Pourquoi est-il si difficile de mettre le travail en selle au Bénin ? Créer des unités de travail, dans le domaine agricole, pastoral, agro-alimentaire, PME, PMI, Tourisme, Services, etc. Pourquoi des générations entières d’hommes politiques se sont littéralement empalées sur ce problème fondamental décisif ? Souvenez-vous des 20 000 emplois de Tévoédjrè. Promesse à défaut de laquelle, l’homme a préféré le bon plaisir de la politique politicienne, les postes de médiateur, les honneurs et les mondanités, les situations confortables, les messes et les kermesses. Et Tévoédjrè n’est qu'un exemple. Avec la médiocrité corrompue de Kérékou on a vite fait d’oublier les efforts de Soglo pour aller dans le sens de cet éveil, de cette rédemption par le travail. Et pour faire oublier cette médiocrité inculte, Yayi Boni était censé reprendre la corde tressée par Soglo et la tresser mieux encore. Il est venu avec des promesses de changement, d’émergence et de faire de la corruption d’Etat, le « plus jamais ça » d’une nouvelle éthique du développement. Pour cela il joua au Docteur aussi bien en médecine d’un Bénin malade qu’en économie d’un Bénin exsangue. Il joua aussi à l’humble. Le peuple médusé vota pour lui en masse dans l’espoir qu’il était un véritable Messie. Mais très vite le changement s’est changé en eau de boudin. Le nouveau venu n’était obsédé que d’une chose : se faire réélire. Cette obsession a obnubilé sa pensée, et perverti complètement ses faits et gestes. Il a basculé très vite dans les mêmes travers. A passé tout son temps à emprisonner des ennemis plus ou moins imaginaires, à organiser des marches, à donner des millions aux religieux, dignitaires, chefs et roitelets, à aller plus dans le sens de la démagogie et du populisme que dans le sens de l’action exigeante telle qu’on l’aurait attendu d’un Docteur digne de ce nom. Ayant fait une fixation sur certains ténors de la vie politique, il ne voulait ni s’entendre ni dialoguer avec eux ; tout ce qui pouvait lui assurer qu’il était mieux aimé du peuple qu’eux était ce qu’il faisait. Il ne s’est jamais donné l’occasion d’avoir la sérénité requise pour mettre la pays au travail. Condition pourtant sine qua non du développement promis. L’homme qui avait été élu par le peuple afin de faire le moins de politique possible, ne jurait que par la politique, et la politique au sens péjoratif du terme, la politique politicienne. Dans cette insouciance, et cette trahison, les vices habituels de la politique béninoise, loin de disparaître se sont renforcés : corruption, gabegie, irresponsabilité à tous les étages.
Le Bénin est-il maudit ? Yayi n’a rien changé ; inexpérimenté et très présomptueux, il a reproduit en pire les travers et vices du passé. On pourrait dire que Yayi Boni n’y est pour rien et que c’est une question de mentalité. Toujours les mêmes tendances vicieuses à l’œuvre. Après avoir fait de grandes promesses, dans l’incurie, face à l’incapacité chronique de les tenir, de faire ce qu’ils doivent faire pour soulager la misère du peuple sinon apporter la prospérité tant rêvée – les hommes politiques se vautrent dans la politique politicienne, dilapident les biens publics, mènent une vie dissolue, s’enrichissent dans l’impunité. Les gens arrivent avec de bonnes intentions et, se rendant compte de la complexité de la tâche, glissent doucement vers le renoncement, se pervertissent au contact du pouvoir, basculent dans un hédonisme aveugle. Bacchanales et éthique de la jouissance. On bouffe le maïs en herbe; on mange la graine avant de semer, on mange le plant qu’on doit planter, sans états d’âme. Dans ces conditions que voulez-vous qui poussât ? Du vent !
Pourquoi cette incurie de nos hommes politiques ? Pourquoi substituons-nous la division à la vision ? La méfiance à la Confiance ? Est-ce dû à la paresse congénitale du Béninois ? Tout se passe comme si les politiciens ne feront plus bombance quand le peuple se mettra au travail ; comme si, si les choses marchaient bien dans le pays, les hommes politiques allaient perdre leurs sources de jouissance. En réalité, ce n’est pas “ comme si” : c’est exactement cela. Si l’analphabétisme recule, la démagogie reculera. Si la scolarisation avance, la liberté progressera ; le peuple se prendra mieux en main. Dans tous les pays du monde, la part du peuple dans sa prospérité est décisive. Les hommes politiques passent et le peuple reste, face à son destin : in fine, on a les politiques qu’on mérite.
Pour que cette libération du peuple par lui même soit possible, il faut prendre à bras le corps et relever un double défi. Premièrement celui du travail comme pratique et éthique de libération. Deuxièmement cette pratique et cette éthique doivent être axées sur le moyen et le long terme, et exercée avec constance, enthousiasme et ténacité.
Pour développer notre pays, le Bénin, ce qu’il ne fallait pas faire, c’est la démagogie, l’intolérance et le manichéisme : tout ce que le gouvernement Yayi a fait !
Pour développer notre pays, le Bénin, il faut l’Union Nationale, la Concertation, et l’Abnégation : tout ce que le gouvernement Yayi n’a pas fait !
De ce point de vue, le choix de Yayi Boni en 2006, aussi populaire fût-il, a été une monumentale erreur de casting.
Athanase Bodjrènou
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