Pourquoi Yayi Boni s’est-il enfermé dans le populisme ?
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Depuis son élection à la Présidence de la République, Yayi Boni essaie par tous les moyens de cultiver sa popularité, de l’asseoir. Il y met un soin particulier, passionné, jaloux, tatillon et quasi exclusif. Cela passe par le dévolu jeté sur la communication, l’utilisation forcenée des médias, leur mise à disposition sinon au pas. Traduction d’un parti-pris propagandiste sans complexe qui, sous prétexte d’être au service du Changement, est d’abord une idiosyncrasie de son Initiateur. Le Peuple est caressé dans le sens du poil en permanence. La manipulation des émotions – la Foire le Fric et le Froc – est son credo. Virtuellement, à en juger objectivement par les réalisations et actes posés jusqu’à présent, ce credo constitue le programme et la méthode de Monsieur Yayi Boni. A l’exclusion d’une politique ardue, impopulaire, contraignante mais à terme porteuse de fruits, le gouvernement de Yayi Boni s’enferme dans le donner à croire, l’artefact, la culture de l’euphorie et des promesses merveilleuses, le culte de la personnalité. Ce constat n’est pas à opposer à un vide d’actions réelles, ni à une absence de volonté, mais il reste que, enté sur une sensibilité extrême à l’opinion, le parti-pris populiste de Yayi Boni ne s’embarrasse pas de démagogie ; son penchant autocratique avéré a tendance à court-circuiter l’esprit de la démocratie. Le rapport direct au peuple, au mépris du rôle des organisations de médiation et des lois existantes, est érigé en justification implicite et en motivation première.
Ce rapport direct se veut à la fois mythique et mystique. Il y a d’abord le mythe du salut, qui va de pair avec le mythe du Docteur. Le Bénin est malade et le Docteur Sauveur est là. Il y a aussi le mythe politique de l’affinité élective du peuple transmuée astucieusement en une mystique, celle théologique de l’élection divine qui fait de Yayi Boni l’élu de Dieu, le Messie.
Nous sommes dans l’idéologie pure, avec ses travers et ses défauts ; et l’idéologie populiste en présente au moins trois : primo, elle n’est pas soluble dans la démocratie ; secundo, elle conduit tout gouvernement qui en est inspiré à préférer les choix faciles, stériles et sans lendemain aux politiques impopulaires, douloureuses mais à terme fructueuses pour le pays tout entier. Sans états d'âme, le populiste substitue le principe du rêve au principe de réalité. Par ailleurs, le populisme est indexé sur le conservatisme dans la mesure où pour persévérer dans son être, il est obligé de mettre en place un contrôle politique irrationnel fondé sur un clientélisme conservateur. Le troisième défaut du populisme réside dans le dévolu jeté sur le médiatique. En effet, le populiste accorde une importance démesurée à ce que sait, connaît, pense ou rêve le peuple. Il veut être le seul pourvoyeur de cette connaissance, son seul garant. La réalité doit parvenir à la conscience du Peuple par le prisme exclusif que le populiste tient sous son contrôle. Naturellement ce prisme est déformant. Une déformation qui découle du principe d’artefact que le populiste tient en haute estime. Pour lui en effet, le fait mais aussi l’information relèvent avant tout d’une construction autoritaire et d’une pensée unique. Tout est mis en œuvre pour satisfaire aux exigences fictives du principe d’artefact. Dans cet ordre d’idées, le Peuple lui-même devient une fiction vivante, puisqu’au lieu et sous prétexte d’exister par-soi, il est amené à existence par la représentation fictive, émotionnelle et féodale qui en est médiatiquement produite. Sur ce point particulier, le populisme n’a rien à envier au totalitarisme : dans les deux systèmes, la réalité est assujettie à la fiction.
Comment en est on arrivé là, autrement dit pourquoi Yayi Boni s’est-il enfermé dans le populisme ? Eh bien, il faut revenir au début car tout part de son élection miracle. En effet, à y voir de près, on remarque que la volonté politique qui a conduit Yayi Boni au pouvoir est une volonté à la fois positive et négative. L’élection de Yayi Boni est négative en ce que, par son geste le Peuple a d’abord voulu clore le chapitre de la période Kérékou. Un chapitre funeste, globalement médiocre et dont les dernières pages ont été particulièrement noircies par la corruption, la prévarication, l’impunité d’une mafia insolente et un paupérisme de masse de plus en plus inquiétant. Mais d’autre part l’élection de Yayi Boni est positive en ce que le Peuple a voulu d’un homme nouveau, d’une classe politique nouvelle et pour tout dire d’un vrai changement dans les mœurs politiques pour ne pas dire les mœurs du pays tout court. C’est pour cela que refusant de reconduire les écuries, les partis et les hommes politiques traditionnels qui piaffaient d’impatience et dont certains croyaient leur tour naturellement venu, le peuple n’a pas hésité à tendre la main à un nouvel homme, par-dessus le ballet conventionnel de ce beau monde. Toutefois, dans la dynamique qui a porté Yayi Boni au Pouvoir, il va sans dire que l’aspect négatif l’emportait de loin sur l’aspect positif. L’élection de mars 2006 est d’abord un Adieu à Kérékou avant d’être une Bienvenue à Yayi. Mais pour l’heureux élu, cette chose inespérée est à la fois un triomphe, un honneur et un plébiscite. Question : peut-on valablement plébisciter quelqu’un qu’on ne connaît pas ? Cette question tombe sous le sens, mais visiblement pas sous celui des nouveaux vainqueurs. Au contraire pour Yayi Boni, le geste du Peuple est un geste fort, un geste fondateur qui en tant que tel institue un lien privilégié historiquement inédit entre lui et le Peuple. Ce geste devient une geste et une idylle. Comme un sauveteur amateur occupé à faire le bouche-à-bouche à une jolie rescapée, en présence des professionnels et autres spécialistes du sauvetage impatients, Yayi Boni semble dire : « C’est moi qu’elle a désigné, et personne d’autre !»
Sous d’autres cieux on a parlé, certes sans convaincre, de « Désir d’avenir », avec Yayi Boni, il s’agit d’un « Désir d’exclusivité. » Yayi Boni aime le Peuple mais d’abord l’exclusivité de l’amour du Peuple. Ce désir d’exclusivité le conduit à confondre la politique avec la pérennisation de son idylle avec le Peuple. Car cette idylle lui paraît plus importante que sa raison d’être et son but. En même temps, elle est comprise comme sa seule force en raison du fait que Yayi Boni est un homme politique nouveau sans un terroir à forte charge symbolique dans la représentation tribaliste qui régit la politique sous nos cieux. Comme Tchaorou n’est ni Abomey ni Cotonou encore moins Porto-Novo, alors, l’homme de Tchaorou n’a plus qu’à noyer le poisson du tribalisme dans la rivière du populisme : il sera l’homme du Peuple, de tout le Peuple !
On aurait pu penser qu’un tel parti-pris se passerait de la création d’un parti politique, mais las, le Président-Docteur qui tient de ces deux prédécesseurs a choisi de faire la synthèse de leurs choix en la matière. Homme du Peuple comme Kérékou, il sera aussi homme d’un parti comme Soglo. En l’absence de terroir fort, le parti sert à mesurer et capter sur le terrain national les bénéfices de l’idylle avec le Peuple. Au détriment du strict respect des règles démocratiques. Selon un tempérament souvent autoritaire qui ne cède en rien aux vieilles pratiques qui ont contribué à arriérer le pays. Dans leur rivalité avec les vieux partis, les tenants du Parti de l’idylle Populaire utilisent les mêmes méthodes et les mêmes ficelles rétrogrades : fraude électorale, corruption, achat de conscience, clientélisme à tout crin. A quoi s’ajoute un bouclage médiatique impitoyable payé au prix fort sur le dos du contribuable, c’est-à-dire du peuple. Et le paradoxe du Changement est là : on ne peut pas vouloir changer les mœurs et les gens et user des mêmes pratiques que celles qu’on veut changer.
Ce paradoxe explique le populisme de Yayi boni et son caractère circulaire. Le populisme est une spirale inflationniste parce la monomanie médiatique qu’il instaure est la seule condition de la perpétuation de ses fictions, au premier rang desquelles se trouve le Changement…
Prof. Cossi Bio Ossè.
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