La chute de Tripoli a fait espérer aux « rebelles » et à leurs âmes occidentales qu'ils allaient mettre la main sur celui que tout le monde appelle le « Dictateur ». Mais un dictateur qui, soit dit en passant n'est peut-être pas plus dictateur que les Eyadema, Wade, Compaoré, Biya, ces vaches sacrées du pré français ; ou même les Castro, les Kim, les Thein de la Birmanie, ou même Jintao, président de la Chine, toutes personnes ou régimes qui ne sont pas vraiment des modèles de démocrate mais dont personne aux États-Unis, en France ou à l'OTAN et dans le système impérialiste de l'Occident chrétien à l'arrogance ébouriffante, dont personne, disons-nous ne songe à en faire les têtes de Turc d'une croisade antidictatoriale mondialisée !
Mais tout cela est une autre histoire. Entre mensonges, iniquité, cynisme et intentions à peine voilé de pillage, on s'attaque à plus faible que soit ou à ceux qui n’ont personne pour les défendre. Mais le fait est là. Tripoli tombe et le maître de Tripoli reste introuvable. Cette échappée, cette volatilité peut apparaître comme une déconvenue politique pour les soi-disant rebelles. Cependant que ceux que la recolonisation crapuleuse de l'Afrique attriste -en somme les vrais rebelles- peuvent s'en réjouir. Mais se réjouir que Kadhafi ne se soit pas rendu tout de suite c'est peut-être céder à une joie facile, grosse d’un dénouement fâcheux qui ferait peut-être le jeu des Blancs pilleurs. En effet, qui nous dit que la disparition provisoire du guide de la révolution libyenne n'arrange pas les assassins de la dignité africaine ? Qui nous dit que le fait de laisser courir Kadhafi ne relève pas d'une tactique savamment étudiée à l'aune de l'expérience de l'ingérence occidentale dans les nations périphériques ? Le précédent de Saddam Hussein est encore dans toutes les mémoires. Après plusieurs mois de cavale consécutive à la chute de Bagdad, le raïs irakien avait été délogé de son refuge tombal. Le visage hirsute, boutonneux envahi par une barbe de mille ans, un homme méconnaissable qui dégage le faciès idéal du criminel poursuivi, à mille lieues de l'image de bravoure et de dignité d'un résistant ou d’un chef d'État fût-il vaincu militairement. L'assassinat programmé de Saddam Hussein avait besoin d'une telle image qui le ferait apparaître sous son jour fautif, coupable, misérable et criminel. Cette image du criminel fugitif qu'on déterre de son trou comme un rat barbu vieilli, ranci et ratatiné, cette image correspondait à la figure idéale du despote sanguinaire qui refuse de voir en face son crime. Et la figure parfaite de la diabolisation symbolique qui justifie le projet de sa liquidation. Alors que si vêtu dans sa tenue de chef militaire, aux premières heures de sa défaite Saddam Hussein s'était rendu à l'armée américaine, il aurait montré de lui une image de dignité et de respect incompatible avec la diabolisation qui conditionnera son assassinat après un jugement sommaire et fantaisiste.
Dans cet ordre d'idées, la fuite de Kadhafi, le fait qu'il ne soit pas pris ou ne se soit pas rendu dans un Tripoli vaincu pouvait bien faire partie d'un plan de diabolisation nécessaire à sa liquidation. Le guide révolutionnaire de la Jamahiriya libyenne, l’auteur du livre vert de la révolution, au visage respirant la santé et la fierté aurait été difficile à présenter au monde comme un criminel convaincant. Mais après qu'il aura macéré dans sa cachette pendant quelques mois, après qu'il aura été soumis aux contraintes physiques de la clandestinité avec son lot de privations et de dureté ; après que son visage serait ridé et serait envahi par une barbe de bagnard, la presse des Blancs, fidèle à son rôle d’organe de désinformation au service du projet occidental de pillage de l’Afrique, cette presse du mensonge, du cynisme et de la domination de l’homme, se fera une immense joie de montrer urbi et orbi le Kadhafi traqué dans son apparence diabolique idéale. Accréditant à travers cette apparence de décrépitude et de déchéance non pas la souffrance d'un combattant pour la justice mais l’image diabolisée d'un despote sanguinaire qui ne mérite rien d'autre que d'être tué pour que la Libye puisse vivre libérée de son spectre, qui gêne tant l'occident chrétien capitaliste.
Tel est le piège qui guette Kadhafi ! Olorun maje kari !
Aminou Balogoun
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