Dans une collectivité de 100 individus composée de 80 rouges et 20 jaunes, il est normal que ce soit un rouge qui soit élu pour représenter l’ensemble. Cette normalité relève d’un droit symbolique et logique dans la mesure où prévaut toujours le réflexe identitaire des couleurs. Par quelle sorte de mécanisme le fonctionnement de ce réflexe identitaire en vient-il à marcher de travers ? Eh bien, par rapport au jeu de calculs des courtiers politiques ; ceux qui dans les cercles régionaux et les cellules tribales détournent
le pouvoir d’influence sur une population dont ils sont issus, et qui de ce fait, obéit au doigt et à l’œil à leur volonté, avec l’aveugle certitude que cette volonté obéit à son tour à leurs intérêts les plus fondamentaux ; y compris leurs droits réels et leurs besoins symboliques intime d’être représentés par un des leurs. Mais le fonctionnement normal qui pour le peuple va de soi va de travers lorsque les détenteurs de pouvoir locaux privilégiant leurs intérêts personnels, réalisent qu’ils feraient meilleure affaire en contribuant à élire un individu d’une autre couleur régionale que la leur. Et sans souci de la normalité régionaliste qui malgré tout, continue de régner dans l’ensemble et dans le détail de la pratique politique, ils donnent les voix rouges au représentant issue de la partie jaune. Celui-ci élu président, leur propose des offres politiques défiant toute concurrence. Et ces marchands de saisons pourront d’autant plus facilement faire chanter leur clients que celui-ci, parti de rien, se sachant symboliquement et réellement minoritaire aura à cœur d’être à leur écoute : il les nommera Président de l’Assemblée, Président de la Cour Constitutionnelle, Médiateur de la République, Ministres, Président du Haut Conseil à la gouvernance concertée, etc.. sans souci du respect de la séparation des pouvoirs et de l’équité républicaine dans le partage des pouvoirs. Or, être à l’écoute d’une poignée de bienfaiteurs électoraux ce n’est pas la même chose que d’être à l’écoute des 80% d’une population dont ils ont vendu les voix sans états d’âme ni autre forme de procès. Le Président élu, sachant qu’il l’a été de manière directe sans intermédiaire du côté des jaunes se sent lié par un contrat et se met au service des 20% de la population qu’il représente de manière directe, effective et affective. Ainsi la magouille des vendeurs de voix n’aura servi qu’à eux-mêmes et au mieux au 20% de la population dont ils ne sont pas issus, tandis que les 80% de la population dont ils sont issus seront abandonnés à leur sort !
Ce qui est en cause ici, c’est le détournement autoritaire des voix d’une collectivité à des fins personnelles, un détournement de denier politique, qui préfigure le détournement de deniers publics en général. Il s’agit d’un crime éthique consistant à trahir le sens intime de la volonté de la majorité, à faire violence symbolique et émotionnelle à un peuple. Le fonctionnement régionaliste n’est pas idéal et mérite d’évoluer vers des pratiques et une approche plus nationale de la citoyenneté. Mais dans la mesure où la mentalité politique reste de part en part portée par le régionalisme, il vaut encore mieux que son fonctionnement aille à son terme logique plutôt que de s’abîmer dans le marais infect du marchandage des intérêts personnels. Cette aliénation électorale de la majorité qui opère par trahison est un source de frustration matérielle et symbolique. Le détournement autoritaire des voix du peuple au service de l’intérêt personnel est une pratique malsaine, égoïste, et foncièrement immorale. Le seul fait de s’autoriser à vendre pour son propre compte les voix du peuple sans demander son avis et contre ses intérêts réels est un acte crapuleux qui peut mener loin. Cette logique est de la même espèce que celle qui sous-tend l’exploitation politique des pays africains par les puissances étrangères alors même que depuis cinquante ans, ceux-là se proclament jour et nuit indépendants. Car c’est par la même technique d’aliénation électorale que les Blancs, notamment la France, pays occidental le plus passionné de néocolonialisme, les ex-colonisateurs, les milieux d’intérêts capitalistes parviennent à nous imposer les dirigeants fantoches, chiens couchants au service de leurs intérêts rétribués en os à ronger, pendant que le peuple exploité, pillé, ruiné est abandonné à son malheur.
Comme on le voit, le régionalisme bien assumé peut faire barrage à l’asservissement national par les puissances occidentales et capitalistes avides d’exploiter l’Afrique ; il peut être un cadre et un terreau du sentiment national. Le fonctionnement régionaliste sain et méthodique est une étape provisoire vers la maturité nationale. En revanche ce n’est pas parce que le détournement des voix du peuple court-circuite la logique régionaliste en donnant l’apparence de se situer dans l’optique d’un indifférentisme national que l’unité nationale est préservée ou que les règles de la démocratie sont observées. Bien souvent, un tel dévoiement est un détournement de ressources politiques qui préfigure le détournement de deniers publics, l’enrichissement personnel, et l’accaparement du pouvoir par une minorité pendant que la majorité du peuple, quelle que soi sa couleur et sa région est crapuleusement abandonnée à son propre sort
Béatrice Adimalèto
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