Une des sources des difficultés de Yayi Boni est qu’il fait peu de cas de l’esprit des choses. Et à force, il finit par ignorer les choses elles-mêmes. Cela est vrai pour son rapport à la loi. A force d’oublier l’esprit des lois, il finit par oublier les lois elles-mêmes, souvent à son corps défendant. Il s’agit sans doute d’une attitude qui tient l’esprit dans le mépris. C’est une question de culture philosophique et politique. N’étant pas un politique avant de devenir Chef d’Etat du Bénin, Yayi Boni confond politique et gestes politiciens. Par exemple, le Président n’est nullement gêné d’avoir une loi votée avec une majorité constituée au forceps entre manipulation, menaces, promesses et pressions en tout genre, une majorité de circonstance constituée de bric et de broc, sans lendemain politique, et assemblée de façon rocambolesque. Cette façon d’ignorer l’esprit en toute chose et de ne privilégier que la fin sans regarder après les moyens, de le mépriser dans son rapport avec ses interlocuteurs, le destin de sa parole, et le respect de ses propres engagements, est une forme de cynisme dégénéré. Il s’agit chez Yayi Boni manifestement du défaut de ce qu’on a appelé la génération spontanée en politique. En effet, comme tout métier, la politique s’apprend. Mais au-delà du critère d’apprentissage, il y a en jeu une lacune philosophique et éthique. On a pu penser à la décharge de l’ancien banquier que sa délicatesse avec l’esprit des choses pour ne courir qu’à leur fin, tenait du pragmatisme d’un homme avide de résultats immédiats. Mais en quatre ans de gouvernement cette explication indulgente ne tient plus la route. En effet les actions de Yayi, qui paraissent plus des agitations qu’autre chose, n'ont rien changé ni dans les mœurs ni dans la vie de la grande majorité du peuple. En clair, il n’y a pas eu de changement moral ni matériel au Bénin depuis 2006. Et le thème de changement qui a été le cheval de bataille électoral de Yayi Boni laisse tout un chacun sur sa faim.
Assurément, les difficultés de Yayi Boni ne peuvent être sérieusement mises sur le compte d’un quelconque pragmatisme, car le pragmatisme n’a jamais été le contraire de la réflexion, de la sensibilité, de la vérité et de la sincérité. Elle est encore moins le désert d’esprit, comme en témoignent, à la pratique, le fonctionnement et la personnalité de Yayi Boni. Car à l’observation, force est de constater ce vide de l’esprit dans tout ce que fait Yayi Boni. Si Hubert Maga est l’homme d’un Hôpital, Yayi Boni se fera gloire d’être l’Homme d’un Echangeur. Toute la différence spirituelle est là ! Mais plus que cette comparaison frappante, c’est surtout l’attitude morale de Yayi Boni qui révèle le désert d’esprit. Par exemple le fait que son inculture politique et sa personnalité psychologique le portent systématiquement et aveuglément à faire rimer ambition politique avec gestes politiciens, ruses, manipulations, faits accomplis, passages en forces, etc. Ce parti pris, cette tendance et ce caractère obscur finissent par révéler le vide de contenu des actes de Yayi Boni. Un exemple simple illustre la contradiction qu’il y a entre la débauche de gestes et l’indigence notoire de leur échos ou de leurs réponses effectives. Le pays est en crise sociopolitique depuis plusieurs années. Une crise qui va en durcissant au fur et à mesure que se profile l’échéance de 2011. Une crise si aigue que le Président a du mal à former un gouvernement depuis des mois ; cependant que sur le front social, le dialogue a déserté le forum, et de part et d’autre les esprits s’échauffent. La cohésion sociale est menacée. Des grèves se suivent à n’en plus finir. L'arrêt de travail des Professeurs paralyse l’école ; en réponse, des élèves sont incités à manifester soit-disant en protestation contre leurs professeurs. Le Bénin est au bord de l’anomie sociopolitique. Or Yayi Boni, à son début, a crée un Haut Conseil à la Gouvernance Concertée. De même a-t-il bataillé pour créer le poste du Médiateur. Mais tout cela se révèle aujourd’hui une coquille vide. Car, les tensions qui perdurent dans le pays montrent bien qu’il n’y a ni Concertation ni Médiation. La Lépi qui vient d’être abrogée, et dont on a de bonnes raisons de penser que son abrogation n’est que la dernière bataille d’une guerre qui n’est pas finie, en est l’exemple le plus frappant, puisque ce qui a conduit à l’abrogation de cette loi est le défaut de consensus dénoncé constamment par l’opposition. Alors comment se fait-il qu’en dépit de l’existence de ces deux hautes institutions phares de Concertation et de Médiation, le pays soit dans une tension sociopolitique aussi forte ? La réponse est simple : Il n’y avait aucun contenu d’esprit dans les gestes portant leur création. Rien que du vide, du jeu, du donner à croire, ambitions sans lendemain et prétexte pour remercier des agents politiques, servir des émoluments mirifiques à un ramassis de privilégiés.
C’est cela le désert d’Esprit. Et c’est ce désert-là qui est la source des difficultés de Yayi Boni aujourd’hui. De tous les Présidents que le Bénin a connus dans son histoire post-coloniale Yayi Boni est celui dont le caractère et les gestes sont les plus marqués par le désert de l’esprit. Et quand nous parlons d’esprit cela n’a rien à voir avec celui que professe tapageusement autour de lui une subtile engeance d’évangélistes, marchands de foi, et traitre malicieux à la cause christique. Non, il s’agit de l’esprit au sens élevé du terme, de l’esprit libre qui engage la volonté et la vérité au service de l’homme.
C’est ce désert de l’esprit qu’il faut enrayer pour libérer l’énergie créatrice du Bénin et retrouver le sens de la cohésion perdu. C’est ce qu’il faut changer, vite et par tous les moyens.
Pr Cossi Bio Ossè
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