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Pourquoi Yayi Boni a-t-il nommé un militaire dans son gouvernement ?
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Trois raisons peuvent expliquer un tel choix :
- Parce qu’en sa qualité de militaire, le Général Hessou est certainement bien placé pour s’attaquer aux problèmes de sécurité auxquels sont confrontés les Béninois au quotidien ; et la société tout entière dans son fonctionnement, son économie et sa vie politique. Les crimes crapuleux, les braquages et les vols à mains armées sont de plus en plus fréquents et de plus en plus violents. La sécurité du Chef de l’Etat elle-même défraie tristement la chronique aussi bien à travers les bavures qu’à travers des tentatives d’agression armée. Pour un pays soucieux d’émerger, le droit à la sécurité des personnes et des biens, n’est pas un luxe mais une nécessité incontournable, et il urge d’agir vite et bien en ce domaine. De ce point de vue, la nomination d’un militaire est conforme à l’esprit pragmatique du Président de la République qui entend mettre les personnes qu’il faut aux places qu’il faut. ffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffffff
- Parce que cette nomination est aussi un signe aux militaires qui avec le départ de Kérékou ont perdu un des leurs à la tête de l’Etat, et ont besoin de se sentir dans le jeu aussi bien en terme existentiel que d’avantages associés. Un ministre militaire dans le gouvernement c’est le signe qu’ils ne sont pas marginalisés, le signe qu’ils existent. Mais cette prévenance politique pose quelques questions non-négligeables. Doit-on traiter le destin politique des militaires comme on traite celui des femmes à travers la problématique de la parité avec des nominations symboliques ou représentatives au gouvernement ? Est-ce que le Général Hessou est pour les militaires ce que Madame Vicentia Boco est pour les femmes ? Jusqu’où doit s’arrêter la complaisance vis à vis des militaire au regard de l’histoire politique de notre pays ? Est-ce que, loin de marquer clairement l’apolitisme absolu des militaires, leur rapprochement de la sphère politique ne risque pas de leur donner des idées ? N’auront-ils pas le complexe de Dan ? Tout le monde connaît l’histoire du Danhomè : l’hôte ayant reçu un bout de terre de l’occupant, a continué à en demander jusqu’au moment où par convoitise, il finit par tuer celui-ci et « à construire son royaume dans son ventre. » Les militaires à force d’avoir un lopin de terre politique ne seront-ils pas tentés un jour de construire leur royaume dans le ventre de la constitution ? N'oublions pas que, avant de devenir Président de la République, le Colonel Soglo avait fait ses classes politiques dès 1960 dans le gouvernement du Président Hubert Maga qu'il renversera en 1963... aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa
- Enfin, au-delà de l’esprit pragmatique, le signe fait aux militaires à travers la nomination de l’un des leurs, fût-elle symbolique, s’inscrit dans une logique clientélaire, traduction d’un regard sur la société comme ensemble de catégories sociopolitiques qu’il convient à la fois de ménager et de rendre politiquement disponibles.
Pragmatisme ou clientélisme, les exemples d’une telle nomination et l’idée d’un gouvernement de technocrates ne sont toutefois pas nouveaux dans l’histoire politique du pays. Pour mémoire, rappelons que le Général Soglo, à son deuxième retour au pouvoir en 1965, avait formé un gouvernement de technocrates, constitué de cadres compétents tous civils ou presque : en dehors du Général Président de la République, seul le colonel Philipe Aho, Ministre de l’Intérieur et de la sécurité, était un militaire... Quarante deux ans après, l’originalité de la démarche de Yayi Boni apparaît donc comme relative…
Prof. Cossi Bio Ossè
Copyright, Blaise APLOGAN, 2007
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