LETTRE OUVERTE DE L'HONORABLE ASSANE SEIBOU
À tous les amis du Président YAYI
À tous les Béninois,
MES RAISONS D’INVOQUER LE DEPART DE YAYI
J’ai suivi le parcours du président Boni YAYI depuis quatre ans. Comme chacun de ceux parmi vous qui ont soutenu sa candidature en 2006, et même des autres qui l’ont rejoint plus tard, je me sens quelque peu responsable de ce qui arrive aujourd’hui à notre pays. Et puisque nous serons bientôt appelés à nous prononcer sur le bilan du quinquennat et son éventuelle reconduction, je ne puis m’empêcher de jeter un regard sur la gestion de notre ami et frère commun en vue de forger mon opinion sur la question.
Cela revient à examiner les réponses du « changement » aux préoccupations des Béninois qui
lui ont accordé un vote massif, c'est-à-dire leur confiance quasi unanime, en mars 2006.
Je sais que vous aussi, vous vous êtes essayés à l’exercice. C’est pourquoi je me propose de partager avec vous mes analyses et les conclusions auxquelles je suis parvenu.
Il me paraît essentiel de commencer par rappeler tout à la fois les engagements pris par le président YAYI et l’état de la démocratie béninoise lors de sa prestation de serment.
Les promesses électorales n’engagent que ceux qui y croient, nous apprend la malicieuse boutade. Mais le parjure qui se dérobe de la sorte ne doit pas ignorer qu’il est toujours attendu sur les lieux du forfait. De plus, en Afrique, nous savons à quel point le faux serment, le mensonge et la duperie sont honnis, l’escroquerie politique ne faisant évidemment pas exception. Néanmoins, je ne tiendrai pas rigueur de tout ce que l’on a fait miroiter pendant la campagne électorale, je me contenterai des seules promesses faites ou renouvelées après la prise de fonction du président YAYI, étape à partir de laquelle l’intéressé semble avoir pris conscience des enjeux et des contraintes du pouvoir.
I- ETAT DES ACQUIS ESSENTIELS DE LA DEMOCRATIE BENINOISE ET DE LA BONNE GOUVERNANCE AVANT LE PRESIDENT YAYI BONI.
Chaque élection intervient dans une conjoncture particulière, dont les défis, politiques ou socio-économiques mais toujours spécifiques, inspirent et orientent le choix du candidat le plus apte à les relever, celui-ci devenant ainsi une résultante de la situation.
Avant l’avènement de Boni YAYI en 2006, le Bénin de l’ère démocratique avait connu successivement deux présidents élus au suffrage universel, Nicéphore SOGLO et Mathieu KEREKOU, qui ont, tour à tour, reçu du peuple des missions différentes conformes aux profondes aspirations nationales de l’heure.
Le président SOGLO prenant, en 1991, les rênes de l’Etat au sortir de la cessation de paiement, devait continuer le travail entamé sous la transition alors qu’il était Premier ministre. Il avait donc mandat, selon sa propre formule si lucide, de remettre le pays au travail, d’assainir les finances publiques, de rétablir, avec le concours du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, les grands équilibres macro-économiques, et d’amener le pays à renouer avec la croissance. Ce jargon d’école signifie pour le peuple, que le nouvel élu devait gérer le pays de façon que l’on paye régulièrement les salaires des travailleurs, que les affaires reprennent, que les paysans écoulent leurs produits, que le chômage recule, que la dette intérieure soit soldée, que les bailleurs reprennent confiance sachant que le Bénin peut désormais honorer sa dette extérieure, etc.
L’on doit, à l’inventaire, reconnaître que Nicéphore SOGLO a, en un seul mandat, tenu le pari, n’en déplaise à ceux qui estiment qu’il a bénéficié de facilités comme les primes à la démocratie.
Mais la mission de Nicéphore SOGLO comportait un second volet, purement politique, qui s’est bien vite révélé capital pour la classe politique, ainsi que pour de larges couches en plein éveil républicain. Il s’agit de la préservation des acquis politiques de la Conférence nationale des forces vives de février 1990. Le président SOGLO devait installer, respecter et assurer le fonctionnement harmonieux des institutions de la République (institutions de contre-pouvoir) dans le respect des règles démocratiques édictées par la Conférence nationale et la Constitution du 11 décembre 1990 qui en est issue. Il devait, en somme, entretenir l’atmosphère de démocratie apaisée voulue par le peuple béninois.
Nous savons ce qu’il en est advenu. La classe politique comme la société civile, tout en reconnaissant les incontestables réussites économiques, s’est aperçue que le président SOGLO s’écartait dangereusement des objectifs de ce second volet de sa mission. Il est vrai que la dérive autocratique gagnait progressivement le quinquennat, émaillée d’épisodes conflictuels entre les institutions de la République, puis entre le pouvoir et les formations sociales, jusqu’à la rupture consommée du consensus de la Conférence nationale.
Un front se profile sans tarder, aux allures de croisade démocratique, pour rechercher l’homme qui pouvait à la fois,
-consolider les tendances économiques réalisées sous SOGLO,
-assurer la (re)mise sur orbite, de façon rassurante pour tous, du jeu démocratique,
-et traduire en actes, toutes les recommandations politiques et économiques de la Conférence nationale.
A l’issue de l’élection présidentielle de 1996, Mathieu KEREKOU est désigné pour conduire ce chantier.
Lorsqu’en 2006 le président KEREKOU quittait le pouvoir, les Béninois ont reconnu l’œuvre accomplie et l’on pouvait considérer comme acquis pour le Bénin :
- le maintien de la croissance économique ;
- l’assainissement des finances publiques ;
- la bonne gouvernance démocratique, c’est-à-dire la tenue régulière des élections et l’installation à bonne date de toutes les institutions ;
- le strict respect de la séparation des pouvoirs (dans les faits et l’esprit) ;
- le respect scrupuleux de la liberté d’expression et d’association ;
- le libre accès aux médias publics …
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