Pourquoi le Parti communiste du Bénin souffre-t-il d’un décalage entre sa forte capacité de mobilisation sociale d’antan et sa faible audience politique ?
Le PCD est créé en décembre 1977 après l’échec en 1976 d‘un premier parti, l’Union des communistes du Dahomey, regroupant divers groupuscules. Très actif, dirigé dans l’ombre par Pascal Fantondji et Jean Zounon, le PCD est jusqu’en 1990 le seul parti à affronter ouvertement le pouvoir sur le terrain. Contre la voie réformiste, pacifique, de transition, le PCD prônait en effet la voie de la lutte armée, de l’insurrection populaire. D’où sa non-participation à la Conférence nationale. I1 est vrai qu’au plan doctrinal, le parti ne s’est guère départi, depuis sa création, d’une ligne communiste dure, d’inspiration albanaise..
En tant qu’ « organisation de mouvement social » il a semble-t-il joué un rôle capital dans la mobilisation des divers groupes sociaux et l’organisation de la contestation. Disposant de fiefs ruraux - dans le Mono à Djakotomé, dans 1’Atakora à Boukoumbé – il a pu aussi peser sur la mobilisation des campagnes. Implanté jusqu’au coeur de 1’Etat, il participa activement à l’organisation des grèves de la fonction publique par la mise en place de « comités d’action » et de « comités de lutte » qui entrèrent d‘ailleurs en concurrence avec les comités de grève syndicaux.
Seule organisation politique structurée au plan national, dotée de fiefs en province et dans les administrations centrales, le PCD a prouvé ses capacités d’action au cours de la crise de 1989-90. I1 a pourtant échoué à imposer la voie de la lutte armée et continue aujourd’hui à souffrir du même décalage entre ses fortes capacités de mobilisation sociale et sa faible audience, voire sa marginalité politique. Ce décalage montre combien il est difficile d’évaluer, entre mythe et réalité, l’action et le poids véritables du PCD. D’aucuns soutiennent que la place centrale du PCD dans l’imaginaire politique béninois tiendrait moins à son action réelle qu’à l’instrumentalisation qui en a été faite par le GMR et les divers mouvements d’opposition. Selon cette thèse, les communistes n’auraient fait que revendiquer des mouvements populaires initiés et dirigés par d’autres forces clandestines qui trouvaient commode de s’abriter derrière le bouclier mythique du PCD. Ces dénégations participent évidemment des stratégies concurrentes de récupération des mobilisations collectives. Mais il n’en reste pas moins que la présence, réelle ou fictive, du PCD a pu être « fonctionnelle » pour le régime et les oppositions de l’intérieur. Pour le PRPB, ce fut, en effet, un instrument rituel d’accusation pour éliminer toute contestation politique ou pour effectuer purges et règlements de comptes internes. Pour les mouvements d’opposition, un utile paravent : tant que l’on pouvait justifier ne pas appartenir au PCD, on pouvait dans une certaine sécurité déployer ses « activités subversives ». Aussi n’est-il pas interdit de penser qu’indépendamment des actions de terrain des militants communistes, cet intérêt mutuel et la propagande du régime ont peut-être contribué à entériner l’image déformée d‘un affrontement dual, réalisant toute opposition intérieure au seul PCD.
Source R. BANÉGAS : Mobilisations sociales et oppositions sous Kérékou, IEP, Paris
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