Le Président Yayi Boni du Bénin, qui vient d'accéder à la présidence de l'UEMOA dans le but, on l'espère, d’œuvrer pour l'unité économique et monétaire ouest africaine, avait, on s'en souvient, remué ciel et terre pour accéder au poste panoptique de président de l'union africaine. De même, avait-il été aussi président d'une banque ouest africaine. Toutes ces promotions apparemment visent la promotion de l'unité africaine, l'objectivation d'une Afrique qui unit ses efforts pour avancer. Mais malheureusement, hormis les avantages que ces nominations procurent à leurs bénéficiaires, rien de concret ne vient certifier la volonté d'unité africaine des politiques africains. Et Yayi Boni n'en fait pas exception. A l’instar de ses collègues ayant accédé à ce poste de président de l'Union Africaine avant lui, il n’avait à la bouche que le slogan « union, union, union ». Il s'en gargarisait, se payait de mots. L’invocation verbale de l’unité est devenue en Afrique un rituel rhétorique obligé. C'est que le concept est plus platonique que concret. Plus un outil de promotion des personnes que de promotion de l'unité africaine, plus un promontoire de succès carriériste que d’agrégation des peuples. En vrai, si deus ex machina on devait procéder à la réelle unité de l'Afrique, le nombre de chefs d'État africains qui s'en effaroucheraient serait considérable. Car la chose leur ferait perdre les jouissances et prérogatives actuelles qui font la substance idiote et la motivation suprême de leur bonheur de président. Un exemple simple : considérée comme une seule nation, à l'instar des USA, l'Afrique n'aura qu'un président qui parlera en son nom à l'intérieur comme à l'extérieur. Et du coup, tous les chefs d'État des micro-états africains qui vont à l'ONU faire leur show, et prendre des postures et la parole disparaîtront de la circulation ! Effrayant pour cette faune obscure si imbue d'elle-même. Sans faire une fixation sur le même Yayi Boni considérons à nouveau le cas du Bénin. Son président a été président de l'Union Africaine et à ce titre prêchait jour et nuit l’unité africaine. Et pourtant, à aucun moment, l'idée lumineuse ne lui est venue à l'esprit de proposer à son homologue du Togo, sans tergiverser ni lambiner d’unir leurs deux pays frères. Et pourtant cette union entre le Togo et le Bénin tombe sous le sens ; elle aurait été une façon de donner du contenu méthodique à une idée générale et abstraite. Ce geste était à portée de main, et donnerait de la crédibilité aux grandes affirmations sur l’unité du continent. Et pourtant, silence radio et impasse totale sur la question de la part de notre illustre Président de l’Union Africaine. La raison de cette impasse silencieuse c'est que la plupart des chefs d'État Africains se soucient comme d’une guigne de l’unité concrète de l'Afrique, et préfèrent se dédouaner de vœux pieux dont l’effective réalisation est aux antipodes de leurs rêves idiots. Et sans aller chercher très loin, mais en raisonnant par l'absurde, on peut se demander comment des chefs d'Etat incapables d'unir leur propre pays, et qui, comme Yayi Boni, adeptes du régionalisme le plus rétrograde ou violateurs sans états d'âme de la laïcité de l'Etat peuvent se prévaloir d'une quelconque aptitude à unir l'Afrique ? De quelle unité nous parleraient-ils alors ? De l'Afrique réelle des peuples et des nations qui ont soif de liberté et de bien-être ou de l'Afrique opprimée et reléguée de leurs fantasmes narcissiques de jouissance et de puissance ?
Ce paradoxe de l'inconsistance onirique dans lequel se complaisent les présidents africains, est illustré par l'un de leurs prédécesseurs célèbres, Léopold Sedar Senghor. En matière d'encensement de la beauté de l'Afrique et de la femme noire, le premier président du Sénégal n’avait pas son pareil. Que n'a-t-on entendu de la bouche de ce poète féru d'élégies et de dithyrambes sur la beauté de l’Afrique et de la Femme noire ! Mais lorsqu'on passe de la poésie abstraite aux travaux pratiques, en matière de beauté aussi bien du continent que de la femme noire, c'est tout le contraire que ses choix et son cœur ont traduit dans les faits : l'homme est mort en Europe après avoir passé le plus clair de sa vie dans les bras d'une blanche ! Cette inconsistance, gageons qu'il est plus un travers des hommes politiques francophones que de leurs homologues anglophones. En effet, des gens serviles comme l'actuel président de la Côte d'Ivoire qui, au mépris de la dignité de notre race, et sans aucun égard aux risques d'hypothèque sur l'indépendance de la Côte d'Ivoire, cinquante ans après les indépendances, n'a pas hésité à chasser du pouvoir son rival avec l'aide de la puissance coloniale d'hier, et à s'installer à sa place avec femme blanche et conseillers français ; ce genre de zélateur aliéné du mal de l’Afrique pour le bien des Blancs n'existe surtout que dans la zone francophone de l'Afrique où la servilité et la dépersonnalisation, conséquence directe de la philosophie de l'assimilation, ont été portées à leur comble. En revanche, un exemple de consistance et d'espoir nous vient, on s'en serait douté, de la zone anglophone, plus précisément d'un pays nommé Ghana. Son premier président, Kwame Nkrumah, s’est montré cohérent d'un bout à l'autre de son action politique, en traduisant dans les faits sa vision et sa philosophie politique pour l'Afrique. Exemple, son épouse Fathia, pour ne pas être ghanéenne d'origine, était une africaine, plus précisément une Égyptienne, de cette Égypte dont à la même époque un Cheick Anta Diop démontrait l'identité et l'antériorité africaines de la culture et du peuplement. Sur le plan politique, l'homme ne s'est pas contenté de proclamer que l'Afrique devait s'unir. A l’indépendance du Ghana, il s'était battu avec passion, conviction et vigueur pour que l'ancien Togo Britannique s'unisse avec son pays pour former le Ghana d'aujourd'hui. Et toute sa politique internationale n'a eu de cesse d'assurer l'indépendance effective des autres pays africains encore sous le joug colonial. Car selon Kwame Nkrumah, l'Afrique serait une ou ne serait pas indépendante : l'indépendance et l'unité ne sont que deux faces de la même pièce. Aujourd'hui, à l'heure de la mondialisation où le réveil de l'Asie fait peur aux occidentaux qui, inquiets de leur avenir, se laissent aller à d’antiques pulsions coloniales, la philosophie panafricaine ne s'est jamais faite aussi pressante. Aujourd’hui qu’aidé par la France qui joue les chacals, l’occident n’hésite pas à abattre nos présidents patriotes comme Gbagbo, pour les remplacer par des hommes serviles comme Ouattara, aujourd’hui, que ceux qui ont bien compris le sens du mot d’ordre de l’unité africaine de Kwame Nkrumah et l’ont fait leur comme le Colonel Kadhafi, se font renverser et assassiner par l’occident sous l’égide de l’ONU et de fallacieux prétextes, il est plus qu’un impératif catégorique de vite donner du contenu à l’unité africaine. Mais malheureusement, les successeurs de Kwame Nkrumah que sont nos actuels chefs d'État, ne mettent dans le concept panafricain au mieux que ce qui peut favoriser leur bonheur idiot et leur mesquin plaisir personnel. Et pourtant, en matière d’unité africaine, il est plus qu’urgent de sortir du paradoxe de l'inconsistance onirique et de l'habitude des affirmations lénifiantes jamais suivies d'effet. Car il y va de la survie de notre race, de la survie de l'Afrique tout entière.
Adenifuja Bolaji
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