1. En quelques lignes pouvez-vous nous dire Qui est Benoît Illassa ?
Je suis juriste et membre de la diaspora béninoise de France. J'ai été membre de l'une des toutes premières associations des béninois de France, B.S.V. (Bénin Solidarité Vie) alors que j'étais jeune étudiant à Paris. A l'époque, il s'agissait pour nous de lutter contre l'enfouissement des déchets toxiques dans la région d'Abomey, au Bénin.
Le Ministre de la santé de l'époque, André ATCHADE, a écouté nos doléances et le contrat fût rapporté.
J'ai été membre fondateur, à Cotonou, en 1997, du Haut Conseil des Béninois de l'Extérieur (H.C.B.E.). Je suis aussi membre fondateur du Conseil des Béninois de France (C.B.F.) dont je suis toujours le Délégué à l'Organisation.
Lors de la Conférence Nationale des forces vives de février 1990 au Bénin, j'étais un très proche collaborateur du Président Emile Derlin ZINSOU. Je garde une solide amitié et un profond respect pour le Président ZINSOU qui m'a reçu plusieurs fois aussi bien à Paris qu'à Cotonou.
Dans les années 2000, j'ai été le Vice-président du comité de soutien en Europe du candidat Mathieu KEREKOU. En 2001, j'ai été son représentant personnel au bureau de vote de Paris. Après sa réélection, je suis retourné dans la vie civile pour retrouver mon passe-temps favori: le travail dans l'ombre. Je fais partie de ceux que le Général Mathieu KEREKOU appelait "les visiteurs de nuit..."
Comme vous pouvez le constater, même loin du pays natal, tout ce qui concerne le Bénin ne m'est pas étranger.
2) Vous êtes Poursuivi pour diffamation devant le Tribunal de Grande Instance de Paris par Monsieur YAYI Boni pour avoir repris une information préexistante ; pourquoi cet acharnement sur votre seule personne et comment se présente le procès qui va s'ouvrir ?
J'aborde sereinement ce procès et je prends à mon compte ces mots du Doyen Olympe Bhêly Quenum : En s'abstenant de s'en prendre à une publication de l'ex-puissance coloniale, mais en me faisant comparaître devant la justice française parce que mon blog a publié des faits qui le concernent, Boni YAYI justifie une "idiosyncrasie" de son régime à cause de sa haute main sur l'information et la justice...
Pour le reste, je fais entièrement confiance à la justice de mon pays d'adoption.
3) Il paraît que vos relations avec Yayi Boni n'ont pas toujours été tendues, pouvez-vous nous en faire un bref historique ?
Le Président Boni YAYI est un frère de sang comme diraient certains. Lorsqu'il était à la B.O.A.D., nous correspondions. Ses cartes de vœux trônent encore dans mon salon. Boni YAYI n’accepte pas les contradictions et surtout les débats d'idées. Il n'aime que les béni-oui oui. Ce que je ne pouvais être eu égard à ma personnalité et à mon parcours. Je vais vous faire une confidence.
En avril 2006, quelques semaines seulement après la prestation de serment du Président YAYI, je me suis rendu à Cotonou au domicile du Président E.D. ZINSOU pour prendre la température du nouveau régime. Le Président ZINSOU m'a confié:
«Le Président YAYI nous a viré du palais comme des malpropres (le Président Zinsou, Conseiller diplomatique du Président Kérékou, avait un bureau au palais). Alors que j'ai fait la campagne pour lui, je ne comprends pas cette ingratitude...»
Lors d'une seconde visite, le Président E.D. ZINSOU confirme ses premières impressions et ajouta: «il ne consulte personne...»
Je vous passe la rupture avec son ancien ami d'enfance, le Dr. Tchalla Sarè, qu'il a humilié dans les conditions que l'on sait!
Personnellement, je n'ai aucune haine contre l'homme Boni YAYI. Mais, je combats avec la dernière énergie ses méthodes de gouvernement et le choix qu'il fait des hommes.
4) Votre Blog est très connu et lu par beaucoup de Béninois, pas seulement les opposants au pouvoir de Yayi. Ce procès, médiatiquement parlant, n'est-il pas du pain béni pour vous ? L'avez-vous provoqué ?
C'est le Président YAYI qui m'a taillé un costume inespéré car il me considère désormais comme son premier opposant dans la diaspora. Pour la petite histoire, ce sont les thuriféraires de Boni Yayi qui m'ont poussé à créer mon blog. Je m'explique. J'étais sur un forum appelé "tchabè-bénin". C'est un forum fermé qui est réservé exclusivement aux seuls ressortissants de l'aire culturelle tchabè (région de Savé au centre du Bénin dont se réclame, du moins par sa filiation paternelle, le Président Yayi). Très vite, ce forum est devenu la caisse de résonnance des partisans du Président. J'étais l'un des seuls à y apporter des contradictions au niveau des débats d'idées pour un enrichissement mutuel. J'ai été exclu du forum à la demande expresse d'un Ministre du gouvernement de Boni YAYI. C'est dans ces conditions que j'ai alors décidé de créer mon blog pour faire triompher mes idées et faire pièce à l'intolérance des adeptes de la pensée unique.
5) Comment appréciez-vous l'aveu de la partie adverse selon lequel le procès serait politique. Appartient-il à une juridiction étrangère, en l'occurrence française, d'accueillir un procès politique béninois ?
Effectivement, l'assignation relie le grief de diffamation à mon engagement politique dans le but de porter atteinte au citoyen Boni Yayi dans le cadre des élections du printemps 2011 au Bénin. Il s'agit là d'une maladresse des conseils du sieur Boni Yayi. Cet aveu facilite ma défense et fragilise l'acte d'accusation. Juridiquement, étant citoyen franco-béninois, Yayi avait la possibilité de m'assigner devant les tribunaux béninois. Il a choisi de saisir les tribunaux français pour deux raisons, à mon humble avis. Primo, j'ai ma résidence habituelle en France. Secundo, le siège de l'hébergeur de mon blog se trouve à Toulouse. De toutes les façons, je suis satisfait d'être assigné en France. Assigné devant les tribunaux béninois aux ordres, je risquais de subir le sort peu enviable des Fagbohoun, Adihou, Adovélandé, Amégnissè et consorts.
Pour le reste, permettez-moi de ne pas dévoiler ma stratégie de défense dont je réserve la primeur au juge.
6) Au-delà de l'aspect politique, est-ce que vous n'êtes pas surtout victime de cet acharnement de Yayi contre les medias qui ne l'encensent pas ? Comment expliquez-vous cette hypersensibilité presque maladive de Yayi Boni aux médias et à son image dans les média ?
Vous savez, au niveau international, mon assignation fut le premier acte d'une série d'actions savamment orchestrées par le sieur Boni Yayi et son gouvernement. Depuis, il y a eu les censures de R.F.I., etc. L'effet boomerang s'est retourné contre les change-menteurs. Avec l'affaire dite ICC Services, notre pays occupe depuis plusieurs semaines la rubrique des faits divers de la presse internationale. Yayi a non seulement sali son gouvernement, mais plus grave, il a entraîné tout le Bénin dans la boue. "Le quartier latin de l'Afrique" est devenu la risée de tout le monde entier.
7) Votre opposition à Yayi Boni a un côté prémonitoire. Vous êtes le premier à le qualifier de "Roi Boni 1er" soulignant par là ce qui apparaîtra à beaucoup comme ses penchants dictatoriaux et tyranniques. D'où vous vient cette acuité prémonitoire ?
C'est vrai, à mon corps défendant, je réclame la paternité de ces trois mots qui caractérisent la monarchie absolue qu'est devenu le Bénin sous le règne du souverain Boni Yayi. Vous savez, je suis un observateur attentif de la vie politique africaine en général, et celle du Bénin en particulier.
En 2006, les Béninois ont plus voté pour le rejet du Général Mathieu KEREKOU que pour l'adhésion à Boni Yayi. Sinon, cet inconnu aurait remporté les élections présidentielles dès le premier tour. La preuve, il a du négocier le ralliement des partis politiques solidement implantés pour l'emporter au second tour. Ce qui prouve au demeurant qu'il n'y a pas de génération spontanée en politique.
Alors que les Béninois l'ont élu pour venir développer le pays, il s'est vite transformé en autocrate en voulant caporaliser tous les Béninois. On se souvient encore des procurations faites à certains députés pour avoir une majorité artificielle à l'Assemblée Nationale. On se souvient encore de l'achat des consciences et de l'irruption sur la scène politique des adolescents politiques pour insulter notre intelligence collective.
Souvenez-vous de ce qui s'est passé au Congo avec le Professeur LISSOUBA et en Côte d'Ivoire avec Laurent GBAGBO. C'est à croire que chaque fois que les intellectuels arrivent au pouvoir, le peuple trinque. Aucun militaire arrivé au pouvoir n'a fait autant de morts dans aucun pays africains que dans ces deux pays. La raison est simple. On confond le consensus national avec l'embrigadement à pas forcés. Le seul intellectuel-Président qui échappe à ce scénario est WADE du Sénégal. Et pour cause ? Avant d'arriver au pouvoir, il a patiemment construit un parti politique et fait plusieurs fois la prison dans son pays. Yayi est un enfant gâté qui a toujours tout obtenu sur un plateau. Né avec le chiendent dans la bouche, il a aujourd'hui pris un goût prononcé pour la cuillère en argent.
À la veille des élections de 2011, tous les démocrates béninois doivent rester vigilants. On peut tout reprocher au Général Mathieu Kérékou sauf une chose. En effet, c'est lui qui a bâti la nation béninoise. Malheureusement, aujourd'hui, on assiste à un repli identitaire des années postindépendance qui ont permis à d'autres de nous affubler du qualificatif de l'enfant malade de l'Afrique. Comme en 1990, le génie béninois nous aidera à conjurer le mauvais sort que Yayi et sa bande nous promettent.
Propos recueilli par Binason Avèkes
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