Les Béninois se sont trompés en 2006 en choisissant Yayi Boni comme président. Il s’agit-là d’un truisme. Et Pourtant, on ne peut pas les en blâmer sans appel. Leur choix partait d’une bonne résolution : la volonté de tourner la page Kérékou, de libérer les compétences, de changer les travers et les mœurs de la vie politique qui ont prévalu jusque là, de mettre le pays enfin au travail. Les Béninois rêvaient de quelqu’un de suffisamment non-politicien et de techniquement qualifié pour impulser la mise en orbite économique du pays, mettre en mouvement le cercle vertueux du développement et briser l’élan du cercle vicieux de la médiocrité, de la misère, et de la corruption d’Etat. Le projet était ambitieux, mais sous ses dehors pragmatiques, il est aussi paradoxalement idéaliste, précisément dans la démarche consistant à appeler aux commandes d’un pays, un homme totalement novice en politique. Sur ce point précis, les Béninois se sont trompés, aussi bien sans doute dans l’idée qui consiste en politique à vouloir faire table rase des professionnels et à leur préférer des technocrates comme sans doute dans le choix de la personne de Monsieur Yayi Boni ; un homme qui n’était pas seulement inconnu mais qui s’est révélé fourbe et dissimulateur, et donc qui a trompé son monde à la fois sur ses capacités, sa moralité et sa personnalité. Or ce genre d’erreur d’appréciation est très grave en politique.
Celui que les Béninois croyaient humble s’est avéré arrogant et narcissique ; celui qu’il tenait pour Docteur éclairé n’est qu’un obscur bas-bleue de l’économie ; celui qu’il prenait pour un démocrate n’est qu’un tyran dans l’âme ; celui qu’il prenait pour un homme ouvert n’est qu’un autoritaire. Celui qu’ils croyaient suffisamment non-politicien pour ne s’atteler principalement qu’aux nobles tâches du développement, n’a eu de cesse de rattraper son inexpérience en politique. Et de ce fait, il s’est avéré pire politicien que ceux dont le peuple pensait se défaire à bon compte. A voir le contenu de la mission expresse que le peuple lui a assignée, on ne peut pas dire que l’ordre ancien, les mœurs anciennes, les abus d’antan, les méthodes et mentalités du passé aient en quoi que ce soi disparu, bien au contraire ! Le cas de la corruption est un exemple à la fois troublant et consternant. Pourquoi les hommes politiques volent-ils à tous les coups, et pourquoi celui qui a été élu sur la promesse d’arrêter l’hémorragie, non seulement a très vite oublié sa promesse mais a pris un malin plaisir à en décupler le débit ? Il doit y avoir une raison secrète inconnue du citoyen ordinaire presqu’une raison d’Etat qui rend l’éradication de la corruption d’Etat un vœu pieux, et une impossibilité pratique. 10 ans de Kérékou et 5 ans de Yayi Boni en ont donné la preuve ! Ceux qui promettent de mettre fin à ou tout au moins de combattre le fléau sont au mieux des enfants de cœur ou des plaisantins et au pire des chevaliers d’industrie déguisés.
Dans le cas de Yayi Boni, la trahison de l’essentiel du contrat éthique passé avec le peuple en 2006 tient au fait qu’un soi-disant non politicien tend à combler ses lacunes en politique et finit par basculer dans l’excès contraire. Cette vérité vaut d’ailleurs pour toutes les tentatives de substitution d’un novice à un professionnel de la politique. Mais ce qui renforce la spécificité du cas Yayi c’est le faciès moral et psychologique de l’homme. Son côté dissimulateur a contribué à berner le peuple et ses soutiens politiques, et plus d’un est tombé de haut. Mais il y a surtout le narcissisme du type, ses références culturelles et idéologiques surannées qui, en conflit avec les règles de base de la Démocratie, l’ont poussé à faire de sa réélection un absolu. Un absolu, c’est-à-dire quelque chose qui passe avant toute considération morale, institutionnelle, constitutionnelle et même – Ô paradoxe ! – avant ce qui a fait sa fortune politique miraculeuse : la promesse du changement éthique en politique !
Prof. Cossi Bio Ossè
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