Si on met de côté ce qui a empiré, on peut se demander ce que le Changement de Yayi Boni a amélioré depuis 2006 ; ce qu’il a changé au sens ordinaire où on entend ce mot. Car dans l’absolu, changer ne veut pas forcément dire changer en bien.
Et dans le cas de Yayi Boni, on ne voit rien, ou si peu. L’homme bouge beaucoup, certes. En revanche, le changement en mal saute aux yeux, et n’est pas une vue de l’esprit. Ce changement-là a réintroduit un climat d’insécurité au niveau des libertés ; et – avec la crise qui n’explique pas tout – un climat d’insécurité économique qui pèse sur la société. Cette insécurité est celle des actions violentes voire meurtrières des bandits qui frappent comme bon leur semble, et dans une impunité qui n’est pas sans rappeler celle de la corruption qui règne dans les sphères de l’état. Enfin, l’insécurité est aussi celle qu’instaure la misère qui ronge sans distinction toutes les couches de la société, au sort desquelles le changement n’a rien changé de convaincant.
La démarche est mesquine, étriquée, matérialiste et échoue à être à la hauteur des exigences d’un changement en profondeur, d’un changement maîtrisé, partagé, collectif. Du reste, il s’agit d’une conception héroïque du changement dont le Président se veut l’acteur unique. C’est vraiment bizarre ; mais depuis trois ans, nous sommes enfermés dans cette bizarrerie, sans pouvoir dire : « Halte cher Monsieur ! Le changement est chose collective ou n’est pas ! » Toutes ces actions à visée ostentatoire ne suffisent pas pour parler de changement. Et il suffit d’aimer son pays et sa race pour le sentir; il suffit de vouloir que la tendance tragique qui a marqué leur histoire depuis des siècles prenne définitivement fin pour donner au mot changement une autre valeur, une autre orientation, un contenu plus noble.
Donc, on trouvera difficilement du côté des actes positifs ce qu’on pourrait mettre à l’actif du changement. Comme ces choses ne sont pas légion on est amené à procéder à l’examen systématique des choses qui ont changé depuis 2006. Et alors en dressant leur tableau on voit pléthore de choses qui ont changé de mal en pis. L'inventaire révèle que leur dénominateur commun est une espèce de vice éthique, qui était au cœur du noyau de l’aspiration populaire au changement : Probité et refus de la corruption, justice sociale, égalité devant la loi, liberté, progrès intellectuel et culturel, refus de la politique politicienne, paix sociale, préservation des idéaux et acquis du Renouveau Démocratique, Unité nationale, rejet du régionalisme, etc.
Peut-être que le coeur de ce vice, marqué surtout par le culte caurique de l’argent roi est-il dû à l’origine professionnelle du Président : Banquier ; un homme sans stature intellectuelle et culturelle plausible, si on excepte la mise en avant risible d’un doctorat du 3ème cycle, qui ne garantit rien ni en termes culturels ni intellectuels ; un homme sans envergure morale si on excepte la référence douteuse pour ne pas dire machiavélique à Dieu, l’auto-proclamation en tant que Messie, ou l'influence vicieuse des évangélistes sur la politique et les rouages de l’état.
Donc jusqu’à preuve du contraire, le changement façon Yayi Boni apparaît comme un changement de mal en pis. On se demande qui a poussé l’homme de mars 2006 à basculer dans cette logique sinistre. Est-ce une actualisation de sa personnalité ? La conséquence de la récupération des rapaces politiques qui ont fait main basse sur le Changement ? Ou, Monsieur Yayi a-t-il été acculé à cette dérive par ses ennemis politiques ? Le constat de cette tendance perverse est d’autant plus affligeant qu’il est indéniable. On pourrait en faire un inventaire à la Prévert, mais la meilleure façon de l'objectiver est encore de l'exposer dans un tableau ordonné :
Faits de Changement de mal en pis |
Exemples concrets |
Régionalisme et tribalisme exacerbé |
Nominations loufoques et souvent régionalement orientées |
Clientélisme systématisé |
Marcheurs stipendié |
Culte de la personnalité réactualisé |
Le Messie/Président le Sauveur du Bénin |
Intolérance politique renforcée |
Les récentes déclarations du Ministre FAGNON à Dassa |
Violence politique accrue |
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Atteinte grave au Libertés individuelle |
Emprisonnement d’Andoche Amègnissè |
Instrumentalisation des Institutions républicaines |
Cours Suprêmes/Cours Constitutionnelle, Préfets, Armée, délégués militaires aux ordres... |
Banalisation du culte de l’Argent |
Culture Cauris |
Corruption active généralisée |
Fonds d’escorte non budgétisés entre avril 2006 et décembre 2008 |
Marchandisation de la vie politique |
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Non-respect des Règles démocratiques |
Refus d’installer les Conseillers |
Blocage de l’Assemblée Nationale |
M. Nago à la botte de Yayi |
Gabegie au sommet de l’Etat |
Voyage présidentielle à 100 Milliards ! |
Bavures de la Garde Présidentielles |
Tueries de Ouidah... |
Obsession maladive de la réélection |
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Conditionnement par l’argent des représentants religieux ou des collectivités |
Des Millions aux Rois et Représentants religieux |
Recyclage de criminels économiques |
Grands nombres de prédateurs économiques et politiques du régime Kérékou dans les cercles du Pouvoir |
Impunité sélective ou généralisée |
malversations financières à la SBEE, dirigée alors par les honorables Adjanohoun et Mr da Matha |
Aggravation de la situation socio-économique des Béninois |
Vie chère indéniable, pauvreté, difficulté de manger, de se loger et de scolariser ses enfants |
Précipitation dans les Décisions mal conçues |
Gratuité de l’Ecole ; des soins primaires, etc. |
Gouvernance concerté : vœu pieux, ou simple opération médiatique |
Coquille vide, poudre aux yeux |
Changement sans dimension éthique et théorique |
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Loin de promouvoir l’Intelligence et la culture, un climat de bêtise, marqué par la politisation permanente est promue pour manipuler les esprits et les contrôler |
Climat de bêtise, où la littérature réelle est éclipsée par les borborygmes insipides des ténors de la classe politique |
Monopolisation des médias d’Etat |
Nomination à la ORTB |
Mise sous contrat des médias nationaux |
Le Matinal, Fraternité, Golf Télévision etc. |
Elimination de la culture du débat dans la sphère publique et médiatique |
Seuls les Ministres et membres du Régime au pouvoir ont plus souvent accès aux médias |
Résurgence anachronique du propagandisme |
Cellule de Propagande du Changement |
Embrigadement de la Société civile |
Nomination/remerciement de ses acteurs-phares au gouvernement |
Chantage politique exercé sur les citoyens, les collectivités et partis politiques |
Menace largement mise en application de ne pas aider les régions politiquement défavorables au Président (exemple l’Ouémé) |
Achat de Députés, débauchage sauvage |
La Cas Gbadamassi |
Toutes ces choses et bien d’autres constituent la matière de ce qui a changé au Bénin sous Yayi Boni. Comme on le voit, il s’agit hélas d’un changement de mal en pis. Par rapport à l’ambition d’une nation désireuse de changer, la tournure des choses est malvenue. L’ambition d’un sursaut voire d’une mutation eu égard à notre passé méritait quelque chose de plus positif, de plus profond, de plus sincère et de plus intelligent. Par rapport à l’attente urgente du peuple en 2006 le changement signifiait tout autre chose que ce mélange de cynisme de « business as usual » de régression, de roublardise, de médiocrité intellectuelle et morale.
Certes, l’action de Yayi Boni n’est pas négative sur toute la ligne. Dans ce qui aurait dû être un plan sinon un espace de changement, il existe un point singulier qu'on a tendance à oublier : le redressement de la situation des comptes nationaux. Mais pouvait-on s’attendre à moins après la faillite économique et financière du régime corrompu de Kérékou ? Surtout de la part d’un homme qui s’affiche Docteur en économie ? Sans nul doute, ce point d’une positivité somme toute normale, peut-être considérée comme un changement si l’on considère le champ de ruine qu’était l’économie béninoise à la fin du règne du Général Kérékou. Pour autant, suffit-il à faire contrepoids au sombre tableau des nombreuses choses qui, depuis 2006 ont changé de mal en pis dans notre beau pays? Rien n’est moins sûr.
Binason Avèkes
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