Par Maurice CHABI Tu permets que je continue de t’appeler « mon frère » ; même si, entre toi et moi, il y a désormais un grand fossé que les liens fraternels, aussi forts soient-ils ne sauraient combler. Et puis, au-delà de nos divergences profondes connues, je me dois de toujours te considérer comme un frère, ainsi qu’il est convenu d’appeler trivialement tous ceux et celles qui ont en commun le partage de la langue nagot et la culture Tchabè dont nous sommes tous les deux issus. Je me dois d’insister sur ces détails d’apparence anodine, pour souligner la nature singulière de ma démarche qui s’adresse, non pas au chef de l’état que tu es et que je respecte, mais à l’homme, au natif de tchabè que tu es et que tu resteras. C’est me semble-t-il, le seul moyen de me mettre à l’abri de la foudre présidentielle que tu es toujours prompt à activer pour abattre tous ceux et celles qui, à ton endroit, osent une phrase critique ou simplement un mot contrariant. Pour en venir à l’objet de ma lettre, je viens d’apprendre avec amertume, je dois l’avouer, la grâce présidentielle dont tu viens de gratifier Lionel Agbo, et par ricochet, ma consœur, Berthe Cakpossa de la chaîne de télévision Canal 3. En d’autres temps, j’aurais applaudi cet acte de générosité toute présidentielle, si j’y avais relevé ne serait-ce qu’une once d’intégrité intellectuelle. Hélas, Hélas ! Ce geste ridicule et ubuesque vient noircir le tableau d’une démarche judiciaire aussi revancharde qu’indécente, digne d’une république bananière. En effet, ta grâce présidentielle vient absoudre un délit qui n’en est pas un ; du moins dans un Etat de droit, et je m’explique. Ton ancien conseiller technique, en l’occurrence Maître Lionel Agbo tient une conférence de presse et accuse ton entourage et proches collaborateurs de corruption. Face à de telles accusations au demeurant graves, la réaction d’un homme d’Etat serait, à mon humble avis, d’inviter l’intéressé à apporter la preuve de ses allégations pour permettre à l’autorité que tu incarnes de sévir. Dans le cas contraire, le faux accusateur en aurait eu pour son grade, et sa crédibilité mise à rude épreuve. Les Béninois sont, me semble-t-il, assez mûrs pour se forger une opinion et, le cas échéant dire s’il y a diffamation ou pas. En portant plainte contre Maître Lionel Agbo, tu t’inscris ipso facto en faux contre ses allégations, alors même que, quelques mois plus tôt, dans ton interview du 1er Août 2012, tu reconnaissais implicitement que toutes les institutions de l’Etat étaient gangrénées par la corruption perpétrée par des hommes d’affaires peu scrupuleux. Et comme le ridicule ne tue pas, tu as assorti ta généreuse grâce présidentielle du retrait de ta plainte. Ce retrait de plainte pour être cohérent aurait dû intervenir avant le procès. Je suis déçu et même chagriné que l’on t’ait laissé commettre cette bourde juridique monumentale et impardonnable, compte tenu de la qualité des juristes qui t’entourent et dont on peut désormais douter de la compétence. En définitive, ton geste au demeurant salutaire pour les suppliciés, apparait comme de la poudre aux yeux de l’opinion publique nationale et internationale. Et je ne peux pas m’empêcher de penser à la manœuvre sordide du pyromane qui, après avoir mis le feu à la maison, prend un malin plaisir à jouer les pompiers. Les Béninois n’ont pas oublié l’épisode du dossier de l’empoisonnement du chef de l’Etat béninois qui n’a pas fini de défrayer la chronique. Il a été fait état récemment des démarches entreprises par des hommes de l’ombre auprès des présumés coupables pour, de leurs prisons, les contraindre à signer des lettres d’audience et solliciter ton pardon. Et ce sans l’autorisation des autorités judiciaires compétentes. Je ne serais pas étonné que, faute de preuves formelles, cette affaire d’empoisonnement tourne court pour voir demain les présumés coupables jugés, condamnés puis graciés, selon la bonne vieille méthode du bâton et de la carotte. Je me trompe ? Très fraternellement, |
A lire, car, c'est objectif!
Rédigé par : Francis HOGBONOUTO | 02 février 2013 à 21:30
Si un fou enlève ses habits et se met à courir nu dans la rue, je crois que personne ne se mettra à le huer s'il s'empare d'une culotte mise à sécher par autrui et s'en vêtit. La communauté se félicitera que sa folie ait baissé d'un cran et on lui souhaitera de retrouver pleine raison.
Rédigé par : Thomas Coffi | 02 février 2013 à 16:08
L'intelligence et la sagesse se trouvent là véritablement dans leur domaine. Merci au nom des Béninois, dont à force, par les passions procédurières, les voix polémiques qui se déchaînent à l'envi, pleines d'elles-mêmes et de leur science juridique infuse, on pouvait commencer à désespérer de la capacité de discernement...
Rédigé par : B.A. | 02 février 2013 à 14:40
Faut-il vraiment perdre du temps à souligner le caractère inconséquent de ladite grâce lorsque l'on sait que tout le processus en amont est frappé du sceau de la parodie ? L'inconséquence disons-le, c'est de s'attarder à relever une telle inconséquence dont les orchestrateurs ont compris qu'il n'est que temps d'y mettre fin. Toute sortie d'un tel montage ne peut se faire que par une entourloupette tout autant parodique, ubuesque. S'offusquer du caractère de la conclusion c'est nier le caractère des prémisses ou du moins l'avoir perdu de vue alors même qu'il crève la vue. Restons conséquents et laissons Me Agbo décider de ce qu'il fera de ladite grâce présidentielle. Notre réputation nationale n'a que trop pâti de cet épisode.
Rédigé par : Thomas Coffi | 02 février 2013 à 13:12