Cotonou le 07 Mars 2011.
Lettre ouverte de Philippe NOUDJENOUME
Premier Secrétaire du Parti Communiste du Bénin,
Candidat aux élections présidentielles
- A MONSIEUR BAN KI MOON, SECRETAIRE GENERAL
DES NATIONS UNIES,
- A MONSIEUR JEAN PING, PRESIDENT DE LA COMMISSION DE L’UNION AFRICAINE,
- A MONSIEUR LE SECREAIRE EXECUTIF DE LA CEDEAO,
(Lettre ouverte).
Une délégation conjointe CEDEAO-Union Africaine-Nations unies composée de Messieurs Jan Victor GBEHO, Président de la Commission de la CEDEAO, Ramtane LAMAM, Commissaire de l’Union Africaine chargé de la Paix et de la Sécurité et Saïd DJINIT, Représentant Spécial du Secrétaire Général de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest a séjourné le 03 Mars dans notre pays.
Au terme du séjour de la délégation, le communiqué rendu public dit ceci «la mission conjointe avait pour objectif de réitérer le soutien des institutions concernées au processus de préparation de l’élection présidentielle et d’encourager toutes les parties béninoises à créer des conditions pour la tenue d’un scrutin pacifique et crédible… La délégation conjointe a pris note avec satisfaction des progrès considérables réalisés dans la mise en place de la LEPI en tant qu’instrument qui permettra de moderniser la base de la liste électorale et de consolider la tradition démocratique du Bénin… La délégation a pris note des préoccupations exprimées par les différentes parties concernées, notamment par des candidats à l’élection présidentielle suggérant le report de l’élection présidentielle pour procéder à des ajustements nécessaires en vue de la tenue de l’élection dans des conditions crédibles et acceptables…La délégation a… exprimé son soutien à un report de quelques jours de l’élection présidentielle à une date qui soit compatible avec le respect des délais prescrits par la Constitution, notamment celui sur l’Investiture du Président de la République, fixé au 6 avril 2011 ; (…) Ce report permettrait notamment : i) la finalisation du processus de distribution des cartes électorales ; ii) le parachèvement des dispositions nécessaires par la CENA et ses démembrements régionaux et locaux ; iii) la désignation et la formation de tous les agents de bureaux de vote »(souligné par moi).
Au vu de la mission que s’est fixée la délégation, je ne peux que remercier les nobles et grandes Institutions mondiales et régionales que sont l’ONU, l’Union Africaine et la CEDEAO de l’intérêt qu’elles portent pour la situation politique intérieure de notre pays, le Bénin.
Mais il faut avouer que la démarche n’est pas courante. Car ne relevant pas de la mission traditionnelle de ces institutions qui est « le maintien de la paix et de la sécurité internationale » conformément au Préambule, à l’article premier et surtout aux Chapitres VI et VII de la Charte de l’Organisation des Nations Unies.
La démarche de la délégation conjointe ONU-UA-CEDEAO ne peut se comprendre que s’inscrivant dans la perception par ces Institutions que l’élection présidentielle actuelle au Bénin contient des germes de menace à la paix.
En effet, l’élection présidentielle actuelle au Bénin contient des germes de menace à la paix intérieure. Les principales pommes de discorde entre les différents acteurs politiques de la vie politique de ce pays se focalisent autour de la Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI).
Dès le début de la confection de cette liste, est apparue la volonté à peine voilée d’une partie, la mouvance présidentielle de s’en servir comme instrument de fraude à son profit – par l’exclusion de dizaines de milliers de citoyens du droit de vote, la fabrication de milliers de bureaux de vote fictifs, la minoration de l’effectif de votants de certaines régions par rapport à d’autres etc –
Une bonne fraction de la population du Bénin regroupant des députés et de simples citoyens dès le début, se sont émus de la manière dont étaient menées les opérations d’établissement de la LEPI. Ils l’ont exprimé de diverses manières soit par voie parlementaire soit par des protestations de rue. Mais rien n’y fit. Notre peuple a noté avec tristesse et écœurement que cette LEPI frauduleuse et tronquée, cette LEPI à polémique confectionnée pour faire élire un homme, le président actuel, YAYI Boni a été réalisée avec le soutien actif des Représentants des organisations du système des Nations unies au Bénin, et des grands pays européens, en l’occurrence le PNUD, l’Union Européenne qui en contrôlent non seulement l’intendance mais aussi le logiciel pour finalement en sortir le président de leur choix à la place du peuple béninois.
J’ai eu en son temps, compte tenu des responsabilités qui sont les miennes concernant la vie des millions d’hommes et de femmes de ce pays, à m’adresser à ces Représentants en une Lettre ouverte en date du 27 Octobre 2010 (voir ci-jointe copie de la lettre) pour m’inquiéter de leur implication dans cette opération porteuse de conflits graves pour mon pays. Je me suis posé la question suivante : « Comment comprendre que malgré ces cris du peuple, l’Union Européenne et le PNUD encouragent le gouvernement et BAKO Nassirou à continuer sur cette lancée, à savoir réaliser une LEPI à polémique, une LEPI porteuse de conflits aux conséquences incalculables ? »
Aujourd’hui la réalité est là. La LEPI confectionnée de l’avis même des auteurs – qui ont accepté par consensus un audit par des experts internationaux et nationaux – est un tissu d’énormités incompatibles avec la réalisation d’élection crédible et transparente.
Tout ceci serait-il être ignoré par les institutions internationales ? Voire. Mais malheureusement je note avec tristesse que le communiqué de la délégation abonde dans le même sens que les Représentants du système des Nations Unies sur la LEPI telle fabriquée en ce moment au Bénin. A ce sujet, il y a lieu de faire les observations suivantes :
Premièrement si une LEPI peut être un instrument permettant la modernisation « de la base de la liste électorale » et la consolidation « de la tradition démocratique du Bénin », la délégation s’est-elle posée la question de savoir si celle-ci, la LEPI de BAKO Nassirou et de YAYI Boni, remplit les conditions avec les graves irrégularités qui y sont contenues et qui sont reconnues de pratiquement tout le monde ?
Deuxièmement : « La délégation a… exprimé son soutien à un report de quelques jours de l’élection présidentielle à une date qui soit compatible avec le respect des délais prescrits par la Constitution, notamment celui sur l’Investiture du Président de la République, fixé au 6 avril 2011 » La délégation s’est-elle posée la question de savoir si la correction nécessaire à apporter à une telle LEPI (manifestement frauduleuse) et l’inscription de plus d’un million de citoyens béninois peut se réaliser en quelques jours voire en quelques semaines pour permettre le « respect des délais prescrits par la Constitution, notamment celui sur l’Investiture du Président de la République, fixé au 6 avril 2011 » ? Une Constitution serait-elle au-dessus de la souveraineté du peuple ?
Troisièmement : la délégation prescrit les tâches à réaliser pendant cette période de report, à savoir : i) la finalisation du processus de distribution des cartes électorales ; ii) le parachèvement des dispositions nécessaires par la CENA et ses démembrements régionaux et locaux ; iii) la désignation et la formation de tous les agents de bureaux de vote ». Nulle part on ne voit des points ayant fait l’objet de consensus, sous l’égide des Présidents ZINSOU et SOGLO, entre les représentants de la mouvance présidentielle et ceux de l’Opposition, le 25 février dernier, à savoir un audit de la liste électorale avec les corrections nécessaires, le vote d’une loi dérogatoire permettant la prise en compte de dizaines de milliers de citoyens. Pour la délégation, la LEPI telle réalisée est bonne pour des élections crédibles devant se dérouler dans quelques jours. Il suffit de finaliser la « distribution des cartes »… de parachever « des dispositions nécessaires par la CENA et ses démembrement », de désigner et former « tous les agents de bureaux de vote » etc.
La délégation, par ce comportement, non seulement avalise la LEPI frauduleuse tant décriée par les travailleurs et les peuples du Bénin, mais encore s’arroge les fonctions des institutions de souveraineté de notre pays avec la voie ouverte vers les expériences de «certification» des élections telles que nous l’a montré le cas ivoirien.
Ainsi la voie est ouverte pour la mise entre parenthèses de la souveraineté de notre peuple par la « Communauté internationale » qui dicte désormais sa volonté sur notre pays au mépris des intérêts des travailleurs et des peuples du Bénin, ce qui revient à leur déclarer la guerre pour se donner après le rôle de « pacificateurs ».
Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies, Monsieur le Président de la Commission de l’Union Africaine, Monsieur le Secrétaire exécutif de la CEDEAO, le constat qui s’établit de plus en plus dans la pensée collective des peuples c’est que d’institution de sauvegarde de la paix, l’ONU se transforme en instrument de guerre contre les peuples, leur souveraineté et leur développement ; que cette organisation n’agit plus dans l’intérêt de toute l’humanité mais seulement dans celui des plus riches et des puissants de la terre.
Je n’ose pas croire qu’il en sera toujours ainsi. C’est pourquoi, je viens vous demander que la pratique internationale ultérieure démente cette opinion désormais acquise dans un monde où l’éthique universelle agit dans le sens de plus de liberté, de plus de souveraineté aux peuples pour un développement harmonieux qui permette à l’humain où qu’il se trouve de vivre en humain sur cette planète terre, notre patrimoine commun. Les révolutions en cours actuellement dans les pays arabes contre les dictatures montrent la voie.
Quant aux travailleurs et aux peuples du Bénin, je puis vous assurer qu’ils disposent des ressources nécessaires pour éviter les pièges d’où qu’ils proviennent et feront leurs chemins dans le concert des nations en sauvegardant leur indépendance et leur souveraineté.
C’est avec cette conviction et ce souhait que je vous prie de recevoir Messieurs les Présidents, l’expression de ma haute considération et de mes sentiments patriotiques et humanistes.
Cotonou le 07 Mars 2011
signature illisible
Philippe NOUDJENOUME
Copyright, Blaise APLOGAN, 2010,© Bienvenu sur Babilown
Toute republication de cet article doit en mentionner et l’origine et l’auteur sous peine d’infraction
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.