La situation politique du Nigéria pourrait connaître une tournure inattendue dans les tout prochains jours, et ce en rapport avec les élections générales prévues pour le 14 février 2015. Ces élections courent le grand risque de ne pas se tenir à bonne date dans la mesure où, selon des sources bien informées, le président Jonathan pourrait être amené à court-circuiter leur tenue. En effet, avec l'évolution des tendances de l'électorat qui penche de plus en plus en faveur de l'opposition APC conduite par le général Buhari, Jonathan envisagerait de ne pas laisser les élections se tenir le 14 février pour ne pas en arriver à l'issue inadmissible d'un échec annoncé. Pour cela, toutes sortes d’hypothèses sont considérées par le camp présidentiel. Selon la stratégie mise en place par Jonathan et ses hommes, une campagne devrait avoir été lancée pour discréditer la CENA nigériane dans sa capacité à respecter les exigences d'une bonne organisation, notamment en ce qui concerne la logistique. Mais cette campagne qui a été annoncée depuis Londres par le conseiller à la sécurité du président Jonathan, M Sambo Dasuki, semble avoir fait long feu, et ce pour plusieurs raisons :1. Parce que la presse en a fait état et divulgué par le menu le plan. 2. Parce que la CENA nigériane a affirmé sa détermination à respecter son calendrier.3. Enfin parce que l'opposition mais aussi la Société civile comme un seul homme ont crié haut et fort qu'il n'en est pas question et que les choses doivent se dérouler comme prévues. Malgré cette première déconvenue, Jonathan persiste, tant la progression de son adversaire de plus en plus inexorable fait apparaître comme plausible le risque, considéré comme honteux en Afrique, pour un président sortant d'être battu aux élections. Ce risque est d'autant plus sérieux que nombre de gouverneurs de son parti, bien qu'ayant proclamé leur allégeance à Jonathan, travaillent dans l'ombre pour l'opposition. Or selon la constitution, le vainqueur des élections présidentielles doit aussi gagner ou avoir un certain pourcentage de voix dans les deux tiers des États. C'est pour toutes ces raisons que la panique croît dans le camp de Jonathan où l'on continue de fourbir les armes de la neutralisation des élections. À cet égard, quatre options ont la faveur de Jonathan. 1. Le président nigérian pourrait envisager de convoquer le Conseil d'État dans les tout prochains jours pour le persuader d'ajourner les élections. Dans cet ordre d'idées, Jonathan souhaiterait instaurer un gouvernement d'union nationale qu'il dirigerait pendant 18 mois voire deux ans. Mais il n'est pas sûr d'obtenir le quitus de ce conseil d'État constitué, entre autres personnalités, des anciens chefs d'État dont nombre sont ouvertement critiques à l'égard de sa politique. 2. L'autre option consiste à serrer le cordon de la bourse à la CENA, sinon à tarir ses sources de financement, du moins à lui mettre le bâton dans les roues au moment où elle a le plus besoin d'argent pour assurer la mise en place de la logistique des élections. En dehors de l'asphyxie financière, la présidence nigériane travaille aussi à saper le moral et la réputation de la CENA. Le but visé à terme est l'éviction de son président jugé peu coopératif avec le pouvoir, ou trop intègre pour jouer le jeu d'une collusion. 3. La troisième option mise sur la table consiste à recruter certains membres de la conférence nationale qui s'est tenue quelques mois auparavant et à les amener à prendre fait et cause pour l'ajournement des élections et leur conditionnement à la modification de la constitution conformément aux décisions de la conférence nationale. Pour parvenir à cette fin, selon des sources proches du plan, le président Jonathan aurait payé 2 milliards de nairas au président d'une chaîne de télévision privée pour que celui-ci assure la coordination de la campagne dont le thème principal se focalisera sur l'incapacité de la CENA nigériane à respecter les délais, et la situation d'insécurité qui prévaut dans le nord est du pays. 4. Enfin la quatrième option sur laquelle planchent sérieusement Jonathan et ses hommes de main est l'intervention opportuniste de l'armée dans le jeu politique. De ce point de vue, un personnage-clé est le chef d'État-major de l'Armée, le général Tobiah Minimah. Cette hypothèse est d'autant plus cohérente d’un point de vue culturel que ce général est de la même région du Delta du Niger que Jonathan. Le mode d’intervention de l'armée dans le jeu politique consisterait à mettre fin au processus électoral si toutefois il apparaissait que ses résultats ne favorisaient pas le camp présidentiel. Enfin, en prélude au choix de l'une de ces options, dans une logique de harassement de l’adversaire, le camp de Jonathan vient d'intenter une action en justice contre l'éligibilité du général Buhari, attaquée pour défaut de preuve formelle de sa formation scolaire, comme l’exige la constitution. Alan Basilegpo | | |
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