François Hollande, comme tous ses prédécesseurs depuis Giscard d’Estaing, a promis de mettre un terme aux pratiques de la Françafrique, appelant à des relations décomplexées, «sans ingérence, mais avec exigence». Le Président français a notamment annoncé la fin des «émissaires, intermédiaires et officines», lesquels trouveront désormais «porte close à la présidence de la République française». Il a également évoqué une révision des accords de défense entre la France et les pays africains : ils seront désormais négociés, c’est promis, sans clauses secrètes. Mais si de Giscard à Sarkozy cette promesse n’a jamais été tenue, pourquoi le serait-elle avec François Hollande ? Comment la France de François Hollande dérogerait-elle à la règle énoncée par De Gaulle selon laquelle la France n’a pas d’amis mais des intérêts ? La preuve de ce que dans son essence la Françafrique restera inchangée, et que le statu quo perdurera est symbolique, et en politique les symboles ont force d’évidence et de vérité. François Hollande avant d’aller présider la réunion de la francophonie qui se tient à Kinshasa a fait son premier voyage sur le sol africain en tant que président de la République à Dakar. Or le choix de Dakar, du Sénégal ne se justifie pas si on raisonnait dans l'optique rénovée d’une Afrique totalement libre et libérée des rapports et liens coloniaux, voire précoloniaux. Avant la colonisation les Sénégalais servaient de tête de pont à la percée française en Afrique. C’est parmi les Sénégalais que les Français recrutaient les soldats qui servaient à réprimer les royaumes résistants à la conquête coloniale. Ils étaient aussi la chair à canon. Avec la colonisation, cette fonction a continué de manière plus formalisée. Les révoltes, les résistances dans les colonies étaient réprimées grâce au contingents de Sénégalais, utilisés comme de véritables chiens de chasse coloniaux. Cette fonction a culminé avec le personnage mythique du tirailleur Sénégalais, qui comme d’autres a été utilisé sans complexe durant les guerres européennes, baptisées « guerres mondiales. » En cette matière, comme c’est toujours le cas, -- l’être humain étant toujours pressé de se venger du bien qu’on lui a fait -- le maître Français n’a pas toujours été à la hauteur de la dignité et de la justice pour les sacrifices consentis par ses recrues noires : le cas de Thiaroye où des soldats Sénégalais qui avaient combattu pour la France durant la 2ème guerre mondiale furent froidement massacrés d’avoir demandé leur paye, en est un exemple parmi bien d’autres. L’organisation territoriale des colonies avait fait du Sénégal son centre, tout au moins en Afrique de l’Ouest. Tous les autres gouverneurs des autres territoires étaient des lieutenant-gouverneurs qui dépendaient du Gouverneur-général du Sénégal. C’est dans cet esprit de ce que les révolutionnaires africains appelleront « chiens couchants » du système colonial -- les Haoussa joueront le même rôle pour la colonisation anglaise -- que le Sénégal, à l’instar des autres pays d’Afrique, accèdera à ce qu’on a appelé indépendance, qui n’est en vérité qu’une supercherie de façade, qui a placé les africains dans une situation d’exploitation sans appel et sans responsabilité, contrairement à ce qui se passait sous la colonisation, où l’exploitation allait de pair avec la responsabilité du colonisateur. C’est dans cette euphorie théâtrale et de supercherie que le Sénégal, pays musulman dans sa grande majorité émergera soi-disant indépendant avec un |
président chrétien, grammairien poète, qui chante les merveilles de la femme noire mais est flanquée dans sa vie intime d’une femme blanche, française. Ce modèle du président sénégalais obligé d’épouser une blanche française ne changera véritablement que récemment avec Macky Sall qui consacre la chute du vicieux autocrate octogénaire nommé Wade. Depuis lors donc la France a entretenu une tradition de relation privilégiée avec le Sénégal fondée sur l’histoire de la soumission de celui-ci, de sa promptitude à jouer les jeux géopolitiques français en Afrique et dans le monde, de son utilisation comme tête de pont dans la manipulation culturelle et idéologique des Africains en général et des Africains francophones en particulier. Pour la France, à l’instar de la Côte d’Ivoire qui a été érigée en capitale économique de la Françafrique -- situation transitoirement menacée par l’arrivée au pouvoir de Gbagbo et que la France n’a eu de cesse de rectifier -- le Sénégal fait office de capitale politique de la Françafrique. Donc c’est pour cela que sans y réfléchir, alors même qu’il promet de rompre avec la Françafrique, François Hollande s’y rend en premier. Alors que s’il voulait se donner la peine de regarder l’Afrique telle qu’elle s’exprime dans sa volonté institutionnelle autonome, ce n’est pas le sol de Dakar que le nouveau Président Français foulerait en premier mais Cotonou, l’actuelle capitale de la Présidence de l’UA ou Addis-Abeba, son siège. Le fait même de n’avoir pas résisté à l’appel de l’histoire et de ses réalités qui lui paraissent non seulement aller de soi mais inaliénables, François Hollande trahit le fait qu’il n’est pas et ne sera pas une exception dans la pérennité indécrottable de la Françafrique.Tout au plus mettra-t-on la Françafrique au goût du jour, en lui faisant quelque ravalement de façade, en l’émondant comme le font les jardiniers municipaux pour que son feuillage corresponde au ramage stylistique du président actuel. Car dans un monde où elle est en perte d'influence, la France n'a pas d'autre choix que de s'agripper à sa poule aux oeufs d'or : pour la France, la Françafrique est une seconde nature. Aminou Balogoun |
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