En prenant le pouvoir en 2006, Yayi Boni avait mission de faire autre chose que ce qui s’était passé en politique, en économie et en moralité sociopolitique depuis 50 ans : changer et améliorer. Il avait en face de lui le ban et l'arrière-ban des hommes politiques qui ont animé la vie politique béninoise et qui, entre médiocrité et corruption, n’ont réussi qu’à enfoncer le pays dans la misère économique, morale et sociale. Il lui incombait en tant qu’homme nouveau et prétendument connaisseur des choses économiques, de trouver une voie, certes étroite – faite de négociation de concertation mais aussi de rigueur et d’exemplarité – entre ceux que ses thuriféraires ont tôt fait de cataloguer sous le label de vieille classe, et la difficile politique de relance de l’économie et du lien social par le travail sans concession. Or, chose étonnante, aujourd'hui, quatre ans après son élection-plébiscite à 75% par le peuple désireux de changement, par un étrange décret, Yayi Boni n’a pas suivi cette voie étroite et exigeante qui seule pouvait justifier son attachement à la volonté populaire exprimée en 2006. Au contraire, l’Inconnu de 2006, génération spontanée en politique, a choisi de rejeter les anciens et au lieu de faire le contraire de ce qu’il faisaient ou tout au moins différemment, il a bizarrement reproduit souvent en pire leurs travers, leur vices et manies. Sans doute confiant trop confiant, aveuglé même par le plébiscite dont il a fait l’objet, il s’est cru l’égal des dieux, seul au monde, et au-dessus de tous. Dans cette hérésie autodéïficatrice, il a mis en place une éthique, une méthode et un système dual qui, outre ses propres idiosyncrasies, n’a rien à envier à l’ancien système dans ses vices et ses travers.
Pourquoi ? Sans doute parce que Yayi, est très imbu de soi. Il croit que le discours sur l’opposition entre le passé et l’avenir, l’ancienne classe et la nouvelle, l’ancienne génération et la nouvelle est d’une vérité révélée ; et qu’à l’ombre de cette évidence biblique, il pouvait se permettre, à coup de propagande offensive, systématique et massive, à coup de lavage de cerveau sans vergogne ni scrupule – comme si le Peuple était une tabula rasa intellectuelle, sans mémoire sans pensée et sans histoire – le manipuler et agir comme bon lui semble.
Et pour maintenir l’apparence suborneuse de ce discours éminemment manichéen, il lui suffisait d’agiter pour l’associer à son nom de bâtisseur infatigable, la construction de deux ponts quelques routes, d’un échangeur, et la prise de quelques décisions sociales aussi utiles que ficelées à la hâte pour que la messe soi dite.
Or, outre que dans l’entendement du peuple, ces arguments ne correspondent pas du tout à ce que le peule mettant dans le désir de changement, la question est de savoir le coût moral et économique des arguments décoratifs d’un bilan enlisé dans la misère, la régression économique et la corruption forcenée et planifiée. L’image de l’incarnation exclusive de la modernité, de la bonne gestion et de l’avenir, à force d’avoir été brandie et usée à la corde, à force d’avoir tourné en rond sur elle-même est rattrapée par la réalité. Il fallait être idiot pour rester figé dans l’opposition stérile et manichéenne d’un seul contre tous ; de Yayi Boni contre les Soglo, Kérékou,Amoussou,Fagbohoun, Houngbédji et consorts. Il a suffi que d’autres acteurs tout aussi sinon plus qualifié pour incarner la modernité et l’avenir enfoncent la porte de l’espace politique au plus haut niveau pour que l’inégalable Monsieur 75% consente à descendre de son nuage et se rende compte qu’il n’est pas seul sur terre. Evidemment c’est la panique à bord. Il faut éliminer toute incarnation vivante de la modernité qui émerge au détour du rêve, surtout lorsqu’elle est doublée selon toutes les apparences d’une valeur ajoutée de mesure, et de lucidité sur fond d’un bilan solide et palpable. Tel est exactement pour son malheur le cas de Simon Pierre Adovèlandé, qui en plus possède la particularité aggravante d’être originaire du sud. Car Yayi Boni connaît bien le prix politique de toute tentative de harcèlement d’un homme du Nord, une région qui, contrairement au sud ne lésine pas sur la protection de ses fils. On le voit d’ailleurs avec le silence assourdissant des soi-disant faiseurs de l’Un qui, sous prétexte d’être attachés à la démocratie, préfèrent s’occuper de questions autrement plus sérieuses que la confiscation arbitraire de la liberté d’un homme, dont la seule faute est d’être du sud et de paraître un empêcheur de se pavaner en rond avec l’image hautement masturbatoire de l’unique Homme d’Avenir et seul gestionnaire avisé du Bénin. Comme on le voir Yayi Boni dirige le pays sur un mode onirique. Il compte sur l’opposition d’être attachée à la démocratie et de ne pas faire de ses décisions tyranniques un casus belli susceptible de générer violence, coup d’état ou meurtre au sommet, comme elles le méritent, tandis que lui, de son côté, comme s’il fût dans un rêve ou qu’il n’eût rien à faire du respect de la démocratie, agit selon son bon vouloir comme dans un rêve de tyran épanoui.
Voilà donc les raisons pour lesquelles un homme, qui n’est sans doute pas blanc comme neige, perdit sa liberté. Parce qu’un autre qui se dit Docteur en économie, mais dont la médiocrité intrinsèque a été mise à nue à l'épreuve de la réalité, après avoir passé le plus clair de son temps à passer pour la seule incarnation de la Modernité et de la Bonne Gestion, découvre un peu tard, qu’il n’est pas seul sur terre…
Aminou Balogoun
Copyright, Blaise APLOGAN, 2009,© Bienvenu sur Babilown
Tout copier/collage de cet article sur un autre site, blog ou forum, etc.. doit en mentionner et l’origine et l’auteur sous peine d’être en infraction.
Commentaires