Les Erreurs d’une Transition
Gbagbo devrait partir, en termes sainement démocratiques. Même si son mandat prolongé n’a pas été joui dans le confort présidentiel.
Mais le problème est qu’il doit remettre le pouvoir grosso-modo à ceux qui avaient pris les armes contre lui – et les soi-disant Démocrates qui, à peine tapis dans l’ombre, leur en avaient fourni les moyens et la logistique doivent s’en mordre les doigts – et qui, ce faisant, n’avaient pas rendu service encore moins montré fidélité à l’esprit de la Démocratie.
Mais il semble qu’aucune chance n’a été donnée à l’approche gradualiste du problème complexe de la crise ivoirienne où le maximalisme légitimiste n’a pas fait de quartier à la prudence psychologique, éthique ou philosophique.
Pis encore, nous sommes dans une configuration où Gbagbo doit rendre le pouvoir à l’homme par lequel la crise de l’alternance arriva, en tout cas l’homme-prétexte autour duquel elle se noua passionnément, Ouattara, son rival intime, pour ne pas dire son pire ennemi. Est-il écrit dans le Grand Livre du Destin que certains hommes doivent être nécessairement Président ? Pourquoi a-t-on cru devoir plaquer le schéma sud-africain comme si la crise ivoirienne avait la simplicité manichéenne de l’apartheid, et que Ouattara pouvait être comparé à Mandela ? Pour raison d’équité évidente, s’il fallait un Président “originaire du Nord” était-on obligé de se fixer sur Ouattara, l’homme sur le nom duquel la crise se cristallisa au point qu’il en devînt le symbole ? Ces questions sont d’autant plus décisives que les évolutions sociales, légales, idéologiques et politiques qui ont eu lieu durant la longue période de la crise ont permis de vider l’essentiel des doléances légitimes touchant à l’égalité sociopolitique des Ivoiriens. Mais il semble qu’aucune chance n’a été donnée à l’approche gradualiste du problème complexe de la crise ivoirienne où le maximalisme légitimiste n’a pas fait de quartier à la prudence psychologique, éthique ou philosophique. Il semble que ceux qui ont conçu et organisé l’alternance nécessaire au sommet de l’État ivoirien, que ce soit au niveau africain, ivoirien, onusien, français et même françafricain, encore une fois se sont lourdement trompés. Comme sous la houlette de la diplomatie de l’ombre française en 2002, qui s’est trompée avec les palabres et les décisions iniques, autoritaires et incohérentes de Marcoussis, où on choisit de sacrifier la Démocratie à la Paix, après avoir été les instigateurs de l’ombre de la guerre ; l’organisation de la relève et de l’alternance a péché par erreur psychologique non seulement parce qu’elle n’a rien fait pour prévoir et atténuer l’impact médiatique et symbolique de l’enchaînement de faits qui aboutit en l’état à donner le pouvoir à ceux qui avaient pris les armes contre un régime démocratiquement élu ; et notamment à l’homme qui en était le foyer passionnel ardent.
Le fait que Laurent Gbagbo retrouve face à lui en 2010 celui qui en 2002 avait promis de lui rendre le pays ingouvernable et qui grosso-modo tint parole, n’arrange rien dans le dénouement de la crise
Or c’est ce double état de choses qui fait blocage au niveau de Laurent Gbagbo. Et ce blocage est approprié comme un levier stratégique, puisqu’il devient pour Monsieur Gbagbo un beau prétexte pour jouer les Présidents à vie ordinaires que l’on voit parader dans les jardins fleuris de la vaste Françafrique.
N’aurait-on pas pu organiser les choses autrement en évitant les erreurs éthiques et psychologiques du passé ? Organiser les choses de façon qu’elles ne paraissent ni manichéennes ni aboutir à la résurrection programmée de ce qui fait crise. Pourquoi n’avoir pas pensé à l’hypothèse d’une troisième voie, et d’un troisième homme ? Le fait que Laurent Gbagbo retrouve face à lui en 2010 celui qui en 2002 avait promis de lui rendre le pays ingouvernable et qui grosso-modo tint parole, n’arrange rien dans le dénouement de la crise. Au contraire la situation est idéale qui permet au Boulanger d’Abidjan de prendre ses vessies pour des lanternes.
Prof. Adandopoji Bertin
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