Les Nigérians entrent en transe protestataire à cause de la suppression de la subvention sur le pétrole. Sous-entendu, ils refusent de s’imaginer en pays non pétrolier. Ils n’entendent pas penser au jour plus ou moins proche où cette matière en laquelle ils ont scellé leur dépendance, et qu’ils ne récoltent pas à la sueur de leur front, s’épuise comme toute chose ici bas. Quand on est producteur de pétrole, on ne fait rien d’autre, on produit le pétrole et on en profite. Comment produire le pétrole et l’acheter au même prix sinon plus cher qu’un pays non-producteur ? Tels sont les arguments apparemment logiques sur lesquels se fondent leur courroux protestataire qui sème l’anomie dans une société déjà percluse de violence et de désordres chroniques. Certes, tout le monde en convient, leur cause eût paru plus glorieuse se fût-elle portée sur l’augmentation du prix d’une denrée naturelle aussi vitale et symbolique que le pain. Mais le sacrifice demandé par le gouvernement n’est pas compris, encore moins accepté. Et pour cause ! Le Nigéria a beau être la nation africaine la plus grande (ou plus exactement la plus peuplée, vu que le concept de grandeur est assez ambiguë pour qu’on n'hésite pas à l’appliquer à un pays comme le Nigeria, aussi frère soit-il) ses habitants, les Nigérians, ne sont jamais que des Africains. Et les Africains ne sont pas des peuples doués de sacrifice comme les Asiatiques, les Chinois ou les Japonais. Ce ne sont pas des peuples qui comprennent la nécessité du sacrifice pour avancer ou évoluer. Tant qu’à se sacrifier, tant qu’à faire un sacrifice, l’Africain n’ayant cure de prendre le risque de l’animalité, préfèrerait rester tel qu’il a toujours été, depuis des siècles immémoriaux au risque de voir se dégrader sa condition, et aliéner sa liberté. |
Car si l’animal ne se sacrifie pas, il n’empêche qu’il peut être sacrifié ; d’un point de vue humain, à travers holocaustes et offrandes propitiatoires, c’est même sa vocation par excellence. Les rares fois en effet que le destin de l’Afrique a croisé la nécessité du sacrifice, elle s’y est pliée avec la contrainte extérieure. Il s’agissait de sacrifices subies ou infligées, au bénéfice d’étrangers : l’esclavage et le colonialisme. Sorti de ces enfers historiques, ne parlez pas de sacrifice aux Africains, ils n’ont pas le cœur à ça, encore moins l’esprit. Cet aveuglement légitime n’est pourtant pas sans conséquence à plus ou moins long terme. Les Nigérians devraient le savoir : la grandeur d’un peuple se mesure au sacrifice qu’il s’impose ; le sacrifice le plus bénéfique, faute de quoi, à terme, c'est nous-mêmes qui serons sacrifiés… Aminu Balogun |
Dit en termes aristotéliciens, il vaut mieux accepter de sacrifier l'accident sur l'autel de la substance que de courir le risque, en s'y refusant, d'être contraint (souvent de l'extérieur)à sacrifier à terme la substance...
Rédigé par : BA | 12 janvier 2012 à 21:33