AZANƉÉGBÉHO...l'histoire d'un jour DU : 07 MAI |
07/05/1972 |
Ahomadégbé succède à Maga à la tête du Conseil Présidentiel |
Une Succession sous Contrôle
Et pourtant cette succession qui n’alla pas à son terme a failli ne pas avoir lieu.
Malgré ses demi-échecs en matière de coup de force, et surtout après sa condamnation unanime par l’Armée de son action solitaire contre le Président Emile Derlin-Zinsou le 10 décembre 1969, le Colonel Kouandété, devenu Secrétaire-Adjoint à la Défense n’avait pas encore dit son dernier mot. Il projetait de mettre un coup d’arrêt à l’expérience politique du Conseil Présidentiel. Le coup de force était prévu pour décembre 1971.
Il faut dire que grâce à Justin Ahomadégbé, le Colonel Paul-Emile De Souza avait remplacé le même Kouandété, au poste stratégique de Chef d’État-major de l’Armée.
Pour atteindre son objectif, le Colonel Kouandété avait mis en place une bande organisée de comploteurs à sa solde, composée notamment du sergent-chef Agboton Fabien, du Capitaine Lucien Glèlè, ancien aide de camp du Président Zinsou, du lieutenant Kitoyi Arcade Romuald, du Soldat Moumouni, de l’Adjudant Emmanuel d’Almeida, du Capitaine Boni Pierre, et bien d’autres.
L’opération qui commença dans la nuit du 22 au 23 février prit très vite les allures d’un western ironique passablement brouillon. Le Sergent-chef Agboton, avec l’équipe armée par ses soins et qu’il dirigeait était chargé de se saisir de la personne du Chef d’État-major à son domicile. L’équipe avait aussi une autre mission : se saisir de la personne de l’Adjudant-chef Roger Hachémè, qui détenait les clefs de la poudrière.
Une autre équipe, dirigée par l’Adjudant Emmanuel d’Almeida devait se rendre à l’autre bout de Cotonou, au domicile du chef de bataillon Jean-Baptiste Hachémé, frère de l’adjudant-chef Roger Hachémè pour se saisir de sa personne au motif que Jean-Baptiste Hachémè était un homme du Président Ahomadégbé.
Mais sur le terrain, les choses ne tournèrent pas comme prévu. On pourrait même dire qu’elles tournèrent à la bérézina.
Fabien Agboton, aux environs de 05 h déclenche son action en allant frapper au domicile du Chef d’État-major. Une rafale de mitraillette accueillit son intrusion inopinée. D’un coup d’épaule, le soldat Commando-gorille Moumouni qui était avec Agboton, brisa la porte d’entrée de la maison, où il pénétra en tirant des rafales de mitraillette dans tous les sens.
Des appels à l’aide venant de la maison emplissent le petit matin. Un long silence pesant s’ensuivit puis des cris d’enfants appelant « Papa ! Papa ! » remplirent le pavillon.
Le Soldat Moumouni ne reviendra pas vivant de cette folle équipée. Après s’être introduit par effraction dans l’appartement, au moment où il se dirigeait vers les chambres intérieures, en passant devant le W-C sans se douter de la présence du Chef d’État-major qui s’y était réfugié, celui-ci l’abattit.
La nouvelle de sa mort n’avait été apprise par ses compagnons qu'une fois revenus au camp Guézo, après ce qu’il faut bien appeler un "sauve qui peut" lamentable.
Bien que l’alerte fût donnée pour la circonstance, l’Adjudant Fabien Agboton, n’en démordit pas pour autant et se rendit comme si de rien n’était chez l’Adjudant-chef de bataillon Roger Hachémè. Celui-ci sans méfiance ouvrit la porte de sa maison où son hôte impromptu lâcha une rafale. Le Chef de bataillon chercha à s’emparer de l’arme de son assaillant. C’est alors qu’une lutte farouche s'engagea entre les deux hommes.
Voici comment le Lieutenant-colonel Philippe Akpo témoin privilégié de ces événements narre¹ la scène de cette lutte à mort entre les deux hommes
« Sur le point d'être abandonné par ses forces, Agboton, pour mettre son adversaire hors de combat, n'a d'autre solution que d'arracher avec ses dents, le nez et l'une des oreilles de l'Adjudant-chef Roger Hachémè. Sous l'effet de la douleur, Hachémè devait relâcher sa prise et les deux protagonistes s'étaient relevés, couverts de sang. »
Toutes ses oreilles et nez arrachées l’étaient en pure perte car il était évident que la folle équipée avait encore une fois tourné au fiasco. Tout ce beau monde devait être ramené à la raison.
Les Unités de Ouidah, mises en alerte, s'étaient rendues directement à l'Etat-major pour se mettre aux ordres du Chef de Bataillon Mathieu Kérékou, Chef d'Etat-major adjoint.
A midi, le Colonel Kouandété était arrivé au Poste de Commandement PC insurrectionnel, transféré pour la circonstance dans le bureau du Médecin Capitaine BONI Pierre. Il avait alors été arrêté par les mutins de transformer leur coup d'Etat en un mouvement insurrectionnel dirigé contre le Chef d'Etat-major, jugé incapable de conduire les forces armées. Les prétextes à l'appui de leur action seraient multiples comme par exemple : la critique des nominations, des stages et avancements, les salaires. Comment expliquer alors qu'il ne s'agissait pas d'un coup d'état avec les mêmes éléments du 10 décembre 1969 qu'étaient KOUANDETE, Kitoyi et Agboton ?
Quelles que furent les raisons avancées à cette mutinerie, il fallait y mettre fin, et le Chef de Bataillon Mathieu Kérékou, s’employa à la faire, avec maîtrise et sans effusion de sang.
Le Conseil Présidentiel était sauvé : Ahomadégbé peut succéder sans entrave au Président Hubert Maga comme prévu. Mais le salut était provisoire et en trompe-l'oeil. L’un des acteurs majeurs de cette transition, le Chef de Bataillon Mathieu Kérékou, en amenant les mutins à résipiscence, avait réussi en toute discrétion la mise en scène de l’avant première de son entrée en scène politique. Mais cela est une autre histoire...
Binason Avèkes.
¹.Rôle et implication des Forces Armées Béninoise dans la vie politique nationale ; Lt-colonel Philippe Akpo ; Editions du Flamboyant, 2005
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