Toutes sortes de banquiers, de financiers, d’argentiers, se pressent maintenant vers le portillon de la fonction de Chef d’État au Bénin. C’est le signe que l’argent est devenu la mesure de toute chose, et s’est accaparé entièrement de l’esprit de nos compatriotes. Les élites qui devaient éduquer moralement le peuple, apporter le mieux disant éthique sont en cause ; même si, pays phare dans l’esclavage des Noirs, cette dégénérescence de nos valeurs intrinsèques ne date pas d’hier… Plus proche de nous dans le temps toutefois, on peut déjà voir à l’œuvre cette valorisation de l’argent, sous le régime Soglo ; avec comme circonstances atténuantes la faillite du régime dictatorial qui l’avait précédé, la banqueroute et la misère terrible qui sévissaient. Et puis, sous Soglo ce n’était pas l’argent sous sa forme crue, mais comme expertise économique, travail, gestion comptable, etc. Mais le ver était déjà dans le fruit. Avec Monsieur Yayi, le travers s’est dégradé en fantasme de gros sous, que le peuple pourrait gagner en l’espace de quelques mois, sans référence à la valeur travail, mais grâce au miracle d’un seul homme, qui possèderait le secret de la fortune. Le fantasme de gros sous s’affiche alors sans complexe sous le signe antique et mystérieux de cauris. L’argent ! l’argent ! est devenu le cri de pintade de la politique béninoise sous le changement. L’argent qui déshonore l’honorable en l’achetant, l’argent avec lequel on soudoie l’homme politique, avec lequel on achète vote ou promesse de vote du citoyen affamé. L’argent des surfacturations, l’argent de la douane et des fraudes, l’argent des contrats de gré à gré, l’argent avec lequel on amadoue politiquement les chefs religieux ou communautaires dans le but de créer et fidéliser des réservoirs électoraux, au mépris de l’esprit des lois. L’argent que l’on propose à l’adversaire politique pour le faire taire ou faire l’économie de toute discussion. L’argent que l’on donne aux journaux ou organes de presse sous contrats, aux plumitifs et autres griots stipendiés pour acheter leur faveur et se faire encenser. L’argent des prêts par milliards, qui volent dans tous les sens, sans qu’on se soucie de ne pas hypothéquer l’avenir du pays. Mais aussi l’argent dont la grande majorité du peuple (90% au moins du vrai peuple) ne voit jamais la couleur mais pour les résidus duquel il travaille à la sueur de son front, se tue, hélas au sens propre comme au sens figuré
Dans ce climat délétère naturalisé où l’on confie à l’argent le rôle ubiquitaire de mesure de toute chose, de valeur suprême, et de but unique, toutes les autres valeurs passent en pertes et profits, y compris celle de l’égalité, de la fraternité, et de la solidarité, de l’effort, de l’imagination, de la créativité. Oui car toute cette farandole de l’argent sale qui vole et que l’on vole, ne profite qu’à une sournoise engeance de cupides, une petite minorité de jean-foutres rompus à l’art avaricieux d’amasser les richesses du pays au détriment du pays, du peuple, oublié, méprisé, abandonné à son sort dans la nuit des temps héritée du temps des nuits d’horreur.
Et pour consolider cette basse éthique, fidèle à la propension au mimétisme du Béninois, une noria de super-financiers, profitant de l’ombre souvent douteuse de quelques institutions internationales, se bousculent au portillon de la présidence de la République. Si l’argent est roi, les princes argentiers sont naturellement les mieux à même de le servir. Mais le servir est-ce diriger une nation ? Montrer le chemin à un peuple ? Donner du sens à une communauté ? Redonner à une société le lien qui lui manque ? Est-ce donner ses lettres de noblesse à la pensée politique dans ce qu’elle a de plus éminent ? Le projet national et le lien social deviennent dans la main de l’argentier de purs objets marchands. Au Bénin, depuis 2006 on a vu pourtant que le Banquier jure avec le Politique, qu’ils ressortissent de deux ordres éthiques distincts sinon opposés. Le métier du politique ne se limite pas ou n’a rien à voir avec celui du Banquier. cette extrapolation, qui est le résultat de la marchandisation du sens de la vie est une véritable escroquerie philosophique et un consensus frauduleux.
Faut-il le dire haut et fort, l’argent n’est pas une finalité, mais juste un moyen, un moyen parmi d’autres. L’argent n’est pas la vraie richesse, car il est souvent sale, source de discorde et de conflit, de cupidité et d’avarice ; et en dehors de sa manipulation comme fantasme, il ne peut suffire à tous. En vérité, il est heureux de réentendre, ce cri célèbre de Jean Bodin : “ Il n'y a ni richesse ni force que d'hommes” Et tout aussi heureux de savoir qu’au Bénin, il a été repris par un homme politique digne de ce nom et non pas un Banquier
Binason Avèkes
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