Les peuples qui mentent se privent de la lumière du savoir véritable ; car ils ne sont pas dans le vrai, cultivant son contraire. Et, à force de mentir aux autres, on finit par se mentir à soi-même. Et les peuples qui mentent à eux-mêmes se privent d'avenir.
On peut affirmer sans se tromper, que le dernier grand résistant et peut-être le seul que la terre du Dahomey ait jamais porté est Béhanzin. En dehors de Béhanzin, rien de résistant. De nos jours, ce vide, ce défaut de l'esprit de résistance au lieu de s'avouer comme tel se donne les apparences de sagesse en exhibant le drapeau de l'attachement à la paix. Or ce qu'on appelle la paix au Bénin, parfaitement conditionné par la déviance néocoloniale et sa chape d'aliénation, n'est rien que la peur de résister, l'incapacité de dire non, ajouté à l'égoïsme viscéral et l'individualisme méthodique du Béninois.
Quelle cause vaut la peine qu'on meurt pour elle ? Pour le Béninois la réponse est simple : aucune ! Malgré quoi doit-on vivre ? Pour le Béninois la réponse là aussi est claire : tout. Rien ne vaut la peine de mourir, et malgré tout on doit vivre, vivre à tout prix. Si quelqu'un vient tuer son père, le Béninois lui répondra : « la paix ! » ; Si quelqu'un vient violer sa mère sous ses yeux, le Béninois répondra : « la paix ! ». Si quelqu'un se saisit de sa maison le Béninois ne résistera pas, il n'opposera pas son refus ; au contraire il sortira, la queue entre les fesses, les mains en l'air, en disant « la paix ! La paix ! » Telle est la vérité de l'aliénation de l'esprit actuel du Béninois, perclus de peur et ratatiné au socle stérile de l'égoïsme et du chacun pour soi, du rien-ne-vaut-la-peine-qu'on-perd-son-sang-pour ; du rien-ne-vaut-la-peine-qu'on-meurt-pour. Telle est la cécité nationale de la mentalité du Béninois actuel qu'il est incapable de voir en quoi sont bien propre commence par celui de l'autre et inversement ; et que la communauté passe avant l'individu. Ce discours de la paix en devient de fait absurde. Et les ennemis de notre nation ne se privent pas de l'exploiter jusqu'à la corde. Ils connaissent notre lâcheté, ils savent la profondeur abyssale de notre couardise et notre individualisme et ils n'ont pas de limite dans la violence qu'ils nous infligent, persuadés qu'ils sont que nous ne broncherions pas et que nous encaisserions incontinents, et qu'avec malice, histoire de cacher notre lâcheté, nous parlerions de paix, de paix. Les ennemis de notre race savent qu'au coeur de tout ce bêlement, on ne compte pas le nombre de ceux qui, comme des moutons, se bousculent pour se faire acheter. Car la lâcheté du Béninois va de pair avec sa propension à se vendre. Nous sommes devenus une race qui n'aurait pas produit un De Gaulle ni un Mandela. Les Allemands seraient-ils venus occuper notre pays en nous privant de liberté et en nous opprimant que nous ne serions pas entrés en résistance comme le firent vaillamment un grand nombre de Français. Il n'y aurait pas eu de De Gaulle pour dire « NON ! ». Nous aurions spontanément considéré que le combat perdu se confondait avec la guerre. Et nous aurions encensé notre soi-disant attachement à la paix. Nous n'aurions sur nos lèvres stupides que le mot de paix qui résonnerait en nous de son écho de bonne conscience replète. Les Boers et autres Blancs racistes seraient-ils venus, mus par l'apartheid, diviser notre pays en zone de Blancs et en Bantoustans que nous n'aurions pas réagi. Nous aurions trouvé que c'est normal et qu'à tout prendre il vaudrait mieux que nous nous taisions pour donner une chance à la paix. Nous n’aurions pas créé une ANC . Et il n'y aurait pas de Mandela chez nous. Et si d’aventure, il y avait un Mandela, il n’irait pas en prison pour une journée, préférant parler de paix que de se voir privé de liberté. Sauf sur nos lèvres empuanties se bousculeront de belles paroles auto-hypnotiques de la paix.
Mais la vérité finira toujours par nous rattraper car nous avons beau mentir et à plus forte raison mentir à nous-mêmes cette vérité nous rattrapera. Un individu sans casus belli est un individu sans dignité. Une nation, une communauté sans une cause pour laquelle elle est prête à mourir, sans un casus belli, une limite au-delà de laquelle elle ne peut plus accepter les violences adverses, eh bien cette nation, cette communauté est sans avenir ! Que les Béninois qui se gargarisent de la justification de tout par la paix nous disent une ou deux choses pour lesquelles ils sont prêts à entrer en guerre ; à accepter le sacrifice, même suprême, comme le firent Béhanzin, Kaba, Bio Guerra. Car la paix à un prix qu'il faudra tôt ou tard payer. La facilité avec laquelle elle nous sert de prétexte aujourd'hui sera à la mesure de ce que les générations à venir payeront pour se libérer des conséquences de notre lâcheté et de notre couardise joliment déguisées. La paix n'est pas seulement un discours soporifique pour justifier nos lâchetés et nos peurs. La paix n'est pas un masque de la couardise sur fond d'individualisme viscéral. Si pour une nation, la paix n'est que le discours-masque de la peur et de l'indignité, alors elle ne présage d'aucun avenir digne de ce nom.
Aminou Balogoun
Copyright, Blaise APLOGAN, 2010,© Bienvenu sur Babilown
Toute republication de cet article doit en mentionner et l’origine et l’auteur sous peine d’infraction
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.