Ma Chère Rozanne,
Tu me demandes ce qu’il convient de penser du désir, maintes fois réitéré, du chef de l’Etat de verser son sang pour le Bénin. De toute façon, sous ces dehors d’expression poignante de l’amour pour la patrie, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une rodomontade. Et cette surenchère rhétorique inspire deux réflexions distinctes. La première c’est qu’il s’agit d’un slogan guerrier à destination et à l’usage de ses concurrents pour 2011. L’air de leur dire : « Eh les gars, vous voulez le fauteuil ? Eh bien il va falloir que vous passiez sur mon cadavre avant, et être prêts à verser son sang. L’êtes vous ? Si vous êtes prêts je suis prêts…» Très hégélien ce discours, car la liberté selon Hegel appartient à celui qui peut donner la mort ou sa vie.
L’autre réflexion est basée sur la mystification inhérente aux proclamations ostentatoires de patriotisme par nos hommes politiques parvenus. Souvent nos compatriotes qui se la coulent douce dans le domaine politique doivent leur bonheur matériel et leur carrière au fait qu’ils sont citoyens du Bénin. Il y a des gens qui n’aiment le Bénin que parce que sous son couvert national, et souvent en tant qu’issus d’une région donnée, ils sont devenus directeurs d’une banque ouest-africaine, au titre de la candidature du Bénin. Et via ce poste, ils ont accédé à la Présidence du Bénin, ce qui leur a permis de réaliser à la perfection leur plan d’enrichissement personnel fulgurant. On comprend d’ailleurs que Yayi Boni, puisque c’est de lui qu’il s’agit, parle de verser son sang pour le Bénin. Au-delà même de la rodomontade, qui ne verserait pas son sang pour la source fabuleuse de son enrichissement ?
Tout le monde ne peut pas en dire autant. À l’accumulation insolente et disproportionnée des faveurs, des privilèges et des profits pour certains s’opposent la solitude, l’indigence nationale, l’infortune, et le laisser pour compte de la multitude de gens qui sont pourtant des Béninois ! Sans parler des gens plus nombreux qu’on ne l’imagine qui, loin de bénéficier de ces ponts d’or, ont dû emprunter les ponts de singe et le dur chemin latéritique de l’exil sans la moindre attention de l’État, de la Nation, de la Patrie, mots vides de sens pour eux.
Comme tu le vois, ma chère Rozanne, les proclamations ronflantes de patriotisme mesurées à l’aune de l’hémoglobine cachent en réalité des parcours, des discours, des motivations, et des fortunes différentes. Rodomontades ou dénégation symbolique, elles n’ont pas le même sens pour tout le monde. Cela va de soi et de pair avec l’égoïsme viscéral du Béninois.
Ahokponou Basile
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