En Afrique, comme le montre le parti pris aveugle de Yayi Boni, nos dirigeants abusent allègrement de la démocratie avec et contre ses normes. Ils abusent de la démocratie dans la conformité à ses règles par exemple en organisant formellement des élections qui sont truquées. Puis, dans un deuxième temps, ils abusent de la démocratie dans la non-conformité à ses règles en essayant de se présenter à un troisième mandat alors que dans son esprit la constitution l'interdit. L'action non-conforme est devenue le premier palier de violence à ciel ouvert et hors-norme, là où les mascarades électorales, bien que relevant de la violence, s'administrent sous le couvert formel de la constitution. Cette première sortie fatale dans l'atmosphère inconstitutionnelle est due à la conjugaison de deux causes. D'une part la tentation monarchique du dirigeant africain, le fait de n'entrevoir de fin à son règne qu'au terme de sa vie ; c'est-à-dire la volonté onirique de confondre le terme biologique et le terme politique. La deuxième cause qui contribue à pousser le dirigeant africain dans l'atmosphère inconstitutionnelle non sécurisée est ce qui est devenu une loi politique en Afrique, à savoir la théorie du titulaire. Cette théorie veut qu’en Afrique un président sortant qui se représente à sa propre succession ne perde jamais les élections. Grâce à cette théorie érigée en loi, le président parvient à coups de fraude massive par-ci ou de hold-up électoral comme au Bénin à accéder à un second mandat. L’accession à ce second mandat est pour lui un défi et un acte héroïque qu'il accomplit en faisant flèche de tout bois : détournement du denier public, fraude, instrumentalisation des institutions de la république, intimidation, corruption et scandales, violences en tout genre, génuflexions devant les puissances occidentales, service ardent de leurs intérêts au détriment de ceux de ses concitoyens, faux régionalisme, achat de conscience, répression sanglante, assassinats punitifs ou répressifs, etc.
L'objectif atteint remplit de joie et de fierté l'esprit retors du dirigeant africain au point qu'il en arrive à oublier et les normes constitutionnelles et la loi du temps. Le second mandat gagné à tout prix semble ouvrir une période considérée d'abord comme infinie.
Mais très vite, cet infini illusoire commence à subir les coups de
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boutoir du temps. Et le tissu épais s'effiloche à vue d’œil dans une impuissance généralisée pour le moins pathétique. En moins de temps qu'il ne faut pour mettre le pays sens dessus dessous, entre médiocrité et gouvernement à vue, entre corruption et faits de prince, le deuxième mandat obtenu au forceps tire déjà à sa fin.
Mais la tentation ou le syndrome monarchique est là. Le pouvoir est trop jouissif pour être abandonné de si tôt. De plus, la perspective de l'abandonner est d'autant plus anxiogène que l'œuvre accomplie jure avec les belles promesses, tandis que la liste des crimes est aussi longue que le sombre chemin qui mène en enfer. Et la seule idée de devoir répondre de ses crimes plonge le dirigeant dans une frayeur ineffable. D'où l'idée folle en apparence d'un troisième mandat, qui apparaît comme la seule solution pour unir les deux vessies que le dirigeant tient pour des lanternes : la tentation monarchique et la peur de rendre compte de ses crimes. D'une certaine manière ces deux notions sont analytiques au sens kantien du terme. Car le monarque n'est pas seulement celui dont le terme politique et le terme biologique se confondent. Dans l'éthique de l'irresponsabilité du personnel politique africain, qui abuse du vide morale et juridique laissé par la colonisation et stimulé par le néocolonialisme, le monarque, surtout lorsqu'il se croit de droit divin comme Yayi Boni, c'est aussi celui qui n'a de compte à rendre à personne.
Prof. Cossi Bio Ossè
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