Mon Idéo va, court, vole et tombe sur...:
Du Pain et des Jeux
De la manière dont les choses se donnent à entendre, on doit convenir que Yayi Boni se décarcasse pour redresser la situation catastrophique du pays. Mais la vue héroïque, narcissique, et pour tout dire populiste qui est donnée de ce « décarcassage » prend souvent le dessus sur une action discrète et résolue, une action en soi-et pour soi. Aussi, lorsque le héros se trouve confronté au principe de réalité, devient-il nécessaire de sauvegarder par tous les moyens les fondements de l’édifice magnifique de sa geste onirique. Alors, Yayi le Magnifique, le Chef qui aime faire rêver son peuple, se drape dans la vertu du moraliste, et choisit une posture éthérée. Car quoi, a-t-on besoin d’être un génie pour se rendre compte que la lutte contre la corruption doit être une lutte de tous les instants, une lutte de longue haleine ? La corruption ne peut disparaître que sur le long terme, à la fois avec des institutions de détection, de répression, mais aussi avec une ambiance de moralité sociale bien intériorisée, à commencer par une éducation appropriée dès le bas âge. Alors pourquoi fait-on tout un tintouin sur ça maintenant alors qu’il faut programmer cette lutte, l’organiser résolument, et commencer toujours par le bon bout ? Pourquoi lui donne-t-on un aspect purement médiatique alors qu’elle doit être éducationnelle, culturelle, juridique, structurelle, institutionnelle et politique ?
Au risque à son tour de tomber dans la corruption des esprits, la manière de procéder ne semble pas aller de pair avec une volonté radicale d’éradiquer le mal. Ce n’est au mieux qu’une manière de couper la tête d’une hydre. En attendant que la corruption ne disparaisse, que dit-on de la vie chère ? De la flambée des prix ? De la dégradation continue du niveau de vie des Béninois ? De la misère enkystée dans la chair de la vie quotidienne ?
En vérité tout ce charivari sur la corruption qui se fait actuellement est suborneur et espiègle ; il est destiné essentiellement à servir de contre feu à la flambée des prix, à la flambée de la misère ; au désordre d’une action improductive, au refus du gouvernement de voir en face le gouffre de plus en plus béant entre ses messes et ses promesses, ses discours et ses résultats concrets. Au moment où la question de la responsabilité est plus que jamais d’actualité, pourquoi le Gouvernement n’assume-t-il pas les siens et choisit d’inventer un bouc émissaire ? Pendant combien de temps repoussera-t-on aux calendes grecques les questions cruciales de la vie quotidienne ?
Depuis les Romains, on sait qu’un principe éculé du populisme consiste à offrir au peuple « du Pain et des Jeux. » Mais au Bénin, le prix du pain est de plus en plus hors de portée du commun. Du coup, le gouvernement se rabat sur les jeux. Mais le peuple ne se nourrit pas indéfiniment de jeux et d’eau fraîche, dut-elle jaillir des sources d’un rêve édénique. Le Peuple béninois est un peuple patient, mais pendant combien de temps se contentera-t-il du jeu médiatique du feu et du contre-feu ?
Pour l’instant il n’y a que de la salive : gageons qu’il s’en produira suffisamment pour éteindre la flambée des prix.
Eloi Goutchili
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