Devinette : Quel est l’homme politique d’un pays d’Afrique de l’Ouest qui s’appelle Dramane et qui fait l’objet d’une défiance quant à sa citoyenneté, et au surplus accusé d’être burkinabé, accusation qu’il conteste ? On pense naturellement à la Côte d’Ivoire et à l’Affaire Ouattara dont nous connaissons tous le honteux épilogue. Soit dit en passant, honteux mais pas pour tout le monde, car il est loisible de supposer que les nordiques de Côte d’Ivoire et leur alliés idéologiques ou ethniques qui jubilent de se voir représenter au plus haut niveau de l’Etat par un des leurs – qu’il soit Burkinabè ou Ivoirien – sont plutôt fiers que honteux, même si l’histoire en décidera autrement. Mais non, il ne s’agit pas de la Côte d’Ivoire, mais de son voisin anglophone et concurrent producteur de cacao : le Ghana. Concurrent à double titre. Concurrent en tant que pays ayant une frontière nordique avec le Burkina Faso, et de ce fait connaissant comme la Côte d’Ivoire la même réalité des mêmes ethnies à cheval entre les deux pays ; mais aussi concurrent en tant que producteur de Cacao et accueillant sur son sol des travailleurs Burkinabè. Sociologiquement, on a pu croire que l’émergence de quelqu’un comme Alassane Dramane Ouattara sur qui pèsent de concordants |
soupçons quant à son origine burkinabè, et qui malgré tout grâce à la toute puissance de la Françafrique est devenu Président de Côte d’Ivoire, on a pu croire disons-nous que cette bonne volonté transfrontalière passablement caméléonienne n’était possible à un si haut niveau intellectuel et politique qu’en raison de l’appartenance à la même sphère francophone. Mais c’est oublier que le phénomène transcende la langue et la culture du colonisateur pour s’imposer comme un fait sociologique africain. L’Affaire Daramani qui agite le Ghana depuis 2009, et qui vient de connaître un épisode judiciaire retentissant, montre si besoin en est, comment selon qu’on se trouve dans la sphère de la Françafrique ou dans une zone anglophone réputée historiquement autonome, la même problématique n’a pas les mêmes issues : jugez en plutôt… |
Une Haute Cour d’Urgence d’Accra a condamné le vendredi Monsieur Adamu Daramani Sakande, un parlementaire de la région de Bawku Centre, à deux ans d’emprisonnement pour usage de double nationalité. Sa condamnation est intervenue après que la cour, présidée par le juge Charles Quist l’a reconnu coupable de fausse déclaration de fonction, de fraude électorale, de parjure et de tromperie d’agent public. L’expert en gestion de sécurité a plaidé non coupable des charges portées à son encontre et a eu droit à la liberté sous caution Le député a également témoigné et nié toute malversation et produit des documents pour prouver son affirmation selon laquelle il avait renoncé à sa citoyenneté britannique. Alors que l’accusation a fait entendre quatre témoins, le député a appelé deux témoins pour témoigner en sa faveur. Dans le jugement de la cour, le juge a fait remarquer que le ministère public a été en mesure de prouver la culpabilité du député au-delà de tout doute raisonnable et a établi les éléments essentiels des diverses infractions portées à son encontre. Selon la cour, le député pour sa défense, a fait appel à deux témoins, à l’exclusion de ses propres parents, notamment ses mère et sœurs résidant à Accra pour confirmer ou infirmer qu’il était Ghanéen. Selon le tribunal, l’accusation a été en mesure d’établir que le député n’était pas Ghanéen mais un Burkinabè qui utilisait un passeport britannique. La Cour a noté que le député a fait une demande d’asile en tant que refugié au royaume uni et s’est demandé comment un Ghanéen qui était alors au Royaume-Uni pouvait demander un visa d’entrée au Ghana. De même, selon le tribunal, Daramani n’a pas été en mesure de convaincre le tribunal sur l'affirmation selon laquelle il n'était pas un ressortissant britannique, dès lors que ses documents produits devant le tribunal à cet effet n'ont ni été authentifiés ni officiellement cachetés. Par exemple, la cour a fait remarquer que M. Daramani n’a pas produit son acte de naissance ni son certificat de baptême pour étayer son cas. Le tribunal a en outre soulevé des questions concernant les différents noms utilisés par Daramani sur ses diplômes du niveau secondaire ou supérieur qui portaient les noms Andy Adamu Daramani et Daramani Sakande.. Selon le tribunal, une personne qui a la double nationalité ne peut pas se présenter à une élection au Parlement. Le juge Charles Quist a également recommandé au procureur général (PG) que le nommé Stanley Opuku, témoin de la défense, qui prétendait être un avocat spécialisé dans les questions d'immigration au Royaume-Uni, soit inculpé pour parjure et falsification de documents. Il a dit que le sieur Opoku n'était pas digne d'être un témoin car de forts soupçons pèsent sur lui comme étant celui qui a remis à l'accusé des documents d'immigration britanniques fictifs affirmant qu’il aurait renoncé à sa citoyenneté britannique. |
Monsieur Daramani était traduit devant la cour le 31 juillet 2009, et inculpé de 9 chefs d’accusation relatifs à sa nationalité, pour parjure, faux passeport, fraude électorale et tromperie des agents publics visant à se faire passer pour député. Il a toutefois été exonéré de six de ces accusations le 8 Juillet 2010. La Cour suprême, le 23 mai 2012, a rejeté la demande de non-lieu du député dans une affaire civile intentée contre lui par un éleveur de bovins. Il devait ensuite ouvrir sa défense le 16 Juillet 2012 L'éleveur, M. Sumaila Biebel, en Mars 2009, a intenté un procès devant la Haute Cour contestant l’éligibilité du député au motif que celui-ci détenait deux passeports britanniques et burkinabé. La Haute Cour, dans un jugement rendu par défaut le 15 Juillet 2009, a ordonné au député de quitter son siège. Insatisfait de la décision de la Haute Cour, l'avocat du député a fait appel auprès de la Cour d'appel, qui dans une décision unanime, a déclaré que M. Biebel aurait dû faire une pétition électorale, puisque la question touchait au contentieux électoral. Se sentant lésé par la décision de la Cour d'appel, M. Biebel est allé à la Cour suprême, qui a décidé de recueillir sa déposition. Depuis, il a témoigné et a fait l’objet d’une-interrogation contradictoire par M. Egbert Faibille, un membre de l'équipe juridique de Daramani. La défense a déposé une demande de non-lieu après que M. Biebel a terminé son témoignage et son interrogation contradictoire. Selon la défense, M. Biebel a omis de se conformer pleinement aux règles d’administration de preuve et, pour cette raison, il n'y avait pas de preuve devant la Cour suprême. Mais la Cour Suprême en a jugé autrement. M. Biebel est également le plaignant dans la procédure pénale contre le député à la Haute Cour d’Urgence, qui vient de le condamner à deux ans de prison. Aux dernières nouvelles M. Daramani se trouve dans un hôpital cardiologique d’Accra où il a été évacué suite à un accident cardiaque… Ruse médicale pour attendrir les juges ou conséquence dramatique de l'innocence d’un citoyen blessé ? Affaire à suivre |
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