Élu en 2006 de façon confortable sur le thème du changement, M. Yayi, alors président de la BOAD, ouvrait une mandature placée sous le signe euphorique de l'émergence. Mais, à l'oeuvre, il apparut, même aux yeux des aveugles, que rien ne changeait. Le Bénin restait le Bénin ; les Béninois aussi. En matière d'émergence, on vit l'ancien banquier se muer en autocrate. Dès l’instant où il fut investi président de la république, il n'avait qu'un seul programme érigé en idée fixe : sa réélection. C'était une question d'honneur et de bonheur. Au nom de cette obsession grandiose, il ne reculait devant rien. Il remuait ciel et terre, s'agitait beaucoup, voyageait beaucoup, dilapidait les maigres ressources publiques, exerçait de la violence d'État, emprisonnait ceux qui--hommes politiques, journalistes ou hommes d'affaires ou en vue -- avaient le malheur de se trouver en travers de sa route. Tout cela se traduisait par une gouvernance à vue, l'arbitraire, la corruption au sommet de l'État. Et bien sûr, la misère croissante du peuple. De même, le « Docteur » Yayi, comme ses thuriféraires aiment l’appeler, n'hésita-t-il pas à instrumentaliser les institutions d'un pays dont le fonctionnement sous son règne avait perdu toute substance républicaine pour devenir une Démocratie théâtrale. À la corruption et à l'arbitraire, il faudrait ajouter le régionalisme. Un régionalisme sans fard et décomplexé dont les nominations fantaisistes et le clientélisme acharné en étaient les deux mamelles. Toute cette politique sans queue ni tête ne visait qu'un but : Indépendamment de son bilan, gagner coûte que coûte les élections face à l'UN et son candidat désigné, Me Adrien Houngbédji. Si la confrontation précédente des deux hommes s'était soldée en 2006 par la victoire sans conteste de M. Yayi, tout laissait supposer qu'il n'en irait pas de même en 2011. Car tous ceux qui, en 2006, étaient du côté de M. Yayi dans l’alliance wologuèdè de triste mémoire étaient, par déception, passés avec armes et bagages du côté de Me Adrien Houngbédji. L'arithmétique était donc contre M. Yayi. Mais aussi les faits. Le fait que le changement se révélât un simple coup d'épée dans l'eau, sinon un masque de la médiocrité et de la corruption dont l'aune était passée, comme l’a dit M. Bruno AMOUSSOU, « de la cuiller à café à la louche ». Tout cela rendait M. Yayi nerveux. Au plus fort de ses échauffourées avec les Soglo autour de la conquête ambitieuse de la mairie de Cotonou en 2009, il se montrait menaçant, allant jusqu'à promettre de mettre le pays à feu et à sang. Paroles assez troublantes venant d'un président de la république, un tantinet irresponsables, mais qui en disaient long sur son état d'esprit et l'irritation croissante qui le gagnait au fur et à mesure qu'approchaient les échéances électorales de mars 2011. Ou bien simples rodomontades pour terroriser ses ennemis, folie d'un président acculé par le spectre de l'échec préfiguré par la contre-performance aux élections communales ? Toujours est-il que M. Yayi, dans un double jeu pour le moins machiavélique finit par préférer mettre les Soglo dans son sac plutôt que de les avoir contre lui. Ce choix sournois, conjugué avec la fraude, le trucage de la LEPI, le détournement tarifé des institutions, tout cela allait le conduire au K.-O. de mars 2011. Issue d'autant plus fallacieuse qu'elle constituait une première dans l'histoire du renouveau démocratique au Bénin. Avec la bénédiction de la Françafrique, à laquelle il n'a jamais ménagé ses reptations et génuflexions comme cela se fait dans toute l'aire francophone sous séquelle, M. Yayi a réussi à s'imposer président de la république à nouveau frais. Qui peut le lui refuser s'il a dilapidé des milliards de l'État pour chloroformer de larges secteurs de la société civile et des corps intermédiaires ? Qui peut le lui refuser s'il a fait la part belle aux Blancs et aux petits Noirs qui gravitent autour de la Françafrique? Mais le pouvoir n'est pas une fin en soi. À quoi bon s'imposer à tout un peuple si l'on ne peut rien pour changer sa condition qui va en s'empirant ? Comment faire pour rembourrer les caisses de l'État ou tout le moins enrayer le spectre de leur assèchement ? De plus, le holdup de mars 2011 était trop gros pour laisser la conscience de son auteur en paix. Non seulement le Bénin n'est pas au mieux de sa forme mais le président non plus n'est pas au mieux de la sienne. Le crime politico-électoral de la mise hors jeu du peuple que constituait le holdup de mars 2011 le travaillait sous le casque. Et le seul fait d'avoir fait des pieds et des mains pour accéder au fauteuil du Président de l'UA ne durera pas suffisamment ou ne suffira pas durablement pour se blanchir. Pour échapper à ce double écueil, M. Yayi a d'abord songé dans un premier temps à faire une fuite en avant. Ce fut le long épisode de la tentative de révision de la constitution. Occasion de tester les états d'esprit et la résilience insaisissable des Béninois. Ce fut un échec. Alors le chaotique K.-O.-teur national changea son fusil d'épaule, ou du moins cherche-t-il à reculer pour mieux sauter. La nouvelle solution lancée comme un ballon d'essai dans la presse et les milieux politiques est le Gouvernement d'Union nationale. Le PRD, l’ennemi intime va, apprend-on, faire son entrée au gouvernement ! Il est évident que les parties prenantes de ce mariage ont chacune leurs intérêts et leurs objectifs. Le PRD raconte à qui veut le croire que la crise qui frappe le pays nécessite son entrée au gouvernement ; que la crise sera de ce fait mieux jugulée. Mais quelle solution lumineuse à la crise possède le PRD qu'il ne peut adresser patriotiquement au président de la république pour qu'il l’applique ? Ou alors, les gouvernements étant de véritables mangeoires sous nos cieux, faut-il comprendre que la possibilité aux futurs représentants du PRD d'entrer au gouvernement sera une façon et peut-être la méthode majeure d'atténuation des effets de la crise, non pas en redressant l'économie mais en partageant le gâteau entre chiens et loups ? Échange de bons procédés, sorte de socialisme d'appareil avec le premier travers de cette doctrine politique que constitue la tendance à vouloir partager une richesse non produite, sur le dos du plus grand nombre. Mais dans cette affaire, il reste que M. Yayi n'a pas dit son dernier mot. Outre que ce gouvernement d'union nationale annoncé à grand renfort de publicité lui donnera l'occasion de faire amende honorable face à la mauvaise conscience du hold-up électoral de mars 2011, qui sait s'il n'a choisi là la meilleure façon de réaliser ses fantasmes autocratiques en piégeant le seul parti qui pouvait encore légitimement l’en empêcher ? | | |
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