Il y a un phénomène dans la politique africaine appelée la prépondérance du titulaire. Autrement dit, la difficulté de battre un président sortant dans une élection parce qu'il contrôle les institutions de l'Etat, qu'il peut utiliser pour conserver le pouvoir. Par conséquent, seule la Zambie, où les présidents Kenneth Kaunda et Rupiah Banda ont perdu en 1991 et 2011, respectivement, [et le Bénin où le Président Soglo a perdu en 1990 ] sont les exceptions établies de cette loi insidieuse. A cette loi, les nombreux analystes ont imputé la dernière victoire de Robert Mugabe à l'élection présidentielle au Zimbabwe, et la majorité de deux tiers obtenue par son parti, le Zanu-PF au parlement. Morgan Tsvangirai, principal challenger du président Mugabe et Premier ministre sortant, a décrit le résultat comme « nul et non avenu». Tsvangirai affirme que sa défaite électorale écrasante a été le résultat d'un trucage par la Commission électorale du Zimbabwe (ZEC) et le bureau Général du scrutin, qui gère les listes électorales. Tsvangirai et son parti le MDC-T sont entrés dans un gouvernement de partage du pouvoir en 2009 dans l'espoir d’impulser diverses réformes institutionnelles afin de réduire à néant cette prépondérance du président sortant au Zimbabwe. Le parti de Mugabe a certainement entravé et perverti la mise en œuvre de ces réformes - le contraire eût d’ailleurs été un suicide politique. Mais dire que la loi de la prépondérance du titulaire a encore sévi lors des dernières élections, uniquement à cause de l'obstruction et de la subversion des réformes institutionnelles par la Zanu-PF serait en deçà de la vérité. Le parti de Tsvangirai a perdu de vue la nécessité de réformes institutionnelles rapides et complètes dans les premières années de partage du pouvoir. Il a dépensé la plupart de ses énergies dans la lutte pour les nominations au ministère de l'agriculture, aux postes de procureur général, de gouverneurs centraux et provinciaux. Au moment où il s'est recentré sur les réformes institutionnelles, la période des élections avait considérablement raccourci. Il y avait peu de bonne volonté, du temps, et de l’énergie restante au MDC-T pour poursuivre ce qui aurait dû être ses principales activités depuis le début. Toutefois, le MDC-T dès le début a cherché à réformer une institution particulière: l'armée, qu'il considère comme la cause du blocage de son ascension au pouvoir lors de l'élection de 2008. Selon Tsvangirai, le Zimbabwe a subi un " coup d'Etat de facto " en 2008 et est désormais dirigé par "une junte militaire", ce qui rend la réforme du secteur de la sécurité nécessaire. Mais la poursuite de cette réforme par le MDC-T a été fondée sur une mauvaise compréhension de la relation de l'armée avec la Zanu-PF. L'armée n'a pas et n'a jamais gouverné le Zimbabwe ; le MDC-T n'a jamais présenté de preuves du contraire, en dépit de ses ardentes affirmations. Mugabe exerce le contrôle effectif sur l'armée à cause de son pouvoir en tant que commandant en chef. L'histoire de la libération du Zimbabwe façonne également les relations des élites civiles et militaires d'une manière qui maintient le contrôle du premier sur le second. L'accent erroné du MDC-T sur le manque perçu de l'autorité civile sur l'armée l’a entraîné inutilement dans des propos qui ont contrarié les généraux militaires qui n’avaient aucun pouvoir politique réel. Les efforts du MDC-T auraient été mieux dépensés à essayer d'améliorer son influence idéologique sur l'armée. J'ai suivi étroitement la compétition électorale tout au long de Juillet et j’ai eu un accès privilégié à certaines des personnes impliquées dans les campagnes. La campagne du Zanu-PF a été exécutée par un réseau de responsables du parti, les jeunes et les officiers militaires à la retraite qui ont combattu dans la guerre de libération du Zimbabwe. Le Commissariat du parti était un centre névralgique important dans la campagne et était conjointement dirigé par le vice-maréchal de l’Armée de l’air à la retraite Henry Muchena et l'ancien directeur interne des services secrets zimbabwéen, Sydney Nyanungo. Lors de l’une de mes visites à Nyanungo, je l'ai trouvé lui et Muchena en train de faire des plans pour un meeting de campagne de la vice-président Joice Mujuru, dans le district de Binga. Elle allait y faire campagne en faveur de Mugabe. « Pourquoi vous autres déjà à la retraite revenez travailler pour le parti, qu’y gagnez vous au juste ? » demandai-je. Nyanungo enroula la manche de son bras gauche qui révéla une profonde cicatrice et des traces de brûlure, et il répondit: «J'avais en charge le matériel anti-aérien lors de l'attaque par les Rhodesian en 1977 de notre camp Chimoio pendant la guerre de libération. J’ai failli mourir lors de cette attaque. Je ne peux pas permettre à ce pays de tomber aux mains de ces gens [du MDC] qui ne se rapportent en aucune manière à cet héritage de la libération. C'est pourquoi je suis revenu au parti. Je ne suis même pas payé pour faire ce travail. Il est de mon devoir. » Il y avait un plus grand sens de l'unité, de but et de discipline dans la campagne du Zanu-PF que dans celle du MDC-T. Par exemple, les 29 membres du MDC-T qui ont été mécontents de la manière dont les primaires du parti ont été menées ont défié la direction et se sont présentés aux suffrages en indépendants. Seuls 3 candidats mécontents du Zanu-PF ont fait de même. Les Divisions du MDC-T ont été particulièrement marquées dans la province du Manicaland, où l'imposition de candidats aux élections législatives par Tsvangirai a donné lieu à un désaccord sérieux entre lui et l'exécutif provincial. Manicaland - contrairement à 2008 - a voté pour Zanu-PF pour le moment. Tous les sondages d'opinion sur l'issue probable de l'élection de 2013 ont démontré une augmentation du soutien au Zanu-PF tandis que celui du MDC-T a été à la baisse. Un facteur jusqu'ici largement tacite dans les débats sur la façon dont la Zanu-PF a remporté cette élection, c'est que pour la première fois depuis des années, le MDC-T a mené une campagne moins efficace en raison de contraintes financières. Comme des membres confirmés du MDC-T me l’ont révélé, des bailleurs de fonds occidentaux traditionnels du parti n'étaient pas aussi nombreux qu’ils l'ont été en 2008. Pendant les campagnes, Tsvangirai a publiquement critiqué l'Occident de renoncer à enlever Mugabe du pouvoir, préférant un éventuel compromis avec le président zimbabwéen. L'Occident a été sans équivoque dans sa condamnation publique de la victoire de la Zanu-PF, mais dans les prochaines semaines, il doit répondre à des questions difficiles sur les raisons pour lesquelles il a abandonné financièrement le MDC-T. avant l'élection Le Zimbabwe est en grande partie calme et paisible à l’issue de l'élection. Mais le débat sur le résultat se poursuit à huis clos. J’ai assisté à des débats houleux parmi les intellectuels de la classe moyenne de Harare. Une fissure est apparue claire entre ceux qui soutiennent que la victoire électorale de Mugabe est entièrement due à la prépondérance de la loi du titulaire et ceux qui soutiennent que cela n’explique pas tout. Je suis l'un de ces derniers, qui considèrent qu’une multiplicité de facteurs ont convergé pour assurer la victoire électorale de Mugabe la semaine dernière. Le défi dans les prochains jours pour ces intellectuels et même pour le MDC-T sera de produire des preuves démontrant que la victoire de la Zanu-PF s'explique uniquement par la fraude. Même dans le MDC-T il n'existe aucun consensus sur le fait que les fraudes sont à blâmer. Certains hauts responsables du parti ont discrètement envoyé des messages au Zanu-PF concédant la défaite et faisant état de ce que leurs déclarations publiques au contraire sont un moyen de gérer la désillusion de leurs partisans. Une partie de la direction du MDC-T, qui a rompu avec le groupe de Tsvangirai en 2005, a même été plus explicite. Paul Temba Nyathi, par exemple, déclare qu’il : «[a] l'impression que Gwanda Nord [sa circonscription] était perdue d'avance. Les gens qui venaient à nos rassemblements et nous soutenaient, soudain ne pouvaient pas me regarder dans les yeux. Ils ont commencé à vaciller. Nous avions une compétition libre et équitable, tout le monde était libre de prospecter et le vote était paisible dans Gwanda Nord. La main sur le cœur, je pense que la Zanu-PF nous a battus à la régulière. Il y a quelque chose qui a fait que les gens s’éprennent du Zanu-PF à nouveau. »
amené et Trad. par Binason Avèkes
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