 à 16:43
En France, on assiste de nos jours à un ballet farfelu de dénégations et de numéros d’hypocrisie où, des gens qui avaient passionnément et non moins assidument, cultivé le terreau du racisme et semé les germes de la haine, jouent depuis quelque temps les indignés, et à tour de bras excluent de leurs seins des boucs émissaires, admirateurs zélés ou naïfs, qui auraient outrepassé la décence raciste – pour autant qu’il y ait un label civilisé de racisme – capitalisant ainsi sur leurs sordides investissements, et se drapant au passage dans le costume faussement vertueux de républicains écorchés ou d’humanistes militants. Mais depuis les “odeurs de méchoui” de Jacques Chirac, jusqu’au “pain au chocolat” de Monsieur Copé en passant pas les “Kofi miam miam” de Jean-Marie Lepen, ces égarés auraient-ils seulement eu le cran de leurs incartades s’ils n’avaient eu avant eux d’illustres modèles haut-placés ? Racisme en France : Quand l’Hôpital se moque de la Charité
Amida Bashô
Rédigé par : B.A. | 15 novembre 2013 à 22:50