Il y a un véritable hiatus morphogénétique dans la mentalité politique du Bénin. Ce hiatus est caractérisé par la perception partiale et partielle que les Béninois ont de leur pays. Il se traduit par la divergence entre cette perception et la réalité elle-même. La divergence quant à elle renvoie à la différence historique entre le Dahomey et le Bénin. On a beau dire, la plupart des Béninois ne voient dans le Bénin que le Dahomey. Et par transition, en un réflexe anachronique non questionné, on est vite passé du Dahomey au Danhomè. Comme en Afrique tout se vit, se sent, se règle et se ressent à travers le prisme rétrécissant du tribalisme, la perception qu'on a du Bénin est négative ou positive selon que l'ethnie à laquelle on appartient prend ses racines ou non au Dahomey. Si on émarge au cercle historique du Dahomey ou de ses dépendances, alors on a une perception globalement positive du Bénin, une perception inclusive. Si au contraire on n'y émarge pas alors on a une perception répulsive, polémique, embarrassée, négative et instrumentale du Bénin. Car on est aux prises à une réalité du Bénin qui ne correspond pas à l'idée qu'on se fait de ses origines de sa culture et de son histoire. Dès lors le seul rapport qu'on a, qu'on entend avoir avec le Bénin est un rapport d'accaparement politique. Présider le Bénin, faire partie des dirigeants de son État et de son Gouvernement, voilà la solution compensatoire de la perception répulsive, négative d'un Bénin dont on réduit la consistance au Dahomey. Les ethnies ou régions où se développe cette conception de la représentation de l'entité nationale sont celles dont l'histoire serait, de leur point de vue, hétérogène à celle du Dahomey. Des lors, pour eux, le Bénin se réduit à une monture, un instrument ; et sa seule utilité est compensatoire. La conséquence de cette perception de l'entité nationale est l'absence d'un réel sentiment national, l'absence d'amour réel pour le pays en dehors de l'amour pour la vache à lait en laquelle on réduit sa signification et son usage politique. Cette approche xénologique du sentiment national, cette façon de voir dans le Bénin le Dahomey et dans le Dahomey un corps étranger sinon hostile est le propre des ethnies du Nord et de la partie septentrionale du centre dont les ressortissants continuent de nourrir la mémoire des ressentiments hérités de l'histoire de violence et de domination du royaume du Danhomè. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la présidence du Bénin à une curieuse tendance à échoir aux ressortissants de ces régions, qui font preuve d'une farouche vigilance ethnique et d’une extraordinaire bonne volonté politique. Car la politique, surtout au sommet de l'État et du gouvernement c'est une façon de regagner quelque chose qu'on n'a pas culturellement, territorialement, historiquement et sociologiquement. Un acte de compensation et de revanche qui n'a rien à voir avec une quelconque discrimination positive. La politique est la chose avec laquelle on est tout et sans laquelle on a le sentiment de n'être rien. Mais cette façon de ne voir dans le Bénin que le Dahomey et d’assumer une attitude exclusive de compensation à son égard, surtout pour les plus hauts responsables, pêche par le déficit d'amour réel pour le pays, dès lors que le mépris et la haine qu'on éprouve pour le Dahomey prend toute la place de cet amour. On peut mesurer les dégâts de ce hiatus morphogénétique intériorisé au niveau des plus hauts dirigeants, notamment du président de la république, qui n'est pas seulement un représentant national des Béninois mais aussi celui qui incarne le pays et son image devant le monde entier et dans l'opinion internationale. Ainsi sur les trois présidents de la république que grosso modo le Bénin a connus depuis son indépendance, deux ressortissent de cette logique de perception négative et compensatoire et ont a eux seuls présidé aux destinées du pays pendant une période de près de 40 ans. Le seul dont la perception ne relève pas de cette logique négative et compensatoire est Soglo qui n'a régné que cinq ans. Certes, à l’instar des deux précédents, Soglo perçoit le Bénin comme le Dahomey mais sa perception, en raison de son origine personnelle, ne fait l'objet d'aucun hiatus et par conséquent il n'a pas vis-à-vis du pays une attitude négative et compensatoire. Si vous regardez dans un miroir et voyez quelqu'un qui ne vous ressemble pas, vous avez tendance à casser le miroir ; mais si l'image que vous voyez vous ressemble alors vous ne cherchez pas à casser le miroir ni à compenser l'image qu’il vous renvoie. Tel n'est pas le cas de Messieurs Kérékou et Yayi qui n'ont pas eu froid aux yeux de salir l'image du Bénin à la face du monde, dans deux cas différents de manigances politiciennes qui finalement convergent vers la seule et même explication : l’insupportable hétérogénéité entre la perception de l'entité nationale et l'origine ethnique de celui qui perçoit. Ainsi, le monde entier a dû ricaner du Bénin d'apprendre que le ministre de l'intérieur --Michel Aïkpé --avait été tué parce qu'il couchait avec la femme du président--Kérékou. De même qu'actuellement, le monde entier ricane d'entendre qu’un homme d'affaires qui avait, à maintes reprises par le passé financé ses campagnes électorales, serait le cerveau d'une présumée tentative d'empoisonnement visant la personne de M. Yayi, président de la république du Bénin, ex Quartier latin de l'Afrique, pays initiateur des conférences nationales en Afrique… Dans les deux cas, il s'agit d'affaires presque privées. La victime ou le coupable est toujours un homme du sud, le président un homme du Nord. La mise en public de ses affaires, pour autant qu'elles aient quelque rapport avec la vérité est en elle-même sujette à caution. Un président qui se soucie réellement de l'image internationale de son pays, qu'il aime et fait corps avec lui, un président qui fait passer avant tout la dignité de son pays et son intégrité morale au regard du monde entier réfléchirait certainement par deux fois avant de divulguer de telles affaires. Car rien n'empêchait de les étouffer quand bien même elles auraient été peu ou prou vraies ou réelles. Au lieu de quoi, on assiste à un montage saugrenu, à l'invention d'une histoire à dormir debout dans une fantasmagorie qui met en jeu un conflit de perception de l'image nationale et au bout du compte on jette l'opprobre sur tout un pays, sur tout un peuple aux yeux du monde entier et dans l'histoire définitive de ce pays, et ce sans état d'âme, sans aucune gêne ! Parce qu'au plus profond de soi, le pays qu'on salit n'est pas le pays qu'on ressent, le pays qu'on salit est un pays imaginaire et hostile, un pays étrange et étranger, un pays de compensation, distant et inconnu, un pays méprisé qui mérite cette salissure. Tout le monde sait que si Yayi Boni était le chef d'un village de l'agglomération de Tchaourou et que se fomentaient dans son entourage familial immédiat des intrigues de cet ordre visant à l'empoisonner, tout le monde sait qu'il penserait d'abord à l'honneur de sa famille et de son village avant d'ébruiter l'affaire. Et, loin de l'ébruiter, pour autant que l'affaire fût vraie, il ferait tout ce qui est en son pouvoir pour l'étouffer. On parlerait alors de rumeurs infondées… Mais voilà que transplanté dans le contexte élargi du Bénin, c'est avec un zèle contraire qu'il gongonne ces accusations romanesques et grotesques auxquelles personne ne croit en dehors du Bénin, et au Bénin peut être uniquement le syndicat des demeurés, des gens au cerveaux ramollis ou la meute misérable et affamée des marcheurs stipendiés. Tout ça au nom d'un conflit de perception dans la représentation de l'entité nationale, conflit qui en dit long sur la négativité consubstantielle à nos états façonnés par le colonialisme. Le même conflit de perception explique la raison pour laquelle au Bénin les hommes politiques originaires des régions autres que celles relevant de l'ère historique du Dahomey sont prompts dans des cas de conflits politiques à installer la guerre là où ne le ferait jamais un ressortissant du Dahomey ou de Hogbonu. Tout simplement parce que pour l'homme politique des régions historiquement hostiles ou hétérogènes au Dahomey une telle guerre ne ferait que réduire, meurtrir ou saigner un pays dont la perception se réduit à l'espace historique étrange du Dahomey. Tandis que pour les ressortissants du Zou, de l'Atlantique, du Plateau, ou du Mono, à quelques hésitations près, faire la guerre au Bénin c'est faire la guerre contre son propre espace vital et pour rien au monde ils ne l'accepteraient. Cela explique en partie la sagesse pacifiste de M. Houngbédji lors des dernières élections présidentielles truquées et où, bien qu'il ait été grugé par un Yayi Boni prêt à mettre le pays à feu et à sang, lui le natif de Porto-Novo et dont la mère est originaire de l'Atlantique a préféré faire profil bas pour épargner aux siens le sang que l'autre n'aurait pas hésité à verser, par mépris et défoulement contre un Dahomey qui est le cadet de ses soucis. On aura compris que la question posée en titre n’était qu’un prétexte : car pas plus que le Capitaine Aïkpé n’a baisé personne, Patrice Talon n’a tenté d’empoisonner personne… Anato Bidosessi |
Délicat! Délicat! Je préferais le silence (Abegnonhou) dans cette affaire car nul ne sait encore où est la vérité. On est tenté de dire "Laissons faire la justice", mais hélas notre justice ne nous a pas habitué à lui faire confiance, pour mémoire...(Paix à l'âme du juge Coovi).
Rédigé par : Thomas Coffi | 25 novembre 2012 à 22:30