Je déteste tous ceux qui au Bénin se font appeler Docteur, Professeur. Pour moi ce sont des PDA, des Professeurs et Docteurs Autoproclamés. Au Nigeria, l’habitude en est répandue. Ils ont aussi leurs Doctor, Professor, ou Chief. Mais tout cela a un côté bon enfant et, comme le port de costume trois pièces en pleine chaleur, fait partie d’une grimace post-coloniale que la culture aristocratique du colonisateur explique et excuse. Mais chez nous, au-delà de la grimace, nous avons affaire à une prétention sérieuse ressortissant au concept stupide, paternaliste et aliénant de Quartier latin de l’Afrique. Un germano-pratisme tropical à usage colonial que le Béninois assume avec passion. Mais hélas cette assomption s’arrête au seuil des proclamations ronflantes d’étiquette.
Au Bénin, toutes sortes de gens s’affublent allègrement du titre de Docteur ou de Professeur. Le fait d’avoir accédé à la fonction enseignante au niveau universitaire à un moment ou à un autre de leur vie dans une petite université décharnée comme la nôtre semble les avoir marqués au fer rouge de la fierté et ils ne se tiennent pas de joie de se dire docteur ou professeur. Mais on ne sait pas clairement ce qu’ils professent. L’une des mesures objectives de leur activité de Professeur eût été évidemment le nombre d’articles publiés dans des revues sérieuses, le nombre d’ouvrages publiés et ou traduits. Mais bien que ces nombres soient proches de zéro, ces intrigants ne se gênent pas et préfèrent la mystification d’une désignation vide à la juste mesure de la réalité. Et pourtant cette juste mesure, la banalité de leur être dans le système de la connaissance, est assez évidente. Leur pompeuse proclamation fait du tort à l’idée qu’on serait en droit de revendiquer de la représentation sociale de la connaissance chez nous. Avec tous ces duvets épistémologiques, ces freluquets du savoir qui tiennent le haut du pavé et passent publiquement pour nos Docteurs et nos professeurs, on a une bien piètre idée de ce qu’est la connaissance chez nous. De la plaisanterie à l’état pur. Mais ce n’est pas que de la plaisanterie, c’est grave. D’autant plus grave que, hissés au plus haut sommet de l’État, cette horde d’intrigants, naturalisent socialement leur valeur en la légitimant par la détention du pouvoir d’État.
Pourtant sous d’autres cieux plus sérieux, il en va tout autrement. Notamment chez ceux que nous prétendons imiter. En France, pays de référence, quand on dit Docteur ou Professeur, ce n’est pas pour du beurre. Ces qualifications renvoient à une réalité concrète et agissante. Il y a du théorique et du concret derrière. Le Professeur Luc Montagnier ne s’appelle pas professeur pour amuser la galerie : entre autres choses, il est connu pour avoir été le directeur du laboratoire qui a découvert en 1983 le VIH, le virus responsable du SIDA. Le Docteur Léon Schwartzenberg était Docteur en théologie, Docteur en médecin, et passionné de musique, humaniste et humanitaire, il a construit un hôpital à Lambaréné au Gabon pour y recevoir des milliers de patients africains. En 1954, il a inauguré le "Village Lumière" pour l’accueil de deux cents lépreux.
Or chez nous que font ou qu’ont fait nos soi-disant docteurs ou professeurs ? Que font-ils en dehors de trimballer cette coquille vide, qu’ils tiennent pour honorifique, devant leur nom ? En dehors aussi de bavarder ou de s’agiter comme on peut le voir dans les médias qu’ils soient d’un côté ou de l’autre. Par exemple que fait le Professeur Amègnissè le bien nommé, en dehors de jouer les bouffons de la République ? Le taon qui ne cesse de harceler le pouvoir et son chef, entre intrigues souterraines et provocations médiatiques ? Il a fait de l’épistémologie peut-on lire dans sa biographie, mais les Béninois aimeraient lire de temps en temps ses articles sur l’épistémologie ou la sociologie de la connaissance ! Il y a tant à dire dans ce domaine dans notre pays. Et à côté ou parallèlement à son activisme politique hyper-médiatisé, on aimerait tant – puisqu’il se dit professeur – lire aussi sa contribution à l’avancement de la connaissance chez nous. Un exemple de réponse positive à cette demande est incarné par l’œuvre d’un homme comme le Prof. Félix Iroko qui ne se proclame pas à tout bout de champ professeur mais dont la contribution à l’éclairage des zones d’ombre de notre culture est concrète, riche et décisive.
Et le soi disant Professeur Tévoédjrè ? On peut lire sur lui que “ Il a à son actif près d'un demi- siècle d'une carrière bien remplie et entièrement dédiée à la promotion collective des hommes, en tant que dirigeant de mouvements estudiantins, chef syndicaliste, responsable fondateur de partis politiques, universitaire émérite, écrivain engagé et particulièrement prolifique, haut fonctionnaire des Nations Unies” Mais que nous apprend cette présentation autobiographique aussi vague que dithyrambique sur le fait de passer pour Professeur ? Qu’a fait de concret l’"universitaire émérite" pour se dire professeur ? En quoi est-il universitaire ? En quoi est-il émérite ? Albert Tévoédjrè a professé et professe quoi ? Mystère et boule de gomme. Au pays des aveugles les borgnes sont roi… La seule chose que l’histoire retiendra à son propos c’est que du haut de sa chaire professorale imaginaire, ce personnage intrigant a promis 20 000 emplois dont aucun Béninois en 15 ans n’a encore vu la couleur… Professeur de bluff en somme…
Enfin au plus haut sommet de l’Etat, trône un Docteur. On l’appelle “Docteur Thomas Yayi Boni.” Docteur en économie du développement. Il a été banquier ouest-africain. S’il se dit Docteur c’est parce qu’il a fait un doctorat. Normal. Mais ce qui l’est moins c’est que bien que n’étant pas docteur en médecine, il n’hésite pas à user du titre de Docteur. Il porte le titre comme un médecin. Sans doute parce que dans l’histoire de la représentation valorisée du Président de la nation Quartier latin de l’Afrique que nous sommes on a vu passer à la tête du pays des Docteurs plus ou moins vrais plus ou moins faux. Alors pour paraître, il faut faire jouer à fond la carte du docteur : ça fait sérieux, intelligent, c’est rassurant pour une nation malade de sa gestion. Mais dans le fond il ne s’agit que d’une coquille vide, d’une prothèse, d’un tonneau vide qui fait plus de bruit qu’il n’agit. Sinon quelle est la Doctrine du Docteur Thomas Boni Yayi en cinq ans bientôt d’exercice du pouvoir où comme il l’a souhaité lui-même il avait la main sur le bouton ? Entre misère, corruption, gaspillage et violence où est le Docteur en économie dans tout ça ? Magicien du sous-développement, oui !
Les PDA se reconnaissent à leur verbiage, à leur verbe haut et à leur agitation. Voilà pourquoi je hais nos soi-disant Docteurs, et Professeur. Un Roger Gbégnonvi, ou un Yayi Boni, sont des PDA, antithèses d’un Félix Iroko, ou d’autres, Vrais Docteurs et Professeurs (VDP) plus discrets et concrets dont les actes parlent pour eux. Les PDA abusent de leur position. Et, au pays des aveugles ces borgnes exercent une royauté arbitraire, indue et pathétique. Mais l’opinion n’est pas si aveugle qu’ils le croient. Le peuple n’est pas dupe de leurs simagrées. Tôt ou tard l’histoire séparera le bon grain des VDP de l’ivraie des PDA
Bayo Adébayo
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