C'est une chose merveilleuse que la FIFA ait donné la Coupe du Monde à l'Afrique. Nous devrions les féliciter pour leur prise de position courageuse. Néanmoins, il est très improbable qu'une équipe africaine remporte le tournoi. Ceci s'explique par deux phénomènes latents qui étouffent le développement du football africain : le racisme et la corruption.
Au cours de la dernière Coupe du Monde en Allemagne, je me suis assis avec deux fonctionnaires de la délégation ghanéenne - Sam Arday et Cecil Jones Attuquayefio. Ces derniers ont connu un immense succès en tant qu'entraîneurs à l'échelle nationale et internationale. Ils ont remporté une Coupe d'Afrique et une Coupe du Monde des moins de 17 ans ainsi qu'une médaille olympique. L'entraîneur de l'équipe nationale du Ghana était alors étranger (serbe). Au cours de cette Coupe du monde 2006, le parcours de l'équipe nationale serbe a été un désastre. Ils ont même perdu un match 6 à 0. Le sélectionneur serbe venait d'annoncer son départ. J'ai donc suggéré à Jones et Arday d'envoyer leur CV par télécopieur à la Fédération Serbe de Football. Ils ont ri. Mais il y avait un côté douloureux dans leur rire. Le fait que des entraîneurs africains soumettent leur CV à une équipe européenne est encore considéré comme une plaisanterie, même lorsqu'ils ont l'expérience et les médailles d'un Arday ou d'un Attuquayefio.
L'hypothèse actuelle mais non assumée qui court dans le monde du football peut se résumer ainsi : "Certes, il y a une génération de joueurs africains fantastiques. Certes, leur talent naturel est incroyable. Mais leur talent ne se développe correctement que lorsqu'ils rencontrent les conseils avisés d'un entraîneur sérieux, blanc". Cette vision "à la Babar" élude la question de savoir comment tant de bons jeunes joueurs ont pu se développer. C'est ce racisme qui frappe encore le sport en Afrique. Cela explique pourquoi toutes les équipes d'Afrique subsaharienne qui vont prendre part à cette Coupe du Monde seront dirigées par des entraîneurs étrangers au continent.
Il y a un second problème, dont on parle également trop peu, qui affecte le football africain : la corruption. Il est vraiment difficile de surestimer le degré de corruption du sport en Afrique. Joseph-Antoine Bell, le grand gardien de but camerounais, a dit un jour : "Dans le football français, on peut s'attendre à ce que 10% de l'argent disparaisse, en Afrique c'est de l'ordre de 90%". Toutes les dérives imaginables se retrouvent dans le football africain : matchs truqués, corruption lors des transferts de joueurs, fraudes durant les élections… De nombreux joueurs, même au plus haut niveau, ont deux âges différents : leur âge réel et leur "âge de footballeur" qui est beaucoup plus jeune
Quand j'étais au Kenya, plusieurs dirigeants du football national ont été battus par des voyous prétendument recrutés par des dirigeants rivaux. Trois autres fonctionnaires ont été jugés pour avoir volé 55 millions de shilling kenyans à la fédération. Le Kenya n'est pas le seul pays à rencontrer ce genre de problèmes. Ils s'étendent à tout le continent. En Tanzanie et en Afrique du Sud, la police a mené des enquêtes sur des arbitres pour corruption. La Fédération Camerounaise a été suspendue à plusieurs reprises par la FIFA. La liste pourrait s'allonger encore et encore. La corruption est, selon les mots de George Weah, "un cancer qui ronge le sport". Tant que ce problème essentiel ne sera pas résolu, nous ne verrons malheureusement pas une équipe africaine soulever le trophée.
Declan Hill, journaliste d'investigation, membre du Comité Scientifique de Sport et Citoyenneté
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