Entretien avec Mgr André Padonou, Recteur de la basilique de Ouidah
Ouidah abrite la basilique parce qu’elle est la porte d’entrée de l’Evangile au Bénin et dans la sous-région»
Le samedi 09 mai prochain, la basilique de Ouidah aura 100 ans. A cet effet, le recteur de la basilique, Mgr André Padonou organise une série d’activités pour commémorer l’événement. A travers un entretien accordé à votre journal, il donne des précisions sur le déroulement des manifestations avec des notes historiques.
Le 09 mai 2009, la basilique de Ouidah aura 100 ans. Mgr André Padonou, comment est-ce que vous préparez ce centenaire ?
Cette préparation remonte de très loin. Déjà en 1989, la perceptive du centenaire était envisagée. Quand la basilique, du moins quand l’Eglise avait quatre vingt (80) ans, et que à cet âge là, le Pape Jean Paul II l’a érigé au rang de basilique mineur, la préparation s’est voulue plus sérieuse, même timidement, autour des années 2000 avec le Révérend Père Théophile Villassa, ancien recteur de la basilique. Il se souciait déjà de la réfection de la toiture qui était bien abîmée et qui laissait couler l’eau. Quand j’ai pris la relève en octobre 2005, c’était l’un de mes soucis aussi, l’un des dossiers dont j’ai hérité et que j’ai essayé de réactualiser en élargissant les horizons le plus possible. Et la phase très active de préparation remonte à juin 2008. Le conseil pastoral paroissial a été restauré d’abord et puis ensuite, nous avons eu la constitution d’un comité d’organisation du centenaire. Ces deux structures se sont mises au travail et l’année jubilaire a été ouverte le 08 décembre 2008 par une messe présidée par la l’archevêque de Cotonou son excellence Mgr Marcel Agboton qui a béni en même temps l’équipe d’intervention pour la réfection de la basilique. Les travaux de restauration ont effectivement commencé le 26 décembre 2008. A l’étape actuelle, je crois que les travaux sont presque terminés. Il reste quelques petites choses à régler notamment les travaux de finition, sinon la basilique est dans sa splendeur et elle fait d’avantage la fierté de Ouidah et celle du Bénin parce que c’est une œuvre d’Eglise, une architecture à grande valeur historique et touristique, culturelle également. Voilà les grandes étapes. Le gros investissement a porté sur la réfection totale de la toiture pour une bagatelle de cinquante deux millions (52.000.000) de francs environ. Nous avons fait des travaux de restauration, d’aménagement de l’intérieur, la peinture intérieur et extérieur, nous avons amélioré également la sonorisation qui était assez défectueuse, réaménagé la grotte en ravivant les peintures du paysage en y mettant aussi un peu de couleurs à travers les pierres.
Pourquoi le bâtiment est appelé basilique mineure ? N’est-ce pas un tout petit peu péjoratif ?
Cela n’a rien de péjoratif en ce sens que le titre de basilique déjà est grand. Ce n’est pas n’importe quelle Eglise qui a ce titre. On n’érige pas n’importe quelle Eglise, qu’elle soit cathédrale ou non, en basilique. Alors, ici, une demande a été faite par le Révérend Père Raimond Doma. De son vivant, il était directeur ici, et cela a été appuyé par l’archevêque de Cotonou d’alors, Mgr Christophe Adimon, puis son successeur Mgr Isidore de-Souza, certainement avec l’appui de son éminence le Cardinal Bernardin Gantin. Ouidah, en effet, est la porte d’entrée de la Bonne Nouvelle au Bénin, même dans la sous-région d’une certaine façon. Il y a même le texte d’érection qui, en introduction, présente cela. Donc, mineur, c’est par rapport aux grandes basiliques de Rome. Il ne s’agit pas de minorité/majorité au point de vu de l’âge ou de la grandeur. Les basiliques majeures, elles sont quatre ou cinq à Rome. Je ne pense pas qu’il y ait de basilique majeure en dehors de Rome. Même la basilique de Yamoussoukro a le titre de basilique mineure. On ne le dit pas habituellement. Celle de Rome, on l’appelle tout simplement basilique St Pierre de Rome. Même ici, mineure aussi, on ne le dit pas fréquemment. Donc, c’est par rapport à une certaine soumission à Rome. C’est par rapport aux grandes Eglises de Rome que toutes les basiliques, encore une fois extra-romaine ont le titre de basilique mineure.
Dans le programme, vous avez prévu un carnaval à travers la ville de Ouidah et une procession mariale également à travers la ville. Quelle sera la spécificité de chacun de ces déplacements hors de la paroisse ?
Tous cela constitue de grandes marches entre guillemet. Mais il ne s’agit pas de marche au sens politique. C’est un déplacement de population à travers la ville. Le carnaval a un caractère un peu plus profane. Là, ce sera un grand poster de la basilique sur une 404 bâchée, que nous promènerons à travers la ville avec des chants et danses. Par contre, la procession mariale se fera avec une statue de la Vierge Marie. Cette procession a un caractère purement religieux.
De quoi est constitué le programme du jour anniversaire du centenaire ?
En fait, le 09 mai est le sommet vers lequel nous tendions et puis ce sera aussi le sommet d’où nous descendrons vers le 08 décembre 2009, date à laquelle l’Eglise célébrera les 20 ans du sacre de la cathédrale en basilique. A 10 heures, il y aura la messe pontificale par des évêques, par des prêtes. Elle sera présidée par son excellence Mgr Robert Sarah, ancien archevêque de Conakry qui est actuellement le secrétaire de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples. Il viendra de Rome. Le soir à 17 heures, il y aura la bénédiction du très saint sacrement mais la fête va se prolonger jusqu’au dimanche matin. Nous avons réduit les messes dominicales à deux, dans la martinée. La grande messe, ce sera à 09 heures 30. Elle sera présidée probablement par le nonce apostolique près le Bénin et le Togo. A la sortie de la messe, il y aura une kermesse des jeunes et des enfants avec remise de lots. A 17 heures, il y aura la finale du football et la remise du trophée.
En face de la basilique, nous avons le temple des Pythons. Comment est-ce que vous cohabitez ?
Ici, on ne vit pas ensemble. On est face à face. On partage le même espace, la terre de la cité historique mais on ne cohabite pas. Disons qu’il y a une certaine coexistence. Le mot cohabiter me gène. On partage le même espace. Il y a un face à face architectural. C’est un fait d’histoire, certains en sont fiers, d’autres en tirent orgueil. Le sentiment qui m’anime face à cette mise en valeur de ce face à face, cela m’est indifférent en même temps qu’elle me gène un peu. Ouidah peu être considéré comme un modèle de pluralisme religieux pacifique. On s’entend bien. D’ailleurs c’est depuis toujours. L’amitié de Mgr Steinmetz avec nos frères et sœurs féticheurs d’alors est vraiment légendaire. Nous continuons dans ce sens, et là aussi, c’est la fidélité aux messages évangéliques et à la mission de l’Eglise.
Quand il s’est agit à Rome de construire une mosquée, le Pape Jean-Paul II a dit oui tout en demandant que les pays islamiques acceptent aussi que l’on construise des cathédrales, des Eglises dans leurs capitales, dans leurs villes. Donc, nous ne sommes pas contre. Mais ce qui peut être gênant, il ne faut pas croire que ce face à face permet tout. Je dis à mes fidèles ici: «Vous restez ici, dans la basilique ou bien vous allez là-bas, pour le culte. Pas de syncrétisme.» Je respecte beaucoup nos frères et sœurs de la religion traditionnelle. Ils le savent. Quand il y a des enjeux humanitaires, nous nous retrouvons à des cérémonies à la mairie, etc. Dagbohounoun était à la messe qui marquait l’anniversaire de décès, le 57ème je crois, de Mgr Steinmetz. Ils sont invités pour les festivités du centenaire. Il n’y a pas de problème. Ils nous reprochent de ne pas participer à leurs cérémonies aussi. Mais, ce n’est pas pareil. Quand eux ils viennent, nous, on ne fait pas de tapage autour. On en tire pas un orgueil affiché mais vous me voyez allez participer à une cérémonie du culte vodoun, les commentaires irons bon train. Il y a d’ailleurs des ombres sur l’amitié de Mgr Steinmetz avec les féticheurs. Il y a eu la thèse qu’il aurait pris le fa. C’est faux. Lui-même disait assez finement que pour prendre le fa, il faut y croire. Vous voyez bien donc que si on me voit sortir de chez Dagbohounoun à 22 heures tout juste pour aller le saluer, les commentateurs répandront: «Ah ! on a vue le curé qui sortait de chez Dagbohounoun à 22 heures…»
J’ajouterai aussi que, ce qui me fait mal par contre, c’est une certaine malhonnêteté intellectuelle et historique de certaines personnalités qu’ils soient politiques ou non qui parlent de retour et de recours à nos traditions religieuses. Mais nos traditions béninoises ne sont pas que religieuses. Il y les traditions vestimentaires, culinaires, etc. Alors, pourquoi c’est quand il s’agit de tradition religieuse qu’on trouve que le christianisme est importé ? Retournons à notre culture ! La cravate et la veste n’ont rien de béninois. La voiture non plus. Le moyen de transport béninois traditionnel, c’était la barque. La nivaquine, les perfusions… n’ont rien de béninois. C’est pour quoi je dis que nos traditions ne sont pas que cultuelles ni religieuses. Alors, pour moi, cela fait partie du bien universelle. Les progrès de la science, les progrès dans la religion, et si on y réfléchit bien, historiquement tous les peuples ont eu leurs idoles.
Ne soyez pas scandalisé que je puisse dire que le Bénin n’est pas le berceau du vodoun. Le vodoun, c’est le thème béninois des idoles. Les idoles ont toujours existé dans toutes les civilisations, j’allais dire primitives et agricoles. La Rome antique avait la divinité Lacustre, la divinité du vin. La Grèce avait la divinité Afrodite, la divinité de l’amour. La fête de Noël au 25 décembre est la christianisation d’une fête païenne, la fête du Soleil. Dans l’Ancien Testament, le peuple d’Israël s’était fait des idoles, etc. Il faudrait qu’on soit ouvert d’esprit, qu’on face preuve d’honnêteté intellectuelle, historique pour ne pas nous enfermer à une étape de civilisation que les autres ont déjà dépassé. Afrodite, Lacustres, Venus, etc. ne sont plus connues ailleurs. Si le christianisme est importé, c’est importé d’Israël, de Jérusalem pour tous les peuples. Jésus n’est pas Français, il n’est pas Italien, il n’est pas Romain. C’est là aussi une malhonnêteté historique.
Propos recueillis par Fortuné Sossa
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