Zinsou Soglo Kérékou, Pourquoi pas Maga ?
Faut-il s’abonner à tous les vices de la terre parce qu’ils sont communs aux hommes ? Pire encore, non contents de les reprendre à notre compte devrions-nous les aggraver ou en inventer de pires ? Voilà la question qu’on peut se poser eu égard au fait que Yayi Boni vient de nommer pas moins de trois fils ou filles d’anciens Présidents dans son dernier gouvernement dit de “combat”. Les vices politiques s’assemblent et se ressemblent. Il en est de la corruption ou du régionalisme comme de la conception dynastique du gouvernement de la République. Ces choix qui sont faits à dessein de subornation, voire même de caution des fraudes électorales à venir, mettent en danger la Démocratie et les valeurs Républicaines, la paix et la cohésion nationale.
On nous dira que la politisation du gouvernement et les manipulations médiatiques auxquelles elle donne lieu ne sont pas l’apanage de Monsieur Yayi et de son cirque de faux-monnayeurs. C’est une pratique à la mode, que l’on retrouve un peu partout dans le monde, à commencer par les pays européens comme la France dont nous avons du mal à nous défaire de l’influence aliénante, et dont les faits et gestes servent de justification à nos errements et dérives. En France, il est vrai, la médiatisation de la vie politique est allée croissant ces dernières années. Si l’on considère la période allant de 1980 à nos jours, c’est-à-dire des années Mitterrand aux années Sarkozy, on constate une montée en puissance de la valorisation médiatique des faits et personnages politiques. À côté des hommes de compétence reconnue dans leur domaine ministériel, les gouvernements ont accueilli en leur sein, au gré des évolutions, des hommes ou des femmes médiatiquement en vue, qui doivent leur cooptation essentiellement à leur valeur médiatique. Cette évolution est passée par des phases progressives, qui vont de la médiatisation au sens large, à la pipolisation en passant par des formes de clientélisme communautaire ou civile médiatiquement déterminé. Les Bernard Tapie, Azouz Begag, Luc Ferry, Roger Bambuck, Claudia Haigneré, Bernard Laporte, et autres Fréderic Mitterrand pour ne citer que ces exemples ont joué le rôle de locomotive médiatique dans les gouvernements, sans avoir a priori une expérience politique antérieure.
Ainsi, de Mitterrand à Chirac – le cas de Sarkozy étant un cas à part, porteur d’excès qui restent toutefois sous bonne garde – on a eu à cœur de ne pas dépasser certaines limites : il y va du devoir de responsabilité de chef d’un état puissant et développé, de sa maintenance, de sa gouvernance et du respect de ses citoyens dans un contexte de transparence démocratique. De plus, les Ministres jouant le rôle de “star” ou de coqueluche médiatique sont toujours en nombre restreint ; tel est d’ailleurs le principe et la condition sine qua non de la réussite de leur mission. Ce qui laisse largement la place aux politiciens professionnels et aux hommes de compétence pour mener l’œuvre qui leur échoit dans le cadre du gouvernement d’une grande nation développée. Le cas Sarkozy est un cas à part, dans la mesure où ont été dépassées sous son règne les limites habituelles de la médiatisation de la vie politique. Avec la recherche effrénée de la médiatisation, l’entrée en scène de la pipolisation et une subversion sans états d’âme des codes de la vie intime. Plus que d’autres nominations polémiques, la nomination de Fréderic Mitterrand, le neveu de l’ancien Président de la République, bien que n’ayant pas la même signification, peut servir de fausse justification à Yayi Boni.
Mais, en réalité, toute comparaison du Bénin avec la France est purement trompeuse. Car au Bénin, sous Yayi Boni, que constatons-nous ? Placé sous le signe de la réélection, l’esprit de la formation du gouvernement est de part en part vicié et agit selon une logique à courte vue. Ainsi en 2006, la formation du premier gouvernement, même lorsqu’elle a dû sacrifier aux marchandages politiciens traditionnels sur fond de respect des sensibilités régionalistes habituelles, avait abouti à une équipe dont la compétence de la plupart des membres était au-dessus de tout soupçon. Mais au fil des remaniements, et surtout lors du dernier en date, on a vu comment les exigences de compétence ont fini par s’effacer au profit du mot d’ordre et de la valorisation médiatiques. Le critère numéro 1 et quasi exclusif pour être nommé Ministre dans le gouvernement Yayi est la puissance motrice électorale, la capacité de jouer les rabatteurs de voix départementalistes, ou régionalistes pour les prochaines élections présidentielles et accessoirement pour les législatives de 2011. Certes ces capacités autoproclamées qui portent souvent la marque de nom ou d’appartenance ethnique font souvent l’objet de surenchères douteuses et sont sujettes à caution. Mais pour Yayi Boni et son système infernal de réélection, leur apparence est plus utile que leur réalité. Il s’agit à travers ce système médiatique de Missi Dominici électoraux de justifier a priori une victoire électorale d’autant plus frauduleuse qu’elle est autoritairement déterminée à l’avance. Le même principe conduit à cette nouvelle dérive qui consiste à amasser dans un même gouvernement des fils et filles d’anciens Présidents. Comme si le gouvernement était fait pour célébrer les gloire et fantasmes du Président, ou un Arche de Noé médiatique en prévision du déluge électoral qui approche. Ici comme ailleurs, la compétence est évacuée, seule l’aura supposée du patronyme compte. Le but recherché est d’exploiter le syllogisme frauduleux qui va du nom aux supposées illustres personnes qui les incarnent en passant par leur progéniture, comme si le chemin était un chemin d'honneur. Comme si quelqu’un comme Kérékou, à l’heure où nous sommes de notre histoire, compte tenu de son passé et des dégâts qu’il a causés au pays, pourrait se prévaloir de la moindre valeur de référence susceptible d’être brandie sans honte. Car l’un des buts de la manœuvre est de redorer l’image de ce sombre personnage, qui aimerait bien entrer la tête haute dans l’histoire alors que de par ses crimes et forfaits divers et variés, il ne le mérite pas !
La dérive qui consiste à appeler les fils et filles d’anciens Présidents au Gouvernement dans le but d’absoudre les crimes de certains ou d’utiliser la frauduleuse aura prêtée à leur nom, est malsaine et obscène. C’est une insulte à l’esprit de la Démocratie et au principe de l’égalité citoyenne. En plus, alors que la tendance existait en filigrane, au lieu de la décourager, sur ce point comme sur celui du régionalisme, Yayi Boni a préféré les solutions de facilité qui font peser de lourds nuages dans le ciel de la cohésion nationale, la paix et la Démocratie. Tout juste parce que Monsieur veut être réélu, il fait n’importe quoi et se moque comme d’une guigne de l’avenir du pays et de la Démocratie. Sous prétexte qu’il n’a pas inventé les vices qu’on pourrait lui reprocher, et qu’il sait de qui tenir. Aimé Césaire fait dire au Roi Christophe dans la Tragédie du même nom que – cité de mémoire – : “ Même si certains vices sont répandus sur la terre, les Haïtien devraient s’en préserver, car telle est la condition de leur sursaut libérateur”. Ce passage correspond bien à la gouvernance de Monsieur Yayi. Et il ferait bien de le méditer avant de se vautrer dans ses vices.
Binason Avèkes
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