La raison pour laquelle les choses ont empiré sous Yayi Boni alors qu’il a promis de les améliorer, c’est qu’il avait sous-estimé Kérékou et surestimé le docteur en économie qu’il prétendait être. Il se disait que si les choses avaient foiré sous Kérékou, c’était parce que Kérékou était Kérékou, et pas un docteur en économie. Yayi Boni n’avait nullement l’intention d’arrêter la corruption, mais il croyait pouvoir la rendre invisible,
soit par maquillage comptable, soit par dissolution dans une gestion rationnelle des comptes de la nation susceptible de générer une certaine prospérité qu’illustrerait un certain nombre de réalisations d’éclat. Mais en dehors de cet aspect cinématographique du développement, il ne pensait pas à la réalité du bien être du peuple. Il misait d’abord sur l’aspect ostentatoire et spectaculaire du changement et non pas sur ce que ça pouvait réellement apporter de changement dans la dure réalité des citoyens. Non qu’il s’opposât à une telle amélioration, mais il était assez lucide pour savoir qu’une telle amélioration ne pouvait arriver suffisamment tôt pour justifier le changement promis. Donc bien que cela fût au cœur de la demande populaire de changement, Yayi Boni, esprit madré, n’avait nullement l’intention d’arrêter aucune corruption ; en bon banquier, il sait que l’argent sale est le cousin germain de l’argent propre. La motivation secrète de sa lancée en politique c’était de profiter lui aussi des joies émotionnelles et matérielles de la politique : Argent, Pouvoir et Volupté. Tout en plaçant son action dans le cadre général d’une organisation rationnelle avec mise en place des fondamentaux de la gestion économique telle que sa formation d’économiste ou de banquier ouest-africain lui permet de les concevoir. Yayi Boni était persuadé qu’un tel cadrage rationnel et technique était une condition suffisante pour redresser les comptes. Exploit qui, au vu de la profondeur abyssale dans laquelle ils étaient tombés tenait lieu à lui seul de preuve spectaculaire du changement. Alors la corruption dont il entendait profiter et qui était avec ses compères l’une des raisons de leur entrée en politique pouvait se donner libre cours sans états d’âme à l’ombre du redressement économique, comme l’envers d’une médaille brillante. Et de fait, les premiers résultats de la mise en ordre rationnel ont paru conforter son hypothèse et ses certitudes. Aussi, sans demander leur reste, comme le font les banquiers qui mélangent allègrement pertes et profit, nos compères du changement, armés de la bonne conscience que le service du peuple avait un prix, avaient commencé à manger le mil en herbe dans le champ emblavé de la corruption d’Etat. Ce caractère décomplexé, dynamique et totalitaire de la corruption est ce qui fait la différence avec les mœurs et méthodes artisanales du temps de Kérékou. Le résultat est là sous nos yeux : Dégringolade économique et sociale, pauvreté généralisée, paupérisation grandissante, misère, corruption à tous les étages, à la louche comme le dirait l’autre… A côté de ce tableau sombre et affligeant, quand on ajoute l’aspect purement politique marqué par la régression démocratique, la tyrannie, le régionalisme, et le populisme qui n’étaient pas vraiment à l’honneur sous Kérékou, on comprend que si celui-ci n’est pas le meilleur Président du Bénin sous le Renouveau, il n’est certainement pas le pire !
Aminou Balogoun
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