Question pertinente et fondamentale. En effet après le long règne de Houphouët Boigny, grand prêtre africain de la Françafrique devant l'éternel, il fallait trouver un remplaçant digne de prendre sa place dans le système néocolonial français. Gbagbo le trublion était en ligne de mire. Dans la France des Foccart et Chirac, ce n'était pas un homme en odeur de sainteté. C'était un « socialiste », un homme de gauche ni récupérable ni modelable. Or, dans le grand parc zoologique françafricain, les hommes de main ont vocation de conservateurs, des essences vivaces qui ont un destin de dinosaures ; ou qui prennent le pouvoir et à coup de mises en scène et de parodies d’élection parviennent à le conserver tranquillement pour 10,15, 20,30 ans voire plus ! C'était ça le prix de la longévité françafricaine, bénie par la pax Franca.
Or un homme comme Gbagbo qui a ses convictions que l'on peut aimer ou ne pas aimer ne faisait pas l'affaire. Imaginez un Emmanuelli ou même Mitterrand qui resterait au pouvoir pendant 30 ans voire 40 ans en France ! Nenni ! Équation impossible : raison pour laquelle la France de Chirac et Foccart se mit à harceler Gbagbo parce que, quoi qu'on fasse, cette bête n'avait pas la tournure des spécimens du parc zoologique françafricain. On ne pouvait pas compter sur lui pour veiller sur et faire prospérer les intérêts français ; c'était un homme qui se piquait d'avoir son mot et ses idées qu'il n’avait pas dans sa poche. En Afrique, quoi qu’on dise, de tels hommes d'État existent ; et dès lors se pose un réel problème au système néocolonial qui n'a de cesse de les éliminer. Le problème de la France avec Gbagbo n'était pas que celui-ci pût accéder au pouvoir ; non le problème c'était que dans la Françafrique le gouvernorat était une fonction à vie et la France ne voyait pas d'un bon œil, surtout dans son pré carré ivoirien, modèle de réussite néocoloniale, qu’un dirigeant qui n'avait pas son onction se permît d'éterniser au pouvoir comme ses bons spécimens du parc zoologique françafricain. C'était ça le péché de Gbagbo : ne pas être en mesure d'entrer dans le moule françafricain sachant qu'en Françafrique, le pouvoir présidentiel était un pouvoir à vie. Voici pourquoi, sur la Côte d'Ivoire, le discours rigoriste de la démocratie fut mis à l'honneur plus qu'ailleurs, où on s'en moquait comme d'une guigne. La même préoccupation s'était soulevée au Congo avec le personnage de Pascal Lissouba qui, comme Gbagbo, ne pouvait pas entrer dans le moule françafricain. Il fut alors éliminé par une guerre éclair qui alors n'émut pas les passionnés de démocratie – l'UE, les USA, l'ONU et autres donneurs de leçons – qui aujourd'hui pressent Monsieur Gbagbo de rendre le tablier.
Dans le cas de Gbagbo on n'a pas pu utiliser le couperet de la guerre éclair appliqué à Lissouba. Dans la mesure où, en Côte d'Ivoire, le souci de la France n'était pas que Gbagbo ne fût pas président, mais qu'il ne se piquât point de s'éterniser comme l’habitude en est établie dans le parc zoologique françafricain sous sa houlette impériale. C'est pour cela qu'on a cru devoir créer de toutes pièces la problématique de la rébellion et de la guerre, suspendue sur la tête de Gbagbo comme une épée de Damoclès. Avec cette guerre et cette rébellion savamment soutenues par la France, on espérait avoir une monnaie d'échange et faire en sorte que les temps du mal-aimé fussent comptés. Malheureusement c'était mal compter l'amour de pouvoir et le sens d’équité du mal-aimé.
Prof Cossi Bio Ossè
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