Pourquoi au Bénin l’éthique sociopolitique des Yoruba est-elle tout à l’opposé de celle des adja/fons ?
La signature éthique des groupes humains se traduit dans leurs récits ou mythes d’origine ; alors que celui des fons est basé sur le meurtre, la violence et l’accaparement du sol du primo-occupant, celui des Yoruba de Kétou encense la concorde, la gratitude et la bonne entente :
Récit de la fondation du royaume du Danhomè
L’origine du royaume de Dahomey s’inscrit dans le mouvement au XVIIe siècle des «Alladanous» qui migrèrent de Tado (région du sud-est de l’actuel Togo) pour s’installer dans la région de la ville d’Abomey (ville du centre du Benin actuel). Deux frères Gangnihessou et Dako Donou issus du groupe des migrants « Alladanous» créèrent le royaume de Dahomey après avoir vaincu Dan le roi autochtone des lieux.
Dan était le nom d'un roi autochtone ; Dan" étymologiquement signifiant "serpent". Dan était harcelé par Dako Donou qui lui demandait des parcelles de terrain à n'en plus finir, pour pouvoir construire sa résidence. Un jour, faché, Dan lui dit : "Voulez-vous donc vous établir jusque dans mon ventre ?". Et en réponse, Dako Donou tua celui-ci, et éleva sur son tombeau une case qu'il appellera "dan-ho-mè", signifiant littéralement "dans le ventre de Dan". Gangnihessou devient le premier roi du Danhomè, son règne durera de 1600 jusqu'à la prise du pouvoir en 1620 par son frère Dako Donou qui profita de l'absence du roi pour l'évincer.
Récit de la fondation du royaume de Kétou
Il n’existe aucune date précise concernant la fondation de Kétou et les estimations varient du XIème au XIVème siècle. Les Yoruba n’étaient pas les premiers à s’établir à Ketou. La tradition indique la présence antérieure d’un peuplement autochtone dans la région, dans le village de Kpankou, à quelques kilomètres de Kétou. Les premiers arrivants Yoruba leur sont d’ailleurs redevables, puisque ils allumèrent leur premier feu grâce à la charité d’une certaine Iya Kpankou. Ce geste est resté dans la mémoire de Kétou, à travers un « rituel du feu » qui se déroule lors du décès de l’Alaketu. A l’annonce de la disparition du roi, tout feu doit être éteint dans la ville, pendant qu’un ministre du roi se rend à Kpankou demander du feu afin de rallumer tous les foyers à Kétou. Bien que relativement pacifique, l’histoire ancienne de Kétou est ponctuée de tensions et de conflits. La défense du royaume était assurée en partie par l’existence d’impressionnantes fortifications, encore visibles aujourd’hui. Les murailles et la porte gardée, unique accès à la ville, furent l’œuvre du roi Sa, quatorzième souverain de Kétou.
Comme on le voit, ces deux récits sont éthiquement opposés : l’un encense la domination sans partage, le culte de la violence et de l’accaparement sur fond de cruauté, jusqu’ à l’exercer contre soi-même – Dako Donou a fini par évincer son propre frère du trône ; l’autre met à l’honneur la gratitude, la concorde, et l’interdépendance féconde, comme le montre de nos jours l’observance du rituel de la « mémoire du feu », geste de respect et de fraternité.
Prof. Cossi Bio Ossè
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