Mon Idéo va, Court, Vole et Tombe sur….
La Métaphore Émergentielle au Secours des Sinistrés
En toute chose que fait Yayi Boni, il faut donner l’impression que l’on déploie des moyens nouveaux pour illustrer une volonté nouvelle. Même lorsqu’en politicien qui se respecte, l’on se fout de la gueule des populations – comme dans le cas de la problématique récurrente des inondations de Cotonou – il faut donner l’impression qu’on compatit, qu’on regarde, qu’on étudie la question sous un angle nouveau ; même si le mépris des populations et de leurs
problèmes restera immuablement le même et donc peu original. Et puisque l’émergence de poche à la béninoise prônée par Yayi Boni, à défaut d’être réelle de chez Réel, ( les Dragons d’Asie, ou les nouveaux
BRIC, par exemple), a choisi d’être métaphorique et poétique, elle s’immole tout entier dans l’image de tout ce qui est aérien. Car Émerger s’est s’élever au dessus de soi-même, et le ciel est l’endroit idéal pour signifier ce geste. En fait, pour Yayi Boni on n’émerge pas pour soi, mais on émerge pour les autres, pour que tout le monde nous voie émerger. Ainsi l’hôpital n’émergera pas de ses problèmes, ni le panier de la ménagère de son indigence préoccupante ; mais en revanche, les ponts supérieurs et autres
échangeurs eux, oui ! Voilà les vrais indicateurs de l’émergence façon Yayi Boni ! Le dernier symbole de cette métaphore du surplombement reste l’avion Présidentiel, puisqu’il allie l’inédit, qui est un des aspects du discours yayiste de l’émergence avec la hauteur, l’aérien qu’incarne l’avion, ce vaisseau du ciel promis à toutes les libertés ! Avec ce joujou aérien par nature, Yayi Boni frappe un coup fort dans son dévolu jeté sur les symboles aériens de l’émergence. Comme si l’émergence jurait avec ses preuves réelles terrestres pour ne pas dire terre à terre. Le même parti-pris céleste de la métaphorisation de l’émergence explique l’approche inédite du rituel annuel de compassion avec les sinistrés des inondations qui est proposée cette année : le survol des zones sinistrées. Survoler les sites ça fait sérieux, technique, high-tech, émergent ! Pendant qu’à terre la masse du peuple nage dans les marécages et les torrents. Yayi Boni troque les bottes du promeneur dans les eaux contre un vaisseau aérien. Plus que
Jésus qui a marché sur les eaux, le Messie du Changement se paie une promenade dans les airs. Façon de prendre de la hauteur. Mais, question impertinente : se foutre de la gueule des sinistrés comme le font depuis des dizaines d’années les hommes politiques, mais cette fois-ci de façon un peu plus sophistiquée, résout-il les problèmes concrets des pauvres gens ? Les fait-il émerger des eaux boueuses de la réalité? Les protège-t-il contre l’inondation ? Les met-il à l’abri des maladies et autres dégâts causés par les eaux ? Rien n’est moins sûr. Certes, l’esthétique propagandiste aura trouvé avec cette approche aérienne des problèmes concrets du pays un style séduisant. Mais le peuple vit-il de séduction et d’eau fraîche ?
Eloi Goutchili
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