On célèbre en ce moment le centième anniversaire de la naissance de l'ancien président du Dahomey M. Sourou MIGAN APITHY et toutes sortes d'événements sont prévues à cet effet. Selon les organisateurs, la célébration vise une répercussion aussi bien nationale qu'africaine car Sourou MIGAN APITHY, nous dit-on, a une stature africaine irréfutable. Mais pour nous et la plupart des observateurs, ce qui saute aux yeux dans la mémoire de Sourou MIGAN APITHY, c'est son image surchargée. Cette surcharge apparaît lorsqu'on la met en regard de l'image des deux autres présidents de sa génération et de son époque avec lesquels il s'est brillé dans la lutte politique fratricide qui a contribué à la division du Bénin pendant la première décennie de son indépendance. Laissant aux biographes et aux historiens le soin de décrire son parcours et ses œuvres tout à fait respectables sans doute, qu'il nous suffise de projeter une lueur de curiosité sur son image qui intrigue plus d'un. Les trois présidents d'avant 1972 sont Hubert Maga, Justin Ahomadégbé, et bien sûr Sourou MIGAN APITHY. Les éléments de leurs images considérées ici sont : 1. Leur apparence vestimentaire telle que rendue par leur photo fétiche 2. Leur patronyme. 3. Leur prénom.
Pour ce qui est de la photo ou plus précisément du vêtement alors que les autres présidents apparaissent classiquement en veste et cravate, Sourou MIGAN APITHY est le seul qui renvoie à la postérité l'image d'un président vêtu en costume traditionnel prétendument national. Le costume est composé d'un fila yoruba comme coiffure, d'une tunique yoruba sur laquelle d'habitude les Yoruba de sa génération et de sa trempe mettent l’agbada. Mais Sourou MIGAN APITHY lui limitant là son emprunt au yoruba, substitue à l’agbada une toge d'origine Aja. Dans l'accoutrement Aja authentique, la tunique n'est pas nécessaire pour mettre la toge, même si l'association tunique blanche et toge n'est pas inhabituelle. Ce qui l'est moins, c'est la sorte de chapeau que porte M. Sourou MIGAN APITHY dans sa mise qui achève de donner à son image une orientation métissée sinon hétérogène. En associant ces éléments vestimentaires, M. Sourou MIGAN APITHY semble allier dans le même mouvement une appartenance culturelle plurielle du sud dont les apports, sans être conflictuels, se distinguent spatialement et historiquement : l'est et l'ouest, Aja et Ayo. Pourquoi cette agrégation ? Est-ce une volonté toute africaine d'unir, de transcender les différences mineures ? En tout cas, cette apparence vestimentaire de Sourou MIGAN APITHY traduit une volonté synthétique de faire sens. L'autre élément d'image concerne le nom de Sourou MIGAN APITHY. Le nom de l'ancien président est composé de deux patronymes distincts et à résonance historique certaine. Surtout pour le patronyme Migan qui est d'origine princière et historique. Ce dédoublement de patronyme traduit incontestablement une surcharge dont la vocation semble de vouloir ratisser large dans un contexte où le principe de l'adhésion politique est moins idéologique que tribal. Cette surcharge peut aussi avoir pour fonction d'affirmer une appartenance authentique à la tribu, à l'ethnie, à la région sinon à la nation. Façon d'être plus royaliste que le roi… Elle relaie donc la première surcharge avec laquelle elle fait corps. Enfin, il y a le prénom. De tous les trois présidents de la même génération, Sourou MIGAN APITHY est le seul à n'avoir pas affiché de prénom chrétien. Alors que pour un homme comme Maga, qui avait plus d'une raison d'affirmer son appartenance nationale et l’identification partagée si décisive pour l'adhésion populaire à sa personne, la conversion au christianisme était apparue comme stratégique, Sourou MIGAN APITHY lui, en tant qu'homme du sud, n'affiche aucun prénom chrétien. Il est du reste le seul dans son cas. Au contraire, il arbore fièrement le prénom Sourou qui par son origine yoruba achève la clôture du métissage sinon de l'agrégation culturelle esquissée dans et par l'élément vestimentaire. Au total, la surcharge exprimée par l'image du président Sourou MIGAN APITHY, à travers les trois éléments constitutifs que sont le nom, le prénom et la mise vestimentaire, saute aux yeux. Les mauvais esprits pourraient attribuer cette surcharge à une volonté d'administrer la preuve de son origine dahoméenne, comme si Sourou MIGAN APITHY, à l'instar d'un Hubert Maga dont l'origine voltaïque est avérée, était de sang sénégalais et voulût le cacher à ceux qui ne le sauraient pas ; ou qu'il voulût paraître plus dahoméen que le seul de ses concurrents du sud dont l'extraction dahoméene était de notoriété nationale et faisait l'objet comme d'une marque déposée dans la conscience collective. De façon moins polémique ou génétique, cette surcharge semble en tout cas portée par un discours qui peut être interprété comme celui de l'authenticité, de la transcendance des différences, de la conscience de nos origines et de l'unité. De la part d'un des hommes qui ont croisé le fer dans les dix premières années d'indépendance de notre pays caractérisées par l'instabilité politique et la désunion fratricide, cette éthique de l'unité traduite en images sinon en actes n'est pas le moindre des paradoxes
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Il y a bien un discours de l'image et tout une rhétorique induite dont nos hommes politiques africains usent selon leurs moyens et leur situation. Ici l'étude est nationalement comparative dans une même période. Toute comparaison avec Kwame N'krumah en tant que tel ne serait pas pertinente, malgré son intérêt. Et puis pour parler de l'Afrique, être panafricaniste et vouloir le signifier cela ne veut pas dire mettre un bonnet zoulou sur une tunique yoruba et des guêtres éthiopiennes. Exemple, que penserait-on d'un européaniste qui pour affirmer ses convictions européennes, se piquait de mettre un béret basque sur un manteau corse et un kilt irlandais ? Cette bonne volonté identitaire et son expression vestimentaire n'ont pas de prise dans la réalité
Rédigé par : B.A. | 08 septembre 2013 à 18:34
N'oublions pas que SMA avait une "certaine" sensibilité panafricaniste avec ce que cela exige comme constructions sémiologiques d'identité qui pourrait donner sens à cette surcharge que vous évoquez et, sinon gommer, du moins reléguer en arrière plan d'autres motivations...Revoyons les images standard de N'krumah, Sylvanus Olympio etc..
Rédigé par : Thomas Coffi | 08 septembre 2013 à 18:03